Vendredi matin, Cuenca. Je salue Pepo, dont l’accueil chaleureux et les précieux conseils ont compensé (en partie) mes nuits chaotiques dans son établissement. Puis commence ma journée de transfert. Je m’installe confortablement dans le bus, et alterne rêveries en regardant le paysage et petits sommes. J’arrive à Vilcabamba en début d’après-midi, et fais un rapide tour du village avant de me rendre à l’hôtel. Ce qui ne me prends que quelques minutes, le village est minuscule. C’est une bourgade de 5000 âmes, située sur une petite plaine, à 1500m d’altitude, au milieu de hautes montagnes vertes et brunes. Il fait bon. La place centrale est très agréable, avec sa petite église un peu kitch et son cœur arboré. Il y a un peu de monde, mais le village dégage une atmosphère de quiétude. Je prends possession de mes nouveaux quartiers au « Jardín Escondido » qui porte très bien son nom (le jardin caché). Le jardin est très soigné, et de nombreux oiseaux s’ébattent dans les arbres et les massifs de fleurs. J’ai une chambre pour moi tout seul, au calme, au fond du jardin, je vais pouvoir récupérer de mes nuits tronquées !

Je passe un moment à écrire, puis je pars explorer les environs, en short et tongs puisqu’il fait 20 degrés et que le soleil est de sortie. Balade le long de la rivière encerclant la ville, je repère le Cerro Mandango, sommet qui domine la plaine et que je vais grimper le lendemain.


De retour au village, je m’assois sur les marches de l’église, afin de décider où dîner ce soir. Peu absorbé par ma tâche, j’observe les badauds. Et je note la présence de nombreux retraités américains, un peu hippies sur le retour. J’apprendrai plus tard que beaucoup sont venus s’installer dans les parages, attirés par l’extraordinaire (prétendue) longévité des habitants. Ils comptent sans doute un peu trop sur le seul fait d’y vivre pour battre des records d’espérance de vie. Leur hygiène de vie, qui ne semble pas avoir souffert de changement majeur (cigares, bières, et hamburgers), autorise quelques réserves…Je suis tiré des mes pensées par une heureuse surprise : Julie et Sylvain, qui sont arrivés ce matin de Loja !

Nous passons une excellente soirée, à échanger des suggestions de lecture et à refaire le monde. Et comme à l’accoutumé, nous nous donnons rendez-vous pour une ville et une date encore inconnues. Je rentre me coucher dans le merveilleux calme de mon jardin caché, belle nuit de sommeil en perspective.
Samedi matin, Vilcabamba. Requinqué, je pars à l’assaut du Cerro Mandango. J’arrive assez vite à un premier sommet, qui offre un beau panorama sur la ville, mais surtout découvre un nouveau paysage fantastique. Vers l’ouest, la montagne prend de drôles de formes : imaginez deux immenses maisons de pierres jaunes, toits en chaume, posées à même la crête !



Le sentier passe aux pieds de ces colosses, puis le chemin se fait tout étroit, passant au milieu des crêtes. Je me régale. J’aime marcher sur les crêtes, c’est ainsi qu’on profite le mieux du paysage, ouvert tout autour de nous. Et puis, j’aime cette sensation de funambule, d’avancer, caressé par le vent, avec le vide de chaque côté.


La végétation est étonnante : petits arbustes d’un vert vif et lumineux, et gros cactus aux épines imposantes et fleurs oranges.



Arrivé aux bout du chemin des crêtes, je redescends dans une vallée verte et jaune, à travers une forêt d’arbres épineux. Le sentier se perd, et moi avec. Je le retrouve un peu plus bas, les bras et les jambes lacérés de toutes parts : j’ai dû me frayer un chemin à travers épaisses ronces et agressifs arbustes. Le chemin s’élève ensuite juste au dessus de la forêt, qui est bien plus jolie vue du dessus que du dessous. Je longe finalement un ruisseau asséché jusqu’à la route qui me ramène à Vilcabamba deux kilomètres plus loin.






