Vendredi matin, La Palmera Réale. Bonne année à tous ! De mes contrées lointaines, je vous souhaite une année pleine de joie et d’enthousiasme retrouvé.

Ma journée commence sous les “feliz ańo nuevo” de la patronne. Puis un minibus vient me chercher à 8h, pour me mener vers Monteverde, un paradis de verdure situé de l’autre côté de la Laguna de Arenal. Le bus s’arrête au centre du village pour prendre d’autres passagers. J’ai la surprise, et le plaisir de voir Robert grimper à bord. Il devait en effet partir la veille. Le bus nous dépose à un embarcadère de fortune près d’El Castillo, d’où nous embarquons pour une traversée paisible de la lagune. Cet endroit est incroyable: à part quelques maisons éparses, le lac est entouré de terres sauvages ! Imaginez le lac d’Annecy, ou du Bourget, sans aucune construction, sans aucun pâturage. Nous voguons une belle demi-heure, en admirant les facéties du soleil qui colorent le paysage.






De l’autre côté de la lagune, un autre bus nous récupère. Parmi les vacanciers, je retrouve un couple d’anglais croisé lors d’une excursion aux Galápagos ! Le monde des voyageurs de la pandémie est décidément tout petit…La troupe est joyeuse, et sympathique. Un couple d’irlandais pur jus, cheveux roux, accent décapant, et prodigieuse gentillesse, et un grand Suisse barbu complètent le tableau. Arrivés à Monteverde, la tribu se sépare, chacun rejoignant ses quartiers éphémères.

Le Monteverde Backpackers Hostel est d’un simplicité déconcertante. Presque vétuste. Mais l’accueil est professionnel et chaleureux, et la facture indolore. Le temps de jeter mes affaires sur le matelas fatigué de mon dortoir et me voilà parti vers la Réserve Bosque Nubolo Monteverde, avec Robert et Damien, le grand Suisse barbu, qui se révèle être un excellent compagnon de route. Nous partons à l’assaut de la forêt de nuages, cette splendide forêt tropicale d’altitude. De grands arbres noueux couverts de lichen se disputent la lumière du soleil au milieu de fougères géantes. De fines lianes pendent tel un rideau végétal, rendant encore plus difficile l’observation des oiseaux. Nous tombons cependant nez à truffe avec un coati, fouillant la terre avec son long museau blanc.




La marche est très agréable dans cette univers si particulier, et les nombreux “miradors” qui parsèment le sentier nous permettent d’admirer des étendues vertes à perte de vue.


Le soleil se fait plus franc au fil de l’après-midi, donnant à cette elfique forêt des atours plus accueillant.



Alors que nous rejoignions la sortie après trois heures d’errance méditative dans les méandres de terre du parc, un sympathique guide nous indique la présence d’un Quetzal, merveille de la forêt, sur l’un des sentiers environnants. À pas feutrés, mais énergiques, nous nous hâtons vers le secteur où l’oiseau miracle a été aperçu. Arrivés sur la zone, nous scrutons chaque branche avec application. Damien attire notre attention sur un conséquent amas de guano frais. Instinctivement, nous levons la tête pour retrouver la source de ces abondantes déjections. Je devine alors deux longues plumes, en forme d’étroites fougères.

C’est lui ! Nous nous décalons pour avoir une meilleure vue, et nous délectons du spectacle de cet oiseau majestueux au plumage bleu azur. Quelle chance nous avons ! Nous prenons quelques photos, avec une excitation d’étudiants, avant que la merveille ne s’envole rejoindre d’autres cimes.



Heureux, nous sortons du parc et rejoignons le village à pied. La balade est superbe, et nous arrivons à Monteverde à point pour le coucher du soleil. La scène est splendide, avec ce ciel aux nuages effilés qui rougit derrière les vertes collines.


Ces émotions nous ont donné faim, nous dînons tous les trois dans un chouette restaurant dont la terrasse nous offre une vue magique sur les dernières lueurs du jour. Superbe journée dans les collines luxuriantes et vallonnées de Monteverde !
Samedi matin, Monteverde Backpackers. 6h30. La fine équipe est au complet pour partir à la découverte de la Réserve Santa Elena, à 6km au Nord-est du village. Le taxi nous dépose au parc, où nous attendons les Rangers pour l’ouverture. La forêt de nuages est engoncée dans une brume légère et uniforme, qui revêt le paysage d’un voile blanc. Nous nous enfonçons sur les sentiers, tapis de feuilles mortes humides et glissant. La pluie tombe, mais les différents étages de la canopée nous protègent des ondées. La forêt est magnifique. Comme le remarque habilement Robert, elle est plus “poilue” que celle de la veille, mousses et lichens tapissant arbres et sol.


