Équateur – Étape 13: Santa Cruz 2, le retour, Galápagos

Mardi matin, embarcadère de Puerto Baquerizo. Un dernier regard sur San Cristobal, et j’embarque au petit matin pour Santa Cruz. La perspective des plongées qui m’attendent là-bas, ainsi que les adieux au coq Duracell, rendent le départ plus doux. La traversée est exceptionnellement calme, j’ai du mal à croire que nous effectuons le même parcours qu’à l’aller ! Je débarque avec une demi heure d’avance sur la jetée familière de Puerto Ayora. En attendant que le club de plongée ouvre (j’y ai rendez-vous avec Angel, notre instructeur pour la semaine), je m’offre un petit déjeuner, profitant de la tranquillité matinale. Après avoir réglé quelques details administratifs au club, je traverse la ville pour me rendre chez Patty, mon ultime lieu de séjour sur l’archipel. J’ai un petit appartement, avec chambre confortable et kitchenette privée, c’est parfait ! L’hôtel est un peu loin du centre mais les charmants propriétaires mettent un vélo à ma disposition pour la durée de mon séjour. Je m’installe rapidement et fonce retrouver Tortuga Bay, l’un de mes endroits favoris de l’archipel. La superbe baie est toujours là, les iguanes aussi, et au bout de la plage la lagune est prête pour la baignade. Avant de repartir, je passe un long moment à observer et photographier les iguanes qui se chauffent entre plage et mangrove, éternuant fréquemment pour dessaler leur organisme.

Iguane marin sur son lit de cresson
Iguane marin en pleine mue
On est pas bien, là ?
T’as de beaux yeux tu sais ?

De retour en ville, je retrouve au club Julie et Aurélien, qui sont arrivés par le bateau de l’après-midi. Angel nous briefe sur le déroulement de la semaine, dans un anglais maîtrisé mais assez personnel (“ofscürse”). Nous alternerons théorie et pratique, le tout sur quatre jours, l’examen final ayant lieu dimanche. Nous nous quittons en fin d’après-midi, et je rentre potasser le livre de cours afin de mieux digérer les heures de vidéos du lendemain, en élève studieux. La fatigue néanmoins a raison de mon assiduité et je m’endors sur la page 78.

Mercredi matin, Maccaron Diving School. Il est 9h30 et la classe commence. Trois heures de vidéos sur le materiel, les protocoles, les comportements à adopter en plongée. La session est ponctuée d’explications, pas toujours limpides, de notre jovial instructeur, mais aussi de nombreux rires. En effet, sur la forme, les vidéos sont un mix entre Alerte à Malibu et les émissions américaines de téléachat des années 90. Nous parvenons tout de même à terminer les trois premier chapitres avant le début d’après-midi. Je file donc à Tortuga Bay, pour un traditionnel combo natation, sieste, lecture, photos. J’ai même la chance d’apercevoir quelques raies pastenagues sur les fonds sablonneux lors de mes baignades.

Bande de jeunes iguanes squattant le hall d’immeuble
Les physios de Tortuga Bay

Nous sommes de retour au club en fin d’après-midi pour des exercices pratiques autour de l’équipement. Lorsque tout est prêt pour les plongées du lendemain, j’achète un colossal morceau de thon frais sur le marché au poisson en face du club, et m’en régale à la maison. Je me couche tôt, la journée de demain sera chargée, avec trois plongées. J’ai hâte !

Jeudi matin, embarcadère de Baltra, nord de Santa Cruz. Nous chargeons le matériel à bord du bateau du capitaine (et patron du club), le factieux Juan Carlos, qui nous fait régulièrement admirer la plus belle raie des Galapagos après la Manta : la sienne. Richard, notre instructeur lors de notre baptême quelques semaines plus tôt est là aussi. J’échange quelques mots d’italien avec lui, il a vécu deux ans sur les bords du lac de Côme. Notre bon Angel est fidèle au poste, un sourire malicieux sur le visage. Il règne une atmosphère bon enfant, légère, pleine d’un bonheur simple, chacun semble heureux d’être là ce matin. La première plongée, en eaux peu profondes, est entièrement dédiée à des exercices pratiques : retirer l’eau dans son masque, accéder à la source alternative d’air de son binôme, enlever et remettre son équipement sous l’eau…Nous sommes chanceux, d’habitude cette partie de la formation est réalisée en piscine. Par contre, la piscine naturelle dans laquelle nous nous trouvons présente une difficulté supplémentaire : se concentrer malgré les superbes poissons qui gravitent autour de nous. La session se termine avec les félicitations d’Angel tant nous avons réalisé les exercices avec calme et application. Mention spéciale à Julie qui a dû exécuter toute la série avec un masque défectueux continuellement rempli d’eau !

