Costa Rica – Étape 1: Arenal

Mardi matin, Alajuela. Cette nuit, j’ai dormi. Quel bonheur de se réveiller en forme, dans un nouveau pays ou tout reste à découvrir ! En commençant par le petit déjeuner costaricien, qui n’a rien à envier au desayuno équatorien en terme de calories : œufs au plat, bananes plantains frites, riz et haricots rouges, et pain grillé. Ça bat des records de cholestérol, mais c’est plutôt bon. Je digère en marchant jusqu’à l’une des dix gares routières d’Alajuela. J’apprends d’ailleurs que la petite cité animée est la seconde ville du pays, avec…40000 habitants. Soit moitié moins que Colombes. Je me demande comment les cinq millions d’habitants sont répartis…Ces considérations sur l’aménagement du territoire ne m’empêchent pas de grimper dans le bus pour la Fortuna, à 140 km au Nord Ouest de San José. La Fortuna est une petite bourgade dynamique, camp de base pour explorer la superbe région qui entoure le majestueux volcan Arenal.

Un plan infaillible

Dans le bus, je fais la connaissance de Robert, un jeune américain de Chicago, guitariste à ses heures, venu passer quelques jours au vert dans “la Suisse de l’Amérique centrale”. Les circonstances de son séjour sont cocasses. Invité il y a quelques mois par une amie musicienne et sa famille à fêter le réveillon au Costa Rica en leur compagnie, il se retrouve finalement à effectuer le voyage en solo : la dilettante famille s’est rendue compte la veille du départ qu’elle a pris ses billets pour San José, en Californie. L’esprit bohème a ses charmes, et ses limites…Robert, qui habilement avait acheté le billet pour la bonne destination, a décidé d’honorer l’invitation même sans ses hôtes. Nous parlons de Séville et de Loché (village près de Mâcon), de Jimmy Hoffa et Bobby Kennedy, de Radiohead et Herbie Hancock. Excellentes conversations ! Que nous nous proposons de poursuivre le lendemain autour d’une bière, pour l’apéro. Pour l’heure, je me mets en route vers le Palmera Real Lodge, à l’écart de la ville, qui m’accueillera pour les trois prochains jours. En chemin, un toucan passe juste au-dessus de moi ! Cette aventure commence sous les meilleures hospices…

Ppdm

Je suis accueilli à l’hôtel, sous la pluie, par deux jeunes enfants qui crient “Cliente ! Cliente !” comme s’ils venaient d’apercevoir une espèce rarissime. Leur mère me reçoit avec sourire et gentillesse. L’établissement est propre et net, la chambre vaste et confortable, et un grand jardin bien vert donne sur une petite rivière, au fond. L’ensemble est simple et calme, c’est parfait ! Je fais la connaissance de mes voisins du jour, une sympathique famille de Costariciens. La conversation s’engage en espagnol, puis se teinte d’anglais, pour finir dans un allemand balbutiant. Denis, le papa, s’est mis à apprendre la langue de Goethe pour impressionner son patron germanophone. Il me tient compagnie pendant que je me prépare un dîner rapide, alors que sa femme m’offre pizza, oranges, et noix de coco. Je me couche avec le sourire, dans l’attente des découvertes du lendemain.

Mercredi matin, La Palmera Reale Lodge. Reposé, je suis d’attaque pour une journée sportive. Je salue Denis et sa charmante famille, et rejoins le cœur de la Fortuna, à deux kilomètres, en admirant les nombreux oiseaux. La bourgade est animée, dans mon référentiel covid. Néanmoins, au vu des innombrables restaurants et agences de tourisme, on devine que nous sommes très loin de l’affluence habituelle. Le volcan, qui domine majestueusement le village, est presque invisible, caché sous d’épais nuages. Mais le temps change vite dans ces vertes montagnes !

