Vendredi matin, Guayaquil. 6h30. Maria m’attend sur le pas de la porte, afin de prendre une photo de moi pour son site web. Je suis un petit événement : d’habitude camp de base des voyageurs à destination des Galápagos, sa petite guest house n’a vu personne partir pour l’archipel depuis Mars…J’arrive à l’aéroport avec presque trois heures d’avance, prêt à en découdre avec la bureaucratie. Mais, étonnamment, les démarches se font avec une fluidité déconcertante. Et je me retrouve à la porte d’embarquement en un tournemain. Ce qui me laisse tout le loisir de feuilleter l’Equipe du jour sur mon iPhone, comme presque tous les matins. C’est important de prendre des nouvelles du pays.
J’ai hérité d’une place côté hublot dans l’avion. Lorsque celui-ci perce le voile de nuages qui surplombe les Galápagos, je découvre un paysage étonnant : l’île de baltra qui héberge l’aéroport est un champs de roches noires couchées sur un lit rouge bauxite. Un rappel de l’origine volcanique de l’archipel. Les démarches à l’arrivée sont tout aussi fluides, mais lentes. Les passagers assistent en spectateurs au déchargement des bagages, puis à leur passage en revue par une équipe canine de l’armée équatorienne. Il nous faut ensuite prendre un premier bus, puis un bateau, puis un second bus qui traverse l’île de Santa Cruz jusque Puerto Ayora, ma première ville étape. Pendant le trajet, Francisco, un autochtone, m’explique les difficultés causées par la pandémie, et le tourisme somnolent qui en découle. Il en profite pour tenter de me vendre des excursions à prix d’ami, mais c’est de bonne guerre. Nous échangeons nos numéros, et il convient de me tenir informé des croisières journalières vers les îles du nord partant ces prochains jours.
Le bus me laisse au petit port de Puerto Ayora. Sous le ciel couvert, la mer a des reflets d’opale blanche. Mais on devine que, touchée par les rayons du soleil, elle révélera ses teintes turquoises.


Je traverse le village pour rejoindre mon hôtel. Les agences proposant plongés et tours en bateau se mélangent aux magasins de souvenirs, restaurants, et hôtels en tout genre: c’est bien une station balnéaire. Nous ne sommes pas néanmoins sur la Côte d’Azur : toutes les rues ne sont pas goudronnées. Et l’affluence est mitigée : les touristes ne sont pas légions et nombre de lieux ont portes closes. L’hôtel Sueños Silvestres (rêves sauvages en espagnol…) est bien ouvert lui. Un sympathique couple de soixantenaires me conduit dans une très belle petite chambre. Je vais être bien ici.

Le temps d’enfiler short et tongs et me voilà parti à la découverte du coin. Enfin après un almuerzo puisque le voyage m’a donné faim. L’après midi est déjà bien entamée : je décide de remettre à demain le premier bain de mer et les premières émotions de snorkelling, et choisis de me rendre au Charles Darwin Center. Cette station de recherche œuvre pour la pérennité des écosystèmes et espèces endémiques de l’archipel. C‘est d’ailleurs un refuge pour les tortues des Galápagos, qui sont légions dans le centre. Un guide nous mène, avec mes acolytes du moment, un couple d’américains et un autre d’équatoriens, à travers les enclos des différentes espèces. Certaines sont énormes ! Et dépassent les 150 ans…Ces créatures préhistoriques dégagent à la fois une force brute, archaïque, et une subtile douceur.



La visite terminée, je reprends le sentier, qui passe par une petite plage. Là, tout naturellement, un lion de mer dort au pied d’un arbre. Plus loin sur le chemin, c’est un iguane marin qui bronze sur la chaussée. Je continue mon chemin et croise à nouveau un lion de mer et une famille d’iguanes. Sans que quiconque ne s’en émeuve. Je suis dans un monde parallèle !