Elle est aussi comme “trouée” par endroit, offrant ainsi une plus ample profondeur de champs pour tenter d’apercevoir oiseaux et mammifères. D’ailleurs, Damien ne tarde pas à repérer un sublime trogon qui se repose sur une branche.


Nous marchons longuement, alternant discussions animées et pauses méditatives, avec l’exaltante impression d’être seuls dans ces bois. Au milieu d’un des nombreux sentiers du parc, une tour d’observation nous permet de nous élever au-dessus de la canopée. La brume est toujours là, mais lorsqu’elle se dissipe subrepticement nous devinons la lagune de Arenal et les pentes du volcan. De notre nid d’aigle, la forêt, qui s’étend de tous côtés et à perte de vue, ressemble à un champs de brocolis.

Nous rejoignions la sortie du parc, après pas moins de cinq heures de promenade rassérénante dans ses vertes travées. Le soleil fait son apparition, et nous convainc ainsi de rejoindre le village à pied. Les jambes lourdes, mais sans regrets car la balade en valait la peine, nous nous séparons alors, et nous donnons rendez-vous vers 18h pour un “night walk” à la recherche des habitants nocturnes de la forêt de nuages. Je passe la porte de l’hostel avec l’ambition de mettre mon carnet à jour et d’étudier la suite de mon parcours. Mais Marc, un voyageur canadien rencontré la veille est là, et nous reprenons la conversation où nous l’avions laissée hier soir. Alonzo, le gérant de l’établissement, se joint à nous, et l’après-midi s’écoule au rythme de nos échanges animés. Tant pis pour mes résolutions studieuses !
Robert et Damien sont là, à 18h, ainsi que Marco, notre guide pour la soirée. Nous nous laissons guider, lampes de poche en main, sur un petit sentier, bercés par la douce musique de la nuit. Hauts perchés dans les arbres, carcajoux et lémuriens se disputent les fruits de la forêt. À nos pieds, les tarentules sortent chasser dans les environs immédiats de leurs terriers. Coquettes, mais timides, elles se montrent le temps d’une photo puis filent à reculons dans leurs cachettes. Velues et colorés, la démarche souple et agile, je me surprends à leur trouver un charme irrésistible. Il n’en est pas de même pour les araignées loup, dont les toiles épaisses tapissent les pentes de ces bois. Leurs pattes anguleuses et leur abdomen bombé leur donnent un aspect terrifiant…



Nous relevons la tête pour admirer un majestueux hiboux perché sur un grand arbre à la manière d’une étoile sur un sapin de Noël. Nous tombons par hasard sur le rejeton hiboux posé sur un tronc mort à quelques encablures du sol. Touchante petite boule de plumes !

Nous restons dans les mignoneries en découvrant les rainettes pygmées, grenouilles miniatures posées sur les feuilles et les fleurs de la forêt.



Point d’orgue de la soirée, Marco dirige sa lampe vers un somptueux “keel-billed toucan” au bec multicolore. Impassible, il se laisse admirer sous toutes ses facettes. Quelle merveille !


Quelques fantaisies plus loin, dont un phasme et un escargot microscopique, nous achevons cette mémorable promenade nocturne. Monteverde est décidément un foisonnant petit paradis.



Dimanche matin, Monteverde Backpackers. Marco m’attend, à 6h, devant l’hostel. J’ai le plaisir de retrouver notre guide de la veille, cette fois pour une observation matinale des oiseaux de la forêt de nuages. Concentré, précis, parfois un peu brusque, Marco est déterminé à dénicher les plus beaux spécimens. Il gare sa jeep à hauteur d’un virage dégagé de la route du parc Monteverde.
Je descends, et nous sommes immédiatement accueillis par un éblouissant motmot trônant sur un poteau.

De jolies perruches vertes et brunes complètent le comité de bienvenue.


Puis le festival commence. Stratégiquement positionnés à proximité de trois gros arbres lourds de fruits savoureux, nous sommes vite déboussolés par la multitude d’espèces qui vont et viennent entre les branches. Mais Marco, en professionnel aguerri, reprend vite ses esprits au milieu de cette abondance aviaire, et structure notre observation, lui donnant un ordre logique. D’abord les espèces insaisissables, qui picorent et disparaissent en un éclair, à l’anglaise. Nous aurons tout loisir d’admirer les autres, plus latines, qui prennent leur temps pour déjeuner, plus tard.
Les petits euphonias, les vifs tanagers, les virevoltants warblers, où les agiles flycatchers sont difficiles à capturer du regard.




Les bruyants grackles, les lourdes chachalacas, ou le tranquille geai brun nous donnent moins de fil à retordre.


Dans les herbes, armés de patience, nous cherchons les sautillants sparrows, et avons la chance de distinguer la robe rayée brune, noire et grise du rufous-collared sparrow, et les tâches jaunes et blanches sur la tête du white-eared ground sparrow.

