Vendredi matin, aéroport Juan Santamaria. Le jour le plus long de poursuit, sereinement toutefois, puisque enregistrement et embarquement se déroulent sans encombre. Avec fluidité même. Trop de fluidité ? Assis dans l’avion qui s’envole vers le Panama, pour une escale express avant de rejoindre Mexico, je me surprends à penser que le scénario de mon changement de pays me réserve nécessairement de néfastes surprises sur la suite du parcours. Mais il n’en est rien. Et j’arrive à l’heure dans la mégalopole mexicaine, après un voyage tranquille. Emanuel, un sympathique autochtone dont la barbe désordonnée dépasse en tous points de son masque, me guide vers l’arrêt de bus. En cheminant vers le centre historique, il s’enthousiasme sur son beau pays, ne tarissant pas d’éloges sur la gastronomie, la culture, et les femmes mexicaines.
Je le quitte à proximité du “Zacalo”, place centrale de CDMX (ciudad de mexico), à l’honneur de la scène inaugurale du spectaculaire dernier volet des aventures de James Bond, “Spectre”. La place, qui juxtapose un site de ruines aztèques, est entourée d’une superbe cathédrale ainsi que de nombreux palais hérités de l’époque coloniale. Elle est curieusement vide, et truffées de policiers en armes. En fait, le quartier entier est encerclé par les forces de l’ordre, et en ce début d’après-midi ensoleillé, l’atmosphère est étrange. La plupart des commerces sont fermés, et la fréquentation sporadique des lieux contraste avec la cité surpeuplée que j’avais imaginée. Malgré l’ouverture des frontières, la réalité de la pandémie s’applique ici aussi…


La Casa Pepe, à deux pas du Zocalo, est magnifique ! Le dortoir est fonctionnel et confortable, les espaces communs spacieux, hauts de plafond et joliment décorés, et surtout l’auberge dispose d’un superbe toit-terrasse avec vue sur le centre historique !



Je dépose mes affaires et, malgré la fatigue (je n’ai pas dormi depuis presque 36 heures…) je sors faire un tour dans les parages. L’occasion de découvrir la petite place San Juan, son marché couvert et ses “seniors” prenant le soleil. Puis l’Alameda Central et l’étincelant Palais des Beaux Arts, ainsi que les élégantes rues piétonnières qui rejoignent le Zocalo.




Je trouve dans l’une d’elles un restaurant ouvert qui sert des fajitas de pollo, en terrasse. Je me régale, puis retourne à l’hostel. Épuisé, je m’effondre sur mon lit et plonge dans un sommeil profond.
Samedi matin, CDMX. Le petit déjeuner servi sur le roof-top de l’auberge marque mon changement de pays. Fini le “gallo-pinto” costaricien, remplacé (avantageusement) par de savoureuses “quesadillas”. Il fait un temps splendide, idéal pour arpenter les rues de la ville. Néanmoins, en demandant conseil au sympathique personnel de l’hostel, j’apprends que l’intégralité des activités touristiques des environs sont fermées. Musées et sites archéologiques ne sont pas accessibles au public. Je ne vous cache pas ma grande déception, d’autant que je me faisais une joie de découvrir les fresques de Diego Rivera dans le Palacio National, l’histoire du pays au Musée d’Antropologie, où les extraordinaires peintures de Frida Kahlo dans son musée éponyme. Contre mauvaise fortune bon cœur, à défaut de visiter ces lieux culturels, je me construis un itinéraire grossier à travers les quartiers de Mexico jusqu’aux édifices qui les accueillent.

Je traverse le centro historico, et ses vieilles églises de briques rouges brunies par les ans aux élégantes coupoles.


Puis un quartier d’affaire, où gratte-ciels immenses et sculptures contemporaines bordent une large et interminable avenue.



Je fais halte sur la Plaza della Republica, dominée en son centre par un beau monument dédié à la révolution. J’y assiste avec amusement à une séance de “air-boxe” très physique où de riches mexicains soignent leur ligne.


Au bout de la longue avenue se trouve le Bosque Chapultepec, le Central Parc de Mexico. Le parc est agréable et je passe un long moment assis au bord d’un lac, à donner de mes nouvelles au pays.

Je me remets en route et découvre les charmants quartiers de Roma et Condesa. Rues calmes bordées d’arbres et d’élégantes maisons, petits parcs soignés, et jolies terrasses ombragées, il fait bon vivre dans ces parages ! Je m’installe pour déjeuner à l’une de ces terrasses et profite du climat parfait pour avancer mon livre.



Sur le chemin qui me ramène à la Casa Pepe, je traverse une rue populaire où étales de toutes sortes débordent sur la chaussée. J’achète quelques fruits et légumes pour le dîner, et la petite maraîchère m’offre un avocat avec un grand sourire, visible à travers son masque aux motifs andins.
L’heure est au bilan après cette belle balade de plus de vingt kilomètres dans les rues d’une des plus grandes villes du monde. Mexico n’a rien à voir avec l’image que je m’en faisais ! Je m’attendais à une ville salle, bondée, noyée dans un brouillard de pollution. J’ai découvert une ville propre, organisée, agréable, pas particulièrement belle mais aux charmes ponctuels. Une belle surprise !

