Costa Rica – Étape 3: Manuel Antonio

Lundi matin, Santa Elena de Monteverde. Marc a préparé du café pour les plus matinaux, l’occasion d’un dernier petit déjeuner convivial avec mes amis éphémères. Je quitte ensuite les charmantes collines de Monteverde, par un bus qui m’amène à Quepos, aux portes du Parc Manuel Antonio, sur la côte pacifique. Je laisse dans mon dos la Laguna de Arenal, puis plus tard la forêt de nuages. En se rapprochant de la côte, la route se borde de plantations, essentiellement des palmiers. Le décor change, mais ne se départ pas de son inconditionnel vert.

Quepos est une petite bourgade au bord du pacifique, entourée de collines hérissées de forêt tropicale. Transformée par l’attractivité touristique grandissante du Parc, la ville s’est parée d’un maquillage artificiel, mais on sent poindre sous le fard son authenticité d’antan. Le Wide Mouth Frog hostel en est une bonne illustration. La machine est rodée, l’accueil efficace et impersonnel, cependant la petite piscine aux faïences fatiguées autour de laquelle se serrent de minuscules chambres monacales donne à l’endroit un charme désuet. Et, comble de l’authenticité, la connection wifi est déplorable. Affaires déposées dans ma « cellule », je me mets donc en quête d’un café mieux équipé en la matière pour avancer le blog.

Je découvre alors une facette sombre de ce magnifique petit pays. Il est 16h et le petit établissement accueille une demi douzaine de retraités américains, répartis sur deux tables hautes. Ils sont passablement saouls. Nombre de leur compatriotes ont choisi, comme eux, une retraite douce et ensoleillée sur la côte costaricienne. Desinhibés par la boisson, ils parlent, fort, du pays natal avec nostalgie, et s’adressent aux locaux avec une condescendance amicale de colons modernes. Triste spectacle.

Je laisse les expatriés à leur addiction et sors me dégourdir les jambes. Quelques emplettes plus tard (dont une paire de tongs, les miennes m’ayant lâché en Amazonie), je suis de retour à l’hôtel, pour un dîner léger. L’auberge est calme, j’en profite pour me coucher tôt, afin d’être en forme pour une exploration matinale du Parc Manuel Antonio!

Mardi matin, Quepos. Il n’est que 7h mais le soleil brille déjà haut dans le ciel. Un vieux bus aux couleurs du pays me dépose sur une plage, à quelques encablures de l’entrée du Parc Manuel Antonio. Je pénètre dans la forêt, avec les quelques courageux qui ont bravé le sommeil pour assister au réveil des habitants de la réserve.

Quelques jours après avoir arpenté la forêt de nuages, je ne peux m’empêcher de remarquer à quel point ces bois sont différents. Je suis d’abord surpris par la sécheresse de l’endroit. Pas d’explosion de lichen ici, et les quelques ruisseaux qui courent entre les arbres sont taris. Le parfum lui aussi me frappe : le soleil qui chauffe à travers la canopée, les rares fleurs, les embruns salés venant de l’océan tout proche, donnent à l’atmosphère une odeur boisée, presque poivrée, aux pointes de musc et de santal. La végétation, dense dans les collines du parc, se fait moins gourmande à mesure que la mer se rapproche, laissant ainsi des poches plus ouvertes d’où admirer l’océan.

Le petit pont de bois
Autoroute de fourmis coupeuses de feuilles
L’arbre à miroirs

Absorbé par ces considérations floresques, je n’en distingue pas moins le bruit familier de branches en mouvement. Là-haut, un singe hurleur, étrangement silencieux, m’observe. Ironiquement, après avoir entendu sans les voir nombre de ses congénères aboyer dans la forêt amazonienne, le premier qu’il m’est donné d’admirer est aphone.

Je continue ma promenade, le nez en l’air et l’oreille attentive. Ce qui me permet de voir un superbe pic à crête rouge en plein travail.

Hé hé hè hè hè !

Hautes sphères toujours, à deux pas d’un croisement de sentiers, perché sur un grand arbre mais facilement visible, un paresseux à deux doigts se repose. La canopée étant moins haute ici qu’en Amazonie, même sans jumelles, je le vois bien mieux que lors de ma précédente rencontre avec l’un des siens. Cette boule de poils beiges, longs, et drus est accrochée au tronc, à la verticale, tel un koala un peu dégingandé.

Et ça roupille encore…
Je suis à deux doigts de faire intervenir le CCP…

Le sentier me mène alors sur la plage Manuel Antonio, qui offre un paysage de carte postale. Cocotiers et massifs luxuriants dominent une petite baie de sable fin qui accueille une mer bleu-émeraude. C’est superbe.