Sur le chemin de l’hôtel, je croise par hasard Camille et Vincent, le couple de français rencontré le premier jour à Quito ! Je savais qu’ils étaient dans le coin, car ils me donnaient fort gentiment des tuyaux à distance sur les îles. Mais c’est tout de même une belle surprise que de tomber sur eux ! Nous nous donnons rendez-vous pour l’apéro un peu plus tard. Le temps de jeter mes premières impressions sur ce lieu magique sur mon carnet et je rejoins mes nouveaux comparses dans un bar à bière de Puerto Ayora.

La bière est bonne. Chacun refait le film des quatre dernières semaines, prenant soin de distiller de précieuses recommandations sur les “must do” des régions traversées. Nous nous quittons vers 22h30, un heure avancée pour moi certes mais la soirée aurait pu se prolonger tant nous étions volubiles, enthousiasmés par nos aventures équatoriennes. Demain Vincent part à 7h30 pour une plongée au large, il est donc plus raisonnable de s’en tenir là. Et puis les émotions de la journée, et le décalage horaire, ont eu raison de moi. Je m’effondre dans mon très confortable lit.
Samedi matin, Puerto Ayora. Aujourd’hui, le programme est simple : découvrir Tortuga Bay, une des pépite de Santa Cruz, accessible à pied de Porto Ayora. Mes charmants hôtes me préparent un petit déjeuner sommaire, puis, appareil photo en main, je traverse la ville en direction du sentier de la baie des tortues. Je passe devant le port, où un groupe de pélicans semble converser avec les pêcheurs, en habitués.


J’arrive à l’entrée du chemin, fait de jolies dalles brunes, au milieu de cactus et verdoyants bosquets. Les lézards ont colonisé l’endroit. Comme ici tout est différent, ils n’échappent pas à la règle : ils sont trapus et râpeux, comme de drôles d’iguanes miniatures.

Au bout d’environ 3 km, le chemin débouche sur une grande plage paradisiaque. Sable blanc. Tranches de mer qui vont du turquoise au bleu sombre, séparées par de jolies vagues régulières.


Des pélicans dérivent au gré du ressac, ou bien volent quelques mètres au dessus des vagues.

Plus loin, des iguanes marins dorment sur le sable, ou se laissent, impassibles, submerger par la marée. En me rapprochant de l’extrémité de la baie, ce sont des grappes entières de ces étranges reptiles qui paressent au soleil.






En tournant à droite au fond de la baie, je découvre un lagon entouré de mangrove, dont le calme contraste avec les courants de la baie. Sur la petite plage, des crabes rouges courent, latéralement, sur le sable fin.



J’explore les environs. Il faut être prudent et faire attention à ses pieds ! Je manque d’écraser un pauvre petit iguane qui se confond avec la roche volcanique…L’impassibilité de ces êtres d’un autre temps est désarmante. Ils me fascinent. Ils semblent avoir été forgés dans les entrailles de la terre, mais ne dégagent pas une once d’agressivité. Dans leur regard de pierre se lit seulement une indifférence sereine.



Je poursuis sur les bords du lagon et rencontre un trio de fous à pieds bleus. Eux aussi d’une effarante tranquillité. L’un se nettoie le buste. Un autre somnole. Le dernier se ventile la gorge, sans émettre un son.




Dans l’eau peu profonde dans laquelle baigne la mangrove, un lion de mer fait la planche, la tête complètement immergée.

Quel paradis ! Je profite un instant de la quiétude de l’endroit pour mesurer ma chance, puis fait demi-tour, retraversant la merveilleuse plage de Tortuga Bay.


Et les tortues dans tout ça, me direz-vous ? Elles sont au programme de l’après-midi ! Car je compte bien revenir, sans appareil photo mais avec un maillot de bain pour explorer le lagon de l’intérieur cette fois.
De retour à Puerto Ayora, je croise Sydney et Keith, le couple d’américains retraités rencontré hier lors de la visite du centre Darwin. Nous bavardons un moment puis je repasse par l’hôtel pour y enfiler mon costume de plage. Rapide déjeuner dans une gargote du centre et me revoilà parti, masque et tuba en poche, vers mon paradis du matin. A peine arrivé sur la petite plage du lagon, où je croise à nouveau Sydney et Keith (Santa Cruz est un village…), je me jette à l’eau. La température est délicieuse. Par contre, même en longeant la mangrove, la visibilité sous l’eau est très limitée. Je parviens tout de même à apercevoir près du fond sablonneux quelques petits poissons. Je traverse à la nage le lagon pour aller chercher ma chance sur les bords opposés. L’eau n’est pas beaucoup plus claire, mais j’y ai le bonheur de nager quelques instants avec deux iguanes, aussi imperturbables en mer que sur terre. De retour au sec, je ne renonce pas, et me mets en quête d’un autre moyen de voir les habitants du lagon. Une petite dame loue des kayaks à l’extrémité de la plage. Après quelques coups de pagaie, en longeant la mangrove, je découvre une bande de requins de récifs à pointes blanches, dont les plus gros font près d’1m50.