L’Auvergne au moins de Novembre

Je loue un vélo, et me mets en selle pour une vingtaine de kilomètres vers l’entrée du Parc National du Volcan Arenal. Une virée exigeante, avec un joli dénivelé, et de multiples « ups & downs » casses-pattes. J’ai tout le même le plaisir de voir les nuages se dissiper peu à peu à l’approche du Parc.

Ça se dégage…

Le sentier, facile, mène à une ancienne coulée de lave datant de 1992, qui offre un magnifique panorama sur l’Arenal. Le long du sentier, outre les nombreux petits oiseaux qu’il me faudra identifier à l’aide des internets, je croise une énorme dinde de la Jungle : un mètre de haut, tête noire, corps roux fort dodu, et surtout une magnifique crête bouclée, comme permanentée. Il s’agit d’une « great curassow » femelle, une espèce plutôt difficile à observer dans ces parages.

Une aubaine pour le réveillon

Quelques mètres plus loin, à quelques encablures du chemin, je croise le mari de madame: le mâle est bien plus petit, noir, le ventre blanc, la même crête, mais plus courte, et une drôle de glande jaune sur le bec. Quel charmant couple!

Vu la dégaine de Jacqueline, il doit pas moufter Michel !

Arrivé au bout du sentier, la vue est en effet superbe. Le sommet du volcan est toujours dans les nuages, mais ils sont assez hauts, et le ciel bleu permet un joli contraste avec le vert puissant de la montagne de feu.

Le volcan qui fume

De l’autre côté, on aperçoit la « Laguna de Arenal », superbe étendue d’eau bleue-émeraude qu’il me faudra aller voir de plus près.

Sur le petit mirador de lave, nous sommes une dizaine : deux couples de français (nous sommes partout), une petite famille de polonais, et un trio assorti d’ « American boys ». Après avoir échangé quelques mots avec mes compatriotes, nous engageons la conversation avec Robert, Adriano, et Brack. Le sujet : la grosse dinde repérée plus tôt. Robert, le papa, soutient que c’est une « crested guan ». Je lui pari ses cheveux (qu’il n’a plus) que l’oiseau est bien de la famille des « guans » mais qu’il s’agit d’une autre espèce. Quelques arguments volés à mes guides de Mindo et du Cuyabeno suffisent à le convaincre. Nous papotons gaiment sur le chemin du retour, croisant au passage de petits lézards ultra rapides, qui arborent une bande blanche fluorescente sur le dos.

Two points si tu trouves le lézard

Puis un immense Ceiba de trente mètres de haut au tronc impressionnant. Ce géant des bois a plus de 400 ans !

Ceiba, pour dire je t’aime
Tronc balèze

Enfin, je reconnais un chant familier. Je jette mon regard vers la source de ce roucoulement si particulier, et découvre une petite bande d’oropendolas ! Ils ont bien la queue jaune, mais sont plus noirs que bruns. Sûrement des « crested oropendolas ». Depuis les longues promenades le nez en l’air à Tena, Mindo, ou dans la jungle amazonienne, je suis tombé sous le charme ensorcelant des oiseaux…

Après Anaconda 3,
vous allez frissonner devant le terrible “Crested Oropendola 3” (ppdm)

Arrivés sur le parking, je prends congé de cette sympathique famille du Connecticut et Adriano, jeune américain enthousiaste et curieux, m’ajoute sur « insta », à grands renforts d’ « emoticones ».

Greg Le Millionaire, Adriano, Brack, Vasarelli

Je prends un coup de vieux mais avance de trois cases vers un autre mirador d’où observer le volcan (kamoulox). Il est presque entièrement dégagé ! Avec sa forme conique parfaite, et ses pentes abruptes, il est magnifique !

