Mexique – Étape 2: Oaxaca

Lundi matin, Mexico City. La terrasse est bien calme en cette heure matinale. Et les quelques visages présents sont marqués par la fatigue. La fête a battu son plein hier soir en ces mêmes lieux ! Cette fois, j’y étais. Mais je suis vaillant, en forme même, au moment de partager quelques quesadillas avec Sonia, qui doit elle aussi quitter la capitale ce matin. Petit déjeuner terminé, je file à la gare routière et monte dans un bus pour la belle ville coloniale de Oaxaca (prononcez « ouaraca »), au sud ouest de Mexico. Les premières de mes sept heures de trajet sont dédiées à l’écriture du chapitre inaugural de mon séjour au pays de Salma Hayek et André-Pierre Gignac. Le reste se passe le nez à la fenêtre, à regarder le paysage se gonfler de montagnes fauves et sèches, et le ciel se libérer de son voile nuageux à mesure que l’on se rapproche de Oaxaca. Il fait ainsi un temps magnifique à notre arrivée. Je tombe immédiatement sous le charme de la ville, ses maisons coloniales colorées, ses places ombragées, ses somptueuses églises aux coupoles arrondies.

La Casa Angel s’intègre joliment dans le décor, avec sa façade vert-amande, ses gardes-fenêtres en fer forgé, et sa lourde porte en bois. Du toit-terasse, la vue sur les montages alentours est imprenable.

Maison Verte

Je jette mon paquetage dans le dortoir et sors profiter des dernières lueurs du jour pour arpenter les rues de la cité. C’est jour férié aujourd’hui et elles sont animées. Les maisons de pleins pieds accueillent bars accueillant, élégants restaurants, et échoppes en tout genre. Les boutiques de Mezcal, la fierté locale, fleurissent au milieu des façades recouvertes de graphiques fresques de rues.

Oh la belle bleue !
Space Mountain
Perette et le pot aux roses

Après avoir découvert le sublime Zocalo, la place centrale avec sa cubique cathédrale, ses palais, son kiosque, et son marché artisanal, je jette mon dévolu sur la place du couvent Santo Domingo. Je ne sais si c’est son parvis largement ouvert, le patchwork de couleurs des maisons qui l’entourent, ou les envoûtantes œuvres street art environnantes, mais je m’y sens particulièrement bien, comme dans un lieu inconnu mais étrangement familier.

La cathédrale de Oaxaca
Le couvent San Domingo

C’est donc naturellement que j’y choisi un restaurant, dont le toit terrasse donne sur l’aile sud de l’église. Je pénètre dans le patio de l’établissement et réalise, devant le raffinement de la salle et du service, que mes goûts de luxe m’ont rattrapé…Mais qu’importe, comme dirait Papa (et Sénèque): « la vie, ce n’est pas attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. ». Et je ne suis pas déçu ! Je découvre le « Mezcal sour », un cocktail qui vaut largement les « old fashions » du Morgan à Milan, et la « mole negra », cette merveilleuse sauce au chocolat, spécialité de Oaxaca. Dans un tel cadre, un régal pareil n’a pas de prix ! Je rentre à l’auberge heureux et repu, et m’endors bercé par les doux ronflements de mes camarades de chambrée.

Le prince de Bel Air

Mardi matin, Oaxaca. Aujourd’hui, je vais découvrir mon premier site pré hispanique ! En effet, Monte Albán, l’un des sites archéologiques majeurs du pays, est ouvert. Je prends donc le premier bus possible et découvre, avec une poignée de voyageurs matinaux, la cité zapotèque de Monte Albán. Parmi les privilégiés à fouler les travées désertes de ces ruines millénaires, Antoine, pâtissier breton, s’offre des vacances en attendant le retour des touristes dans le Morbihan.

Oaxaca au petit matin

Niché en haut d’une colline, le site est grandiose. Il offre en outre une vue panoramique sur Oaxaca et les vallées qui l’entourent. L’occasion de constater l’extrême aridité de la zone. Sous le ciel azur, le sol terreux a la couleur du sable, et les montagnes semblent recouvertes d’une couche de cendres.

Les édifices de pierre sont étonnamment bien conservés, et, dans le délectable silence de l’endroit, l’imagination s’emballe. Sur la pyramide centrale, un prêtre à la peau roussie par le soleil, richement paré, harangue la foule rassemblée au bas des escaliers. Plus loin, un notable, pensif, s’affaire autour d’une haute stèle pour calculer le mouvement des astres. Outils en main, un artiste indigène immortalise la scène, dans une pierre qui lui survivra.

Le théâtre des rêves
Emil Zapotek
Alors que revoilà la sous-préfète
« La vie trouve toujours un chemin… »

Une tâche rouge dans le ciel immaculé me sort de ma rêverie. Un superbe petit oiseau écarlate, qu’il me faudra identifier, virevolte dans les arbustes.