Je poursuis vers une bande rocheuse vers le fond du lagon. C’est là que je les aperçois. Leurs petites têtes curieuses qui émergent subitement à quelques mètres de mon embarcation. Puis elles replongent pour me faire admirer leur carapaces vert pâle. Certaines passent sous mon kayak. Une des tortues semble joueuse, et je parviens à naviguer à ses côtés pendant quelques secondes magiques. A ce moment la je ressens une immense joie, et un sourire béat est encore fixé sur mon visage lorsque je restitue mon bateau à sa propriétaire.

Je prends le chemin du retour, que je connais maintenant par cœur, me délectant des lumières de fin du jour sur Tortuga Bay. Fourbu (j’ai marché près de 30km aujourd’hui), je m’effondre après un dîner rapide en ville. Quelle première journée aux Galápagos !
Dimanche, hôtel Sueños Silvestres. Aujourd’hui, je vais explorer l’intérieur de l’île. Après le bonheur d’un premier “Google meet” familial, je vais louer une bicyclette pour la journée, accompagné de Vincent. La route grimpe vers le centre de l’île. Vincent dans mon sillon, nous parvenons à Bellavista, puis tournons à gauche vers Santa Rosa. Là, mon compagnon d’échappée me laisse, fourbu, pour aller retrouver sa dame. Je continue, en montée toujours, vers Los Gemelos, deux gouffres de parts et d’autre de la route, au beau milieu du parc national des Galápagos. Ils ressemblent à des cratères effondrés mais ce ne sont pas des volcans. C’est tout de même bien l’activité volcanique qui est à l’origine de ces effondrement. La forêt qui borde Los Gemelos déborde de pinsons de Darwin, des noirs, des bruns, des jaunes…




Je remonte sur mon vélo et fais demie tour pour la seconde attraction de la journée : le ranch El Chato et ses tortues géantes. Le lieu est très vert, à vrai dire je ne m’attendais pas à rencontrer ce type de paysage au Galápagos. Et au milieu des clairières, d’énormes tortues se promènent paisiblement. C’est autrement plus impressionnant des les voir évoluer dans leur milieu naturel. Lorsque l’on s’en approche trop, elle rentrent à l’intérieur de leur carapace émettant un bruit aérien, entre l’aspirateur et la respiration saccadée de Darth Vador…Elles sont les doyennes de l’île. L’île est leur territoire. Elles ne connaissent pas d’enclos, et vont et viennent comme bon leur semble (c’est pourquoi on les trouve si fréquemment sur les routes…). Ces étranges créatures imposent le respect, à l’image de ces chefs indiens ridés au regard d’une profondeur infinie. Elles nous rappellent de façon saisissante que nous, humains, ne sommes qu’une espèce parmi les autres, et bien plus jeune de surcroît.




En revenant à l’entrée du parc, je croise (évidement) Sydney et Keith. Nous déjeunons ensemble en regardant les tortues mâcher langoureusement. Le charmant couple a quitté Chicago après leur retraite il y a trois ans, et depuis, ils voyagent. Tous les trois mois, ils élisent domicile dans un lieu différent : Séville, Lisbonne, Tel-Aviv, le Canada…Je reprends la route après cette agréable conversation, me dirigeant vers la “Playa El Garrapaterro”, ultime étape de mon bike trip. J’arrive vers 16h, éreinté par tous ces kilomètres et dénivelés…Mais l’endroit vaut le détour. Pas aussi imposante de beauté que Tortuga Bay, la plage a tout de même de beaux arguments à faire valoir : sable blanc, eau turquoise, mangrove, et vue sur l’Isla Santa Fe. Et puis j’arrive juste à l’heure du dîner des pélicans, qui tournoient au dessus des eaux et s’abattent comme des flèches sur leur proies.