C’est l’enfer de la mode, c’est vraiment super sympa

Alors que je déplore auprès de mes voisins qu’il n’y ait pas de sentier pour atteindre le sommet, un Costaricien dont la carrure et la voix posée interdisent la moindre défiance, me raconte qu’il y a à peine cinq ans, du même mirador on observait les éruptions rougeoyantes au sommet de la bête. Et bien que le volcan soit désormais endormi, il fait plus de 300 degrés, là-haut. Sans regret donc, je descends récupérer mon vélo et pousse quelques kilomètres vers la seconde entrée du parc, très justement appelée « Peninsula ». Le court sentier traverse une péninsule, bordée de part et d’autre par le grand lac observé plus tôt. Dans l’épaisse forêt qui entoure le chemin, des petits oiseaux noirs aux yeux bleus exhibent leur somptueux dos rouge écarlate. Des caciques ! Mais une autre espèce que leurs cousins « au cul jaune » admirés en Équateur.

Quand vous aurez fini de visionner “Crested oropendola 3”

Une tour d’observation au milieu du sentier offre une vue imprenable sur le lac et ses environs. À l’ouest, le superbe cône vert et pointu de l’Arenal trône sur sa lagune. Le soleil donne des couleurs pastels au paysage: au dessus des eaux bleues délavées, une prairie inondée d’un vert clair lumineux se fond dans la forêt couleur chlorophylle, jusqu’aux pentes du volcan parées d’un robe vert sombre.

Le lac du Bourget

Le mirador au bout du sentier offre un paysage similaire, mais au niveau du lac. C’est encore plus beau, le volcan paraît immense, vu d’en bas.

“Je possède une île, au large du Costa Rica”
Lac Majeure

Je rêvasse un moment devant ce romantique panorama, puis rebrousse chemin. Deux miradors plus loin, alors que je me dirige vers la sortie, j’entends du grabuge du côté des sanitaires.

Prière de ne pas nourrir les crocodiles

De loin, je devine une dizaine de petit mammifères bruns, la longue queue dressée droite comme un I vers le ciel. Je pense d’abord à des singes, puis en me rapprochant, à des ratons-laveurs. Mais leur long museau allongé infirme mes hypothèses. Il s’agit en fait d’une famille de Coatis à nez blanc. Quelles drôles de bestioles !

Raton-singe-chat

Je reprends le guidon, et décide de poursuivre l’exploration de la lagune. Je roule jusqu’au hameau d’El Castillo, en face de la péninsule où je me trouvais. D’ici, en contemplant le lac long et tortueux dans son écrin de verdure, je comprends mieux pourquoi on appelle le Costa Rica « la suisse d’Amérique centrale ».

Je suis fasciné également par ces hautes herbes claires à demi-inondées. Me reviennent des souvenirs des aventures de Mowgli, dessin animé distribué par René Château que nous regardions avec avidité chez Mimi Nicole. Je devine presque les buffles d’eau qui paissent à moitié immergé, et Shere Khan tapi dans l’herbe et prêt à bondir. Mystérieuse mémoire…nous sommes tout à coup très loin de la Suisse…Pour rester dans le thème cher à Kipling, une famille de gras vautours (des vautours-dindes à tête rouge) se reposent sur un arbre.

Conscient que je me suis aventuré loin de mes terres, et que l’après-midi est déjà avancée, je fais demi-tour. Le retour est plus aisé, malgré quelques franchissements de rivières abruptes.

Je suis tout de même fourbu lorsque j’atteins le lodge. Une bonne douche me remet d’aplomb, et je retrouve l’ami Robert (le musicien de Chicago) pour dîner en ville. Petit dernier d’une famille de « scholars » ayant tous fait leurs études à la prestigieuse université de « Notre Dame », Robert a lui commencé par étudier la musique, avant de compléter sa formation par un cursus plus « business ». Un jeune type très intéressant ce Robert, lucide, optimiste et curieux.

Nous retrouvons deux américains rencontrés ce matin par Robert, et nous buvons une bière en parlant de Ziplines (des câbles tendus au dessus de la canopée), des Notre Dames (la notre, et la leur), de l’Equateur et des flans de coco. Cette joyeuse conversation désordonnée, qui s’achève à la fermeture de l’endroit (à 22h, rien d’extravagant…) sera sans doute ce que nous aurons de plus proche d’un réveillon de la saint Sylvestre. En effet, le gouvernement a décidé de la fermeture des bars et restaurants à 19h demain et les prochains jours, ainsi que l’interdiction de se réunir dans les lieux publics. Nous avons ainsi bien profité de la soirée. Je rentre d’un coup de vélo à mon hôtel, et m’endors après une très belle vraie première journée au pays de la « pura vida ».