Nous remontons à bord, impatient de retourner à l’eau pour une plongée plus ludique, en conditions réelles. Et nous ne sommes pas déçus ! Je retrouve cette sensation de liberté éprouvée lors de mon baptême, alors même que je suis d’avantage maître de mes mouvements grâce à la formation et aux conseils avisés d’Angel. Nous descendons à treize mètres de profondeur et réalisons quelques rapides exercices, avant d’explorer la zone. La profusion de poissons est toujours aussi spectaculaire. Nous voyons pour la première fois d’étranges poissons trompettes.

Ppdm

Entre la vision d’un agile requin à pointes blanches et celle d’une tortue remontant le courant, je travaille ma flottabilité pour atteindre ce fabuleux sentiment de flotter entre deux eaux, sans effort. Palier de sécurité effectué, il nous faut remonter à la surface. Mais nous retrouvons vite ce merveilleux monde sous-marin pour une somptueuse troisième plongée à l’îlot Daphné. Nous atteignons cette fois dix-huit mètres de profondeur, descendants le long d’une superbe parois, parée de lumineuses étoiles de mer. Arrivés au fond, un lion de mer se joint à nous, virevoltant à toute allure, disparaissant dans une cavité pour réapparaître dans une autre. Cette gracieuse danse, vue de notre loge aquatique, est féerique. Nous explorons une large grotte à la recherche de requins endormis, puis remontons le long de la façade accidentée de l’îlot, entourés de bancs de poissons jaunes et gris. Ce foisonnement de vie coloré a de nouveau sur moi cette puissante attraction, qui me fait redescendre malgré moi alors que nous avons initié notre remontée. Je reprends conscience au son de la clochette d’Angel et poursuis mon ascension, empli d’une douce euphorie. Celle-ci, effet secondaire classique après tant de temps sous l’eau, a gagné mes acolytes, et semble-t-il l’ensemble des passagers. Ainsi rires et sourires agrémentent le trajet du retour.

La fatigue nous rattrape alors que nous déjeunons (très) tardivement dans le restaurant accolé au club de plongée. Nous nous saluons et chacun regagne ses quartiers pour une soirée studieuse : demain nous attaquons les chapitres quatre et cinq, donc une brève lecture s’impose. Très brève même puisque je m’effondre à la moitié du chapitre quatre. Quelle merveilleuse journée !

Vendredi matin, Puerto Ayora. Au programme ce matin, les chapitres quatre et cinq, qui clôturent la formation théorique. Rien de bien compliqué, si bien que nous en avons terminé à la mi-journée. Sans originalité mais avec un plaisir certain, je prends la direction de Tortuga Bay. J’y suis rejoins par mes amis, et nous refaisons le monde sur la plage, en guettant les têtes de tortues qui dépassent au loin. L’après-midi s’écoule paisiblement, au rythme des iguanes qui traversent la plage en piétinant les feuilles mortes, juste derrière nos serviettes.

Nous repassons brièvement au club pour préparer le matériel de nos plongées du lendemain. Puis Aurélien et moi nous dirigeons vers la Santa Cruz Brewery, où nous sommes accueillis en grande pompe par le sympathique personnel, manifestement heureux de nous revoir. La bière est toujours aussi bonne, et la conversation non moins. Très bon moment avec un vraiment chic type. J’ai décidément de la chance d’avoir rencontré un aussi chouette couple ! Je rentre dans mes quartiers, attrape sur la route des empanadas pour le dîner, et me couche avec les poules pour être en pleine forme demain.