Vermillon Flycatcher
Le temple du soleil

Le site est vaste, et la visite s’étire agréablement dans un rythme doux et lent. Comme si nous ne voulions pas déranger les habitants de la cité. Je finis tout de même par regagner la sortie, en bavardant avec Antoine, et nous reprenons le bus pour la ville.

Antoine, reporter

Nous nous donnons rendez-vous en fin d’après-midi et chacun reprend de son côté son exploration d’Oaxaca. Je passe devant l’auberge, franchit le long escalier qui mène à l’auditorium, et grimpe au sommet de la Colline des Fortins, ou des sentiers poussiéreux et étroits mènent à de superbes points de vue sur les environs. Je m’installe sur une grosse pierre, à l’ombre, et poursuis mes leçons d’espagnol en admirant le paysage.

Oaxaca vu d’en haut
Un écureuil noir 😳

Puis redescends de mon nid pour rejoindre Antoine sur le parvis du couvent San Domingo. Nous dégustons une bière artisanale sur un « roof-top » donnant sur les tours de l’église, dont le soleil éclaire les dômes. Puis dînons, remarquablement bien, dans un charmant restaurant non loin de là. La discussion nous emmène de la Bretagne au Svalbard, en passant par les terrains de foot, évidement. Nous nous saluons après avoir convenu du programme du lendemain : l’exploration de la vallée de Tlacolula. Je trouve une auberge endormie et imite mes colocataires en un battement de cil.

Don Camillo

Mercredi matin, gare routière de 2ème classe de Oaxaca. Avec Antoine, nous découvrons les horaires aléatoires des bus locaux. Il est 9h et le bus de 8h démarre, en direction de Mitla, à une cinquantaine de kilomètres, au fond de la vallée de Tlacolula. Le plan est d’y visiter des ruines exhumées sur le terrain d’une église coloniale, avant de revenir sur nos pas par le biais de quelques étapes folkloriques.

L’église de Mitla

Le village de Mitla est plutôt charmant, nous le traversons en direction du site, sous un soleil de plomb. Les sympathiques mexicains de l’auberge ne m’avaient pas menti, les ruines sont bien ouvertes au public. Mais pas le mercredi.

Katmandou

Qu’importe, nous improvisons une petite randonnée vers les champs d’agaves, ces plantes grasses cousines des cactus et dont on extrait le fameux mescal. Nous constatons à nouveau l’incroyable aridité de la région, où pas une goutte d’eau ne tombe pendant des mois. La poussière pique nos yeux secs, et, sans le vacarme des cigales, on pourrait presque entendre la terre crier soif.

Ce n’est pas toujours le plus grand qui gagne…
Champ d’agaves
Le monde entier / est un cactus

C’est la soif d’ailleurs, ainsi que la grille au bout du chemin, qui mettent fin à nos tribulations, et nous invitent à nous mettre en quête d’une salle ombragée pour le déjeuner. Nous la trouvons vers le centre du village. Une charmante « mama » nous accueille modiquement, mais avec le sourire, dans une salle sombre et simple. Nous choisissons des plats aux hasards au milieu des quelques options proposées sur la carte défraîchie. C’est sobre, mais délicieux. Et nous déjeunons pour 2€ chacun…

Repus, nous retournons, sous un soleil qui ne faiblit pas, vers la route principale, d’où nous prenons un taxi collectif vers notre prochaine étape : une dégustation de mescal. Ricardo, probablement de mèche avec notre jovial chauffeur, nous prend en charge dès notre sortie du taxi. Passionné, il nous explique en détail les différentes étapes de la production de l’alcool d’agave si typique de la région. Nous allons et venons dans la belle propriété, entre fours et alambiques. Une fois notre soif de connaissance éteinte, la dégustation peut commencer. Ricardo nous sert pas moins de douze mescals différents, variant par la maturation ou l’espèce d’agave utilisée. Certains sont doux et fruités. D’autres forts et épicés. D’autres encore ont des arômes de miel, ou de savon. Lorsque nous avons gouté à l’ensemble des breuvages produits par la maison, le volubile Ricardo embraye sur le football, et Gignac est à l’honneur. Finalement, quelques nouvelles tournées plus tard, nous prenons congé de notre érudit et amical hôte, de petites bouteilles de mescal arrondissant nos légers paquetages. Un moment drôlement chouette !

Alambiqués
C’est la tournée du patron, on s’en va pas tant qu’on l’a pas

Afin d’évacuer la quantité non négligeable d’alcool ingurgitée, nous ne trouvons pas mieux que de parcourir à pied sous un soleil assommant les quatre kilomètres qui nous séparent de Teotitlan, le prochain village-étape. Pas un arbre sur le chemin pour nous protéger des rayons. Mais le mescal s’avère un dopant particulièrement efficace et nous arrivons sans encombre à destination. Le village semble endormi. Seuls résonnent les bruits secs et réguliers de quelques métiers à tisser, spécialité du hameau. Même vide, le petit lieu-dit est fort agréable, avec sa petite place aux espaces verts proprement taillés, et ses maisons carrées aux façades pastels. On se croirait presque dans l’arrière pays Bandolais.