Jeudi matin, La Fortuna. C’est parti pour une journée aquatique. Et sous le soleil ! Je saute sur mon vtt, de bonne heure, traverse le village au petit jour, et oblique vers le sud en direction de la Catarata Rio Fortuna, une cascade de 70 mètres en pleine nature. Huit kilomètres plus loin, et une montée finale qui mérite le maillot à pois, j’arrive à l’entrée du parc, trempé de sueur malgré l’heure matinale. Double bonne nouvelle cependant, la cascade se trouve en contrebas (donc en descente), et les plus audacieux peuvent se baigner dans le bassin. Ce que je ne manque pas de faire, une fois derrière moi cet interminable escalier. Le lieu est très beau. La longue et fine cascade se jette vertigineusement dans un petit bassin circulaire, avec une violence neptunéene qui fait presque bouillir le bassin.

Mannequin pisse
Toujours personne pour un moment Tahiti douche ?

L’eau n’en est pas moins fraîche, et c’est un bonheur de plonger dans ces eaux toniques après les efforts consentis. Je profite de la vue, et de cette piscine sauvage, avec quelques privilégiés. Lorsque le bassin commence à se remplir, je m’extirpe de mon bain par des rochers glissants, et remonte les innombrables marches en guettant les singes que j’entends sans voir.

Après les eaux froides, les eaux chaudes. Les pentes Nord du volcan sont pleines de sources thermales chauffées depuis des millénaires par la bouillante activité qui opère sous le cône. Alors que les « resorts » thermales de toutes gammes pullulent le long de la route, j’opte pour El Chollìn, les seules thermes « gratuites » des environs, pour une expérience plus naturelle, plus couleur locale. Un minuscule chemin part du côté d’un pont, juste en face du complexe thermal le plus chic de la région. Au bout du chemin, une rivière fumante coule au milieu de multiples petits bassins naturels. Le plus beau est occupé par une famille du coin, mais le père me fait comprendre qu’il sont sur le point de partir. Je m’installe donc confortablement dans mon jacuzzi privé. L’eau qui court à travers le bassin est à 36 degrés. C’est un délice. Je reste un long moment, au calme, à laisser les eaux claires me rouler sur les épaules, les feuilles charriées par la rivière me caresser la peau avant de tomber dans les bassins suivants, et le soleil perçant la canopée me chauffer le visage. Une grande famille joyeuse arrive dans les rires, me tirant de ma somnolence. Pendant un petit quart d’heure, elle m’offre un spectacle réjouissant : petits et grands batifolent dans les eaux chaudes, de larges sourires accrochés à leurs bienveillants visages. Lorsqu’une deuxième, puis une troisième charmantes familles font leur apparition, je décide qu’il est temps d’abandonner mon trône aquatique aux nouveaux arrivants.

Prise de pouvoir

Je remonte sur ma bécane, et descends vers la Fortuna en admirant le Volcan.

Une fois en bas, je m’installe sur un banc, au soleil, pour m’imprégner de l’ambiance détendue de l’endroit et écrire ces lignes.

Je fais ensuite quelques emplettes en ville pour mon réveillon du soir, restitue mon véhicule, et rentre à la palmeraie. Je trouve l’hôtel vide, la soirée promet d’être calme ! Je profite de la sérénité ambiante pour me concocter un bon petit plat, et dîner tranquillement. Pas un bruit ne perturbe la nuit, aucun parfum de fête dans l’air du soir. Demain, nous serons en 2021. En attendant, je vais me coucher à 22h, une pensée pour ma famille et mes amis, et je m’endors vite, heureux.

Je vous embrasse !

Julien

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