Je soigne mes blessures et prends une douche froide. Quelle étrange randonnée, pleine de surprises ! En commençant l’ascension ce matin je ne m’attendais pas du tout à ces paysages incongrus, entre l’Utah et les mauvaises forêts de Tolkien. Mon bonheur s’amplifie lorsque je consulte mon téléphone : Biden a remporté l’élection américaine !!!Avant de fêter ça, je retourne marcher près de la rivière, et m’assois sur ses bords, les pieds dans l’eau, pour une longue pause lecture. L’après-midi s’écoule tranquillement, au milieu des chants d’oiseaux. Je dîne dans un super restaurant oriental sur la place centrale, bois une IPA artisanale à la santé du monde (et au départ de Trump), puis rentre m’endormir, heureux, devant un documentaire animalier.
Dimanche matin, dans un jardin caché à Vilcabamba. Mes rêves de la nuit ont été occupés par une étrange et nombreuse ménagerie. Les Galapagos commencent à me titiller gentiment…À défaut d’un safari marin à la recherche d’iguanes et autres lions de mer, qu’il est peu probable de trouver dans ces parages, je pars visiter le Parc National Podocarpus. On y trouve notamment (pour les plus chanceux) l’ours à lunettes, ainsi que quantités d’oiseaux. N’ayant pas trouvé d’excursion avec guide, faute de touristes, je m’improviserai naturaliste. Le bus me laisse à l’entrée du Parc, d’où je dois marcher 8,5km sur une piste en lacets jusqu’à l’entrée du Parc (la vraie). La route est agréable, de grandes montagnes recouvertes d’une épaisse forêt la bordent.


Un soleil intermittent et une fine pluie m’accompagnent aux portes de la réserve. Là, je découvre avec déception que la plus grande partie du parc est fermée. Seuls sont ouverts deux petits sentiers à proximité immédiate de l’entrée…Un peu cher payé (même si la Parc est gratuit…) pour le dérangement (45min de bus et 8,5km de marche, le tout x2). Je m’aventure tout de même sur les franges accessibles de la forêt, pour une balade chronométrée (je dois pointer auprès des gardes forestier avant 45 minutes). Le parc est étrangement calme. Hormis le vent, qui s’est levé, et quelques rares chants d’oiseaux, rien. Je marche à tâtons, en scrutant la canopée et les épais buissons. Mais je n’aperçois rien de plus qu’un couple de petits oiseaux gris. Je me rattrape (un peu) avec la flore, très riche. Légèrement frustré, mais pas trop quand même, je regagne la sortie. Je m’apprête à refaire le chemin inverse à pied, lorsqu’un des gardiens m’invite à prendre place dans son vieux pickup rouillé. Une aubaine puisqu’il se met à pleuvoir dru ! Il me dépose en un rien de temps sur la grande route, où je hèle un bus qui me ramène à Vilcabamba.




Je m’allonge sur mon lit après une bonne douche afin de répondre à quelques messages. La patronne me réveille deux heures plus tard en tambourinant sur la porte. Puis s’excuse platement en voyant les motifs de l’oreiller imprimés sur ma joue et mon air hagard.
Bien réveillé, je pars en balade, puis m’assois sur les marches de l’église, et bouquine un long moment en regardant la faune si particulière de Vilcabamba. Américains bruyants, babas-cool aux dreadlocks tombantes, locaux souriants, et quelques touristes occidentaux. De cet alliage hétéroclite émane une ambiance harmonieuse et paisible.


Ce soir, j’ai l’honneur d’être convié à dîner par Julie et Aurélien, qui sont arrivés hier soir et ont loué une petite maison sur les hauteurs de la ville. La cabane est située sur la ferme d’un couple de canadiens venu faire de la permaculture dans la région. Mes hôtes ont ainsi tout naturellement préparé de succulentes spaghettis aux légumes du jardin, que nous arrosons d’un agréable vin chilien. Encore une superbe soirée en leur compagnie, la discussion vogue des Galapagos aux classiques du cinéma français, sans trame établie. Elle me permet aussi d’affermir ma décision pour la suite du voyage : il est temps de planifier mon séjour sur les îles de Darwin ! Demain, je retournerai à Cuenca, d’où, en prenant mon temps, je programmerai (un minimum) mon aventure insulaire. Pour l’heure, je remercie chaleureusement Julie et Aurélien, leur donnant rendez-vous aux Galapagos, et rentre dormir dans mon jardin caché.
Je vous embrasse !
Julien
Super de te lire le matin avec un bon café
Une bouffée d’oxygène et d’espace ds ce moment de confinement
Je suis très heureuse pour toi et hâte de voir la suite
Gros bisous
J’aimeJ’aime
Merci Anne Francoise! Ça me fait super plaisir 🙂 grosses bises
J’aimeJ’aime
Hâte aussi de lire la suite, ta prose version lonely planet poétique, et de te découvrir au Galápagos !
Bisous de Tif, Cacahuète et moi !
J’aimeJ’aime
Merci poulet! Embrasse tif et la caouette pour moi !
J’aimeJ’aime