Alors que je profite d’un second passage de motmot, je distingue le chant si particulier des oropendolas, comme des gouttes d’eau qui tomberaient lourdement dans un large vase au goulot étroit. Marco m’apprend qu’il s’agit d’oropendolas de Montezuma, bec rouge et paupières blanches, la seule des trois espèces que je n‘ai pas encore vu ! La plus belle, aussi. S’en suit donc une longue chasse, à courir d’un arbre à un autre, télescope en main, afin de poser nos yeux sur ces chanteurs hors pairs. Grisante, l’entreprise s’avère néanmoins infructueuse, malgré les efforts de Marco.

Mais comme pour nous dédommager, la nature nous offre à ce moment précis un bouquet final d’une richesse inouïe. Dans un défilé désorganisé surgissent de tous côtés des oiseaux rivalisant de beauté:
Le tityra masqué, paré pour le carnaval avec sa robe blanche et son masque rouge et noir;

L’oriole de Baltimore et son ventre d’un orange éclatant;


Et enfin le magnifique toucanet émeraude, sorte de perruche obèse déguisée en toucan.


Ces escapades magiques, quêtes de miracles volants, m’emplissent de joie, à chaque fois.
Il est presque 9h et le café qui se trouve au cœur de notre terrain de jeu, dans le virage aux oiseaux, ouvre ses portes. J’y prends, dans un charmant petit jardin ombragé, le meilleur petit déjeuner de mon aventure américaine, les huevos rancheros sont exceptionnels. Marco me raconte que sa passion des oiseaux est née alors qu’il construisait une tour d’observation aux Galápagos. Les facéties des fous aux pieds bleus lui ont donné le virus de l’ornithologie.
Juste avant notre départ, comme si le tour comprenait une surprise finale, un toucanet, un couple d’orioles, et même un bel écureuil viennent poser à quelques mètres de nous. Moment magique !










Il n’est pas 10h quand je rejoins l’hostel, et la journée m’a déjà offert une dose irréelle de merveilles. Marc m’offre lui une tasse de café et nous bavardons un moment. Je profite ensuite du calme de l’auberge pour écrire, la tête pleine des images superbes de ces derniers jours.
À la mi-journée, le lieu s’anime, le bus de la fortuna déversant son lot de nouveaux arrivants: un quadragénaire suédois un peu bourru mais sympathique, une triplette d’étudiants américains, et un couple de jeunes françaises. En anciens (Marc connaît très bien la maison, pour y avoir séjourné longuement l’année passée), nous distillons à nos nouveaux compagnons des conseils sur les choses à faire dans les parages.
J’ai ensuite besoin de me dégourdir les jambes. Une courte promenade dans les vallons monteverdois me mène au fameux ficus tree, un immense arbre gruyère au milieu de la forêt. Le jeu en vogue ici est de grimper à l’intérieur du tronc, s’aidant des branches et racines noueuses. Je me lance mais suis très vite rattrapé par mon vertige. Je ne ferai donc pas mieux que sur la tour infernale de la réserve Jatun Sacha, à Tena…


Conscient qu’il me faut à présent prendre le temps de programmer ma prochaine étape, et que les tentations de papotage à l’auberge seront nombreuses, je lui préfère la terrasse d’un joli café donnant sur les vertes collines. Lonely en main, je me décide pour rejoindre la côte pacifique et le parc national Manuel Antonio, un joyau de la biodiversité costaricienne.
Robert, qui a passé la journée à étudier les offres de volontariat dans le pays (il réfléchit à prolonger son séjour de quelques semaines) me rejoint pour une balade dans les environs. Au détour d’un virage, nous croisons quelques dizaines de badauds répartis le long de la route afin d’observer le coucher du soleil. Un coup d’œil au panorama suffit pour expliquer l’attroupement.


Sur le chemin du retour, nous dînons au Morpho’s. Puis je souhaite bonne route à cet étonnant et chouette petit gars, une rencontre rafraîchissante ! D’autres rencontres m’attendent à l’hostel. Tout est réuni pour une soirée comme je les aimes. Tous les occupants s’installent autour de la table, la conversation s’engage, les rires ne tardent pas à résonner dans la chaleureuse pièce commune, ou sur la terrasse. Il règne une atmosphère de partage, de légèreté, de bienveillance. On sent chaque convive curieux des autres, et heureux d’être là, simplement. Les voyageurs quittent la tablée, l’un après l’autre, souhaitant aux uns bonne nuit, aux autres bonne route. Je prends congé à mon tour, sourire aux lèvres, content de ce joyeux moment d’échange dans la forêt costaricienne.
Je vous embrasse !
Julien
Que d’aventures au Monteverde ! Tu as vu des oiseaux de toutes les couleurs et en très bonne compagnie ! Profite !! 😘
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