Le monde perdu
Castaway
Mardi ou la vie sauvage

Mon œil est vite attiré par les dizaines de Bernard-l’ermites qui courent en tous sens sur le sable.

Bernaaaaaaaaaard !

En en suivant un gros spécimen afin de le prendre en photo, je sursaute alors qu’une petite masse immobile sur un tronc se met à bouger vivement. Un iguane ! Puis un deuxième ! Beiges, la face allongée, ils ressemblent à leurs cousins des Galápagos, mais arborent toutefois un air nettement moins préhistorique. Ils sont plus farouches aussi. Je parviens tout de même à prendre quelques clichés pour mon bestiaire.

Jean Michel Petoche, cousin éloigné de Jean Michel Ballec
“Je ne fais plus un seul geste. Sa vision est basée sur le mouvement…”
Sympa, ton goître

Je poursuis ma route vers la punta catedral, le promontoire de la pointe ouest de la baie. Le sentier offre de superbes vues sur le pacifique et les petites îles au large de la côte.

L’ile rousse
“Je possède deux îles, au large du Costa Rica”

Je croise en chemin un drôle de gros rongeur, sorte d’hybride entre un écureuil et un marcassin. C’est un agouti d’Amérique centrale, et un bien curieux animal…

Ecussin des bois

Au bout du sentier, je réalise que la plage Manuel Antonio est en fait située sur un isthme, et que derrière elle se trouve une autre plage, la playa Espadilla sur, tout aussi jolie même si légèrement moins sauvage. Je traverse la baie, en regardant le spectacle des pélicans prenant leur petit déjeuner.

Oh, des condors !
Le fameux “deux contre un”
Jonathan le pelican
Harpon
“C’est joli le paysage” “C’est central quoi.”
“Ne bouges pas mecton, j’ai un cadeau pour toi…”

Je replonge ensuite dans la forêt, vers le sud du parc, pour découvrir d’autres points de vue. Je ne suis pas déçu. La punta serrucho, un long isthme étroit d’origine volcanique, est somptueux. De mon perchoir, je peux apercevoir au loin la réserve maritime Balenna, où les baleines à bosses viennent élever leurs petits au printemps, et la longue playa Rey, qui accueille elle la ponte des tortues marines.

J’aime la forêt sur la mer.
La punta serrocho

Après un long moment contemplatif, je décide de m’offrir un bain de mer. Je me dirige vers la plage Manuel Antonio, après un court passage sur la petite plage Gemelas. En chemin, je repère un touchant couple de singes hurleurs, cajolant un tout petit bébé primate.

Le niveau sonore à la maison…

Une fois ma destination atteinte, je me fraye un chemin au milieu des cailloux jusqu’à une petite pointe faite de rochers plats, très loin de la petite foule qui se constitue sur la plage. On ne se refait pas, lorsqu’on a appris à nager a Daddy-Milou, sur l’île de Bendor, on a besoin de son rocher à l’abris des babanes.

Le rocher de Mimi
La piscine de Mimi

L’eau est chaude! Et un fort courant menace de me déporter vers le large. Je reste prudemment près de mes rochers, à me laisser balloter par les vagues. L’heure de la sieste venue, je m’allonge sur le sol dur, et finalement pas si plat que ça. Vingt minutes d’inconfort plus tard, je me résous à terminer ma sieste sur la plage. Mais elle sera de courte durée, puisqu’à 14h pétante, les violents coups de sifflets des gardes du parc nous exhortent à quitter notre havre. Pandémie oblige, le pays a décrété pour le mois de janvier, période de vacances ici, la fermeture des plages en début d’après-midi. Je suis sagement le flot des touristes vers la sortie du parc. J’oblique ensuite vers l’arrêt de bus.

Alors que j’entame le dernier virage, une sorte de lézard géant passe devant moi à toute vitesse, courant sur ses deux pattes arrières, ses bras roulant dans les airs tels des hélices infructueuses ! Quelle vision extraordinaire ! Me voyant éberlué, un sympathique local prenant le frais au bord de la rivière attenante au chemin m’explique que je viens de voir un Basilic, une des créatures les plus bizarres et les plus cocasses de ces parages. Le sourire ne me quitte pas du chemin du retour, alors que je me remémore les « highlights » de cette belle journée au parc.

À coup sûr un descendant de l’assassin de Denis Nedry (ppdm)

A l’hôtel, je m’installe sur le toit terrasse qui offre une belle vue sur les collines alentours pour programmer la suite de mon voyage.

Après une averse courte mais diluvienne, je sors dîner dans une pizzeria du coin. La journée a commencé tôt, et elle se termine ainsi tôt, d’autant que mon bus du lendemain part à 6h. Demain, cap vers la région la plus sauvage, et la plus excentrée du Costa Rica : la péninsule d’Osa, et le Parc Corcovado !

Je vous embrasse !

Julien

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