Cubisme
L’heure de la sieste…

Nous flânons un bon moment, récoltant de nombreux sourires des autochtones, puis montons dans un rutilant « tuk-tuk » qui nous ramène à la maison de mescal.

Sri Lanka…

De là, nous nous entassons dans un taxi collectif déjà à moitié plein et faisons route, serrés comme des sardines, vers Oaxaca. Au gré des carrefours, des gens montent, et descendent de la vieille Nissan couleur lie-de-vin. A l’un d’eux monte Boutayna, une française qui loge par hasard aussi à la Casa Angel. Le malicieux chauffeur nous dépose à deux kilomètres de l’arrêt prévu, et nous laissons Boutayna à ses emplettes, pour aller se rafraîchir d’une cerveza sur les terrasses du Zocalo. Je laisse Antoine terminer seul d’attendre le bus de nuit qui doit le mener sur la côte pacifique, achète quelques légumes au marché, et rentre à l’hostel. Un repas sain plus tard, je plonge dans un lourd sommeil après cette improbable et épique journée dans les vallée torrides de l’Oaxaca.

Jeudi matin, Oaxaca. Le départ du bus de nuit à destination de Puerto Escondido n’est qu’à 21h30. Ce qui me laisse toute la journée pour profiter de Oaxaca et ses environs. Au petit déjeuner, je retrouve Boutayna, croisée dans le “collectivo” hier. Directrice de casting free lance, et fan de cinema d’auteur, elle me raconte son confinement prolongé en Grèce, d’où elle est arrivé début Janvier. Jonhatan, coach en carrière en vadrouille à travers le monde depuis sept ans, se joint à la discussion. Nous échangeons longuement, avant de se décider à sortir profiter des richesses archéologiques du coin. Boutayna et Jonhatan partent vers Monte Albán, tandis que je me dirige vers les ruines d’Aztompa, qui dominent une colline à l’ouest de la ville.

Je veux la même

J’ai le temps, et envie de marcher, c’est donc à pieds que je décide de parcourir les quinze kilomètres qui me séparent du site. L’occasion de découvrir les quartiers plus populaires de la cité coloniale. Et une autre image du Mexique. Passée la rivière asséchée, les jolies maisons colorées laissent place à des logements plus modestes. Lorsque je quitte l’artère principale du faubourg, l’atmosphère change à nouveau: routes de terres poussiéreuses, habitations vétustes éparses, chiens couchés au milieu des rues, poules galopant dans des arrières cours grillagées, et gamins aux chaussures dépareillés et au regard profond. Une constante cependant par rapport à la ville, la gentillesse des locaux qui saluent mon passage de leurs chaleureux sourires.

Pendant ce temps, à Veracruz…

Mes pérégrinations dans le quartier me mènent au pied de la grande colline sur laquelle trônent les ruines d’Aztompa. Sous un soleil brûlant, je m’élève au dessus de la ville au milieu d’arbustes grillées. En nage, j’atteins l’entrée du site, ou une charmante mexicaine m’indique, désolée, que les ruines sont fermées depuis le 23 Mars 2020. Qu’importe, la vue panoramique vaut seule les efforts consentis pour arriver jusqu’ici. De mon perchoir, je contemple le théâtre de mes aventures à Oaxaca : à l’Est, sur une colline semblable, j’aperçois les pyramides de Monte Albán; à l’ouest, la colline du Fortin et sa forêt sèche; entre les deux, les superbes églises de Oaxaca marquent le centre ville; enfin au loin, je devine la route de Mitla et ses beautés cachées.

Terre brûlée, au vent, des landes de pierres…
Le causse méjean

Je m’éponge le visage, puis reprends ma route. Mes pas me portent instinctivement sur le parvis du couvent San Domingo. Je trouve, malgré un soleil au zénith, quelques marches à l’ombre pour mes leçons quotidiennes d’espagnol. Lorsque l’ombre disparaît, je trouve refuge dans la cours d’une jolie église aux dômes rouges, d’où je bouquine un moment, appréciant le calme de l’endroit. Je repasse pas l’auberge afin de prendre une douche, et y retrouve Boutayna et Jonhatan. Ensemble, nous rejoignons Alexa et Joâo, très sympathique couple austrio-portugais, dans un chouette restaurant à deux pas de l’hostel. Le dîner est joyeux et animé, et la nourriture délicieuse ! Je prends congé de la troupe afin d’aller prendre mon bus. Nous nous promettons de nous revoir dans quelques jours à Puerto Escondido, la destination pour nous tous excepté Boutayna, qui partira vers le Chiapas.

Je m’installe confortablement dans le car, sourire aux lèvres après cette journée bien remplie. J’en oublie presque ma golgothe mexicaine de voisine qui menace d’avaler mon siège, et moi avec…

Je vous embrasse !

Julien

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