Samedi matin, Maccaron Diving Club. Nous sommes d’apprentis plongeurs, et commençons à maîtriser les rituels de pré-plongée. Nous chargeons le matériel dans les pickups qui nous mènent à l’embarcadère de Baltra, puis transvasons bouteilles et équipement sur le bateau. Sur le chemin vers le premier spot du jour, Seymour Norte, nous vérifions la bonne marche de notre “scuba unit” et nous mettons en tenue. Le tout dans une formidable atmosphère, la bonne humeur ne semblant jamais abandonner nos instructeurs. Fin prêts, assis sur le rebord du pont arrière, une main sur le détendeur, l’autre sur l’arrière du masque, nous nous laissons tomber en arrière. Et c’est parti ! La formation fait ses preuves : je me sens beaucoup plus à l’aise dans l’eau. Je contrôle ma flottabilité, gonflant ou dégonflant mon gilet par petites touches, je bouge très peu, et mes respirations sont intenses, lentes, et régulières. Ce qui permet de profiter encore d’avantage de ces voyages sous-marins.

Angel constate fièrement nos progrès, et s’enhardit. Il décide que nous sommes prêts pour traverser un petit tunnel dont nous venons de déloger un beau requin à pointes blanches, passé à quelques centimètres de nous. Alors que je m’immisce dans la cavité, ma bouteille, fixée (par mes soins…) légèrement trop haut, gène ma progression. Je m’aide donc des bras pour avancer, mais mon annuaire gauche effleure une roche tranchante, qui dessine une coupure profonde et nette au milieu de la phalange supérieure. Un léger filet de sang s’en échappe, mais ça n’a pas l’air très grave et nous continuous la plongée. Le décor est superbe : une pente sableuse légère, parsemée de gros rochers entre lesquelles nous slalomons. Avant de regagner la surface, nous devons gonfler, sous l’eau, une balise de détresse, puis la laisser filer en prenant garde de ne pas remonter à toute vitesse avec elle, pour éviter tout risque de décompression. Mais au moment de libérer la bouée, je me trompe de crochet et me retrouve avec la bouée dans une main, et la bobine de corde dans l’autre…Je remonte donc à toute vitesse à la surface, avant de redescendre immédiatement à 6 mètres pour effectuer, à rebours, mon palier de sécurité. “C’est comme cela qu’on apprend” me glisse Angel avec un sourire. Erreur sans conséquence, car je ne me trouvais qu’à une faible profondeur, mais lourde d’enseignement !

A bord, Julie, qui est médecin, examine et soigne ma blessure. C’est effectivement bien profond, et il faudra la surveiller dans les prochains jours, mais je survivrai, au moins jusqu’à la seconde plongée du jour, sur le site de Mosqueira. Et heureusement, car quelle apothéose ! Pour commencer, Angel nous fait admirer un magnifique hippocampe. En vrai caméléon des mers, il se confond avec la roche, et il faut un œil expert pour le repérer.

Chatoie

Quelques minutes plus tard, en descendant, nous apercevons, droit devant nous, un requin marteau. Il n’en faut guère plus pour mon bonheur. Pourtant, ce n’est que le début. Comme nous dira Angel à notre retour à bord, en plongée, il y a une différence massive entre voir et observer. Et après avoir vu un requin marteau, nous avons observé pléthore de requins marteau. Accrochés à de petits rochers le long d’une pente sableuse, à 20 mètres de profondeur, nous avons assisté à un prodigieux spectacle. Les monstres à tête plate, d’environ deux mètres, se sont succédés sur la scène, tantôt indifférents à notre présence, tantôt curieux. Comme ce spécimen qui s’est approché, face en avant, à quelques mètres seulement de notre poste d’observation. J’ai pu le regarder dans les yeux. Enfin tout du moins dans l’un de ses yeux. Musculeux et difforme, ce si étrange animal n’en dégage pas moins une forme de grâce, comme un Quasimodo des mers. Au milieu de ses cousins à tête plate, un énorme requin des Galápagos, de plus de trois mètres, s’invite à la fête, tenant néanmoins (et heureusement ?) ses distances.

Simon, t’as un bout de pomme de terre sur la joue
Les dents de la mer…

Je serai bien resté quelques heures avec ces créatures qui me terrifiaient étant enfant, et qui me fascinent toujours autant qu’à l’époque. Mais nos réserves d’air diminuent et il nous faut entamer la remontée. Comme pour nous fournir une consolation, un escadron de raies manta passe au dessus de nous à cet instant précis.