Autre surprise, nettement moins belle, j’apprends grâce à l’aide précieuse du réceptionniste que les deux randonnées que j’avais envisagé pour les prochains jours sont infaisables, les parcs nationaux abritant les sentiers étant fermés jusqu’à nouvel ordre. Frustration, colère, et anxiété me gagnent soudainement. Frustration car je me réjouissais d’entreprendre l’ascension du volcan “La Malinche” et de cheminer sur la Sierra Norte entre les Pueblos Mancomunados. Colère car rien dans mes recherches préalables n’indiquait clairement ces fermetures. Anxiété, car je commence à me dire que peut être tous les parcs nationaux du pays sont fermés. Après cet instant démoralisateur, la conscience d’être immensément privilégié reprend le dessus, et m’interdit tout apitoiement. J’utiliserai ma ressource, et celle des locaux et autres voyageurs pour trouver des solutions. Et le pays dispose de tant de merveilles que je ne suis pas à un volcan près !
Revigoré par ces pensées positives, mais fatigué par les kilomètres du jour, je passe une soirée tranquille, en compagnie de Craig et “Biggie”, deux enthousiastes canadiens pensionnaires de la Casa Pepe. Je m’endors avec une pensée pour vous tous qui traversez avec résilience et bonne humeur une si déroutante période. Forza !

Dimanche matin, roof-top de la Casa Pepe. La terrasse est calme, et les quelques visages présents sont marqués par la fatigue. La fête a battu son plein hier soir en ces mêmes lieux ! Je converse avec les courageux qui se sont tout de même levé tôt pour profiter de la superbe journée. Aujourd’hui, même concept qu’hier : je me rends, à pieds, au musée Frida Kahlo et le quartier qui l’entoure, Coyoacan, à une quinzaine de kilomètres au Sud. Je traverse la ville, balade qui confirme en tous points mes observations de la veille : sans être exceptionnel, tout est propre, moderne, aéré.

En pénétrant dans Coyoacan, l’atmosphère change. Il y règne un véritable parfum d’authenticité, on s’y sent comme dans un village de Provence, très loin de la capitale. Une douce langueur flotte dans ces rues ombragées par de superbes arbres. Les petites rues pavées débordent de couleurs pastels, grâce à ces petites maisons bleues, ocres, vertes, et jaunes bardées de lierre.



Le Musée Frida Kahlo, ancienne demeure de l’artiste au mono sourcil, ne déroge pas à la règle. Ses murs d’un bleu puissant, ses volets verts soulignés d’ocre illuminent le quartier.

Au cœur de Coyoacan se trouve le marché du même nom, une véritable caverne d’Alli Baba. Je me perds dans ses travées, sous l’œil amusé des commerçants qui m’offrent toutes sortes de mets sur mon passage : viande séchée, poulet frit, clémentine acidulée…


Ces encas m’ayant donné faim, je m’assois à une jolie terrasse et commande un « guacamole tradicional ». Vous devinez mon étonnement lorsque la douce purée d’avocat arrive, surmontée d’une montagne de sauterelles grillées. Inattendue, cette surprise culinaire n’en est pas moins savoureuse !


Je suis si bien dans ce merveilleux havre que je m’installe au soleil sur le banc d’un petit parc. Je profite du wifi, disponible dans tous les parcs de la ville, pour appeler la famille et lire l’Equipe. Je me remets en route vers le nord, prenant le soin de profiter de deux autres spécialités de Coyoacan: le street art, et les coccinelles.






Je grimpe alors dans un bus qui me ramène dans le centre historique. Quelques emplettes pour le dîner et me voilà de retour à la Casa Pepe, après une bien belle journée !

Je me prépare à dîner en compagnie de Nancy, une taiwano-américaine en pleine installation au Mexique. Puis nous rejoignons d’autres compagnons sur la terrasse. Bigui, le dessinateur Canadien est là. Il y a aussi Alex, sud-africain désabusé à l’humour décapant, sorte de Jean Pierre Bacri tatoué (RIP 🙏). Angie, jolie colombienne qui sillonne depuis deux ans les plages d’Amérique centrale, revient tout juste d’un mois à Puerto Viejo au Costa Rica. Wes, jeune hollandais, a décidé de venir étudier un semestre ici, bravant la pandémie. Tout comme Capucine, jeune lyonnaise, venue faire son stage à l’étranger à Mexico. Sonia, franco-allemande, et Lucille, parisienne, sont là pour prendre un dépaysant bol d’air avant de retourner en Europe. Dominik, allemand travaillant à Strasbourg pour l’Union européenne, est lui aussi venu trouver l’énergie nécessaire pour affronter les prochains mois. Arrive ensuite Paco, un mexicain barbu à la voix grave et profonde, qui nous régale de son imitation de Tony Montana. Je passe une excellente soirée en leur compagnie, entre rires et débats philosophiques. Après une photo souvenir, nous devons quitter la terrasse et regagner nos foyers, pour un sommeil réparateur.

Demain, je prends le bus pour la ville de Oaxaca, d’où j’évaluerai les possibilités de randonnée dans la Sierra Norte. Malgré les fermetures, j’ai passé un très bon moment dans la capitale mexicaine !
Je vous embrasse !
Julien