Oiseaux sous-marins

Dans la montée, en regardant au fond, nous voyons nos amis squales aux silhouettes si particulières poursuivre leur danse.

Le ronde des marteaux

Une fois à la surface, gilet gonflé, il me faut un moment pour revenir à la réalité. J’ai du mal à croire au spectacle auquel je viens d’assister. Sur le bateau, j’immortalise l’instant, sous un magnifique ciel bleu, en prenant quelques photos.

Angel, ofscürse, gentle and eu-smart
Juan Carlos, dit Papacito
Mes collègues de promo
OWD course – Dec 2020

Une sympathique famille de Quito nous a accompagnés pour la journée, et nous échangeons nos impressions réciproques sur les plongées que nous venons de vivre, tandis que Juan Carlos nous ramène à bon port. Nouveau déjeuner tardif au restaurant “El chocolate”, attenant au club, puis je rentre me remettre de mes émotions à la maison. La fin d’après-midi est studieuse, je révise dans mon livre pour préparer l’examen théorique du lendemain. Julie et Aurelien, qui ont récupéré les vidéos de nos plongées, m’envoient quelques snapshots des requins. Une preuve tangible que ce merveilleux moment a bel et bien existé…

Dimanche matin, Tortuga Bay. Mon dernier jour complet aux Galápagos doit être inoubliable. C’est donc naturellement que je me retrouve à Tortuga Bay. Ce matin, j’ai eu le plaisir de voir toute la famille lors de notre Google meet hebdomadaire, et de raconter mes aventures avec les requins à mes petits neveux, dont je ne suis pas sûr qu’ils m’aient pris au sérieux…Et puisque l’examen n’a lieu que cet après-midi, je suis venu saluer ce lieu chéri où je suis venu tant de fois. J’ai nagé loin, assez pour surprendre quelques tortues en train de brouter les rochers à faible profondeur. Puis les iguanes m’ont regardé partir, impassibles comme à leur habitude. Sur le chemin de pierre, lézards et pinsons m’ont fait une haie d’honneur, me sommant de revenir bientôt.

Devant le marché à poisson, je retrouve Julie et Aurélien, pressés d’en découdre avec le test, afin d’être libérés pour fêter dignement nos fantastiques vacances aux Galápagos. Angel est fatigué. Il a plongé ce matin, trois descentes par trente mètres de fond. Mais, professionnel, il nous soumet les questionnaires et les corrige attentivement. Quatre fautes pour moi, trois pour mes acolytes. C’est nettement moins que le maximum accordé, nous sommes donc reçus haut la main. Je vais acheter quelques bières, chips, et viennoiseries pour remercier Angel, Richard, et Juan Carlos pour leur joyeuse participation à cette expérience inoubliable. Le pot de départ est un joyeux bazar, comme il fallait s’y attendre avec de pareil loustics.

Angel 👌
Et Richard 👊

Nos hôtes nous offrent de magnifiques casquettes aux couleurs du club, et, eux aussi, nous invitent à revenir dans quelques temps plonger dans les plus beaux spots du monde. C’est l’heure de l’apéro, néanmoins la Santa Cruz Brewery est fermée le dimanche. Nous optons pour un autre bar à bière non loin de là. Et nous passons une énième formidable soirée ensemble. Avec émotion, car nous ne savons pas quand nous allons nous recroiser, nous nous saluons chaleureusement. Ils vont drôlement me manquer ! Mais nous sommes conscients d’avoir vécu ensemble une incroyable tranche de vie, et nous ne nous oublierons pas. Un peu nostalgique, sans doute un brin éméché aussi, je regagne mon appartement pour ma dernière nuit sur les îles enchantées.

2 commentaires sur « Équateur – Étape 13: Santa Cruz 2, le retour, Galápagos »

  1. Félicitations, d’abord ! A quand la reconversion en prof de plongée et la fondation du club « Chez Michel F. » ? Quelle chance de vivre tout cela ! Et quel plaisir aussi de savoir que tu en profites à fond… 😉

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