Je retrouve Camille et Vincent qui sont venus prendre le soleil et profiter du paysage. Tout près d’eux, un lion de mer dort, la tête calée sous un tronc d’arbre.



Je nage un instant dans la petite baie, puis il est temps de rentrer à Puerto Ayora. Avant de quitter la plage, nous faisons un court détour vers une lagune cachée derrière les arbustes. Là, un flamand rose sonde la vase en quête de nourriture. Je me dis alors que trois jours après avoir atterris ici, je n’ai rien perdu encore de ma capacité d’émerveillement.

Avec plaisir (et soulagement), je jette mon vtt dans le coffre du pickup taxi affrété par mes acolytes et nous rentrons à la ville. Nous décidons de nous offrir une délicieuse bière dans notre QG, la Santa Cruz Brewery, pour nous récompenser de nos efforts de la journée. Et sur le chemin du bar, nous tombons sur Julie et Aurélien, fraîchement débarqués dans l’archipel. Ils ont dans les mains deux langoustes et sur le visage de larges sourires. L’acclimatation a été rapide. Sur le chemin qui me ramène à l’hôtel, je fais le point sur les découvertes de la journée et peine à croire à tout ce que j’ai vu. La magie envoûtante des lieux prend peu à peu le pouvoir sur mon esprit. Et je n’y oppose aucune résistance…
Lundi matin, Santa Cruz. Je me lève heureux, mais avec quelques symptômes tout de même de mon tour de l’île à vélo…Aujourd’hui, c’est détente. Je me rends dans la matinée sur le site de “Las Grietas” (les fissures), qui se trouve à quelques minutes de marche du port. L’endroit est magnifique : une faille au fond de laquelle brillent deux piscines naturelles. L’eau est cristalline, les bassins étroits et profonds (une dizaine de mètre). Et du bord de la faille, quinze mètres plus haut, on voit s’ébattre les poissons tant l’onde est limpide.



Je plonge dans le premier bassin, muni d’un masque et d’un tuba. L’eau est délicieuse, chauffée par les rayons du soleil, qui émerge entre les parois de pierre. Et j’ai le lieu presque pour moi seul. Je le partage tout de même avec quelques minuscules iguanes marins, et de superbes poissons perroquets ! Je passe un long moment à nager, à quelques mètres de profondeur, avec ces drôles d’oiseaux des mers. Je retrouve l’intense joie enfantine que je ressentais en explorant les fonds de l’île de Bendor à la recherche de poulpes, ou de rascasses. Encore un moment magique.

Je sors du bassin au bon moment : quelques touristes bruyants viennent perturber la quiétude de l’endroit. Notamment une bimbo équatorienne qui tient des poses instagramables, avec des moues qui rappellent étrangement mes amis les poissons perroquets. Sur le chemin du retour, je m’octroie une sieste sur la charmante petite plage Las Alemanes, puis reviens au port.


Je flâne un peu sur la promenade, sans programme en tête, et me viens l’envie de retourner à Tortuga Bay. La plage est toujours aussi belle, voire d’avantage sous un soleil plus franc.



Je prends un bain dans l’eau turquoise, croisant le chemin de deux requins de bonne taille qui slaloment au ras du sable. J’ai envie de nager, je pousse donc un peu plus loin vers la lagune, dont les eaux calmes se prêtent aux longueurs de crawl. J’y croise Julie et Aurélien, qui profitent de la beauté tranquille du lieu, à l’ombre d’un arbuste. Nous allons ensemble observer, du rivage, les nombreuses tortues qui luttent contre les vagues, alors que la mer a forcit.





Nous rentrons ensemble vers Puerto Ayora, passant devant des grappes d’iguanes, réunis dans un câlin géant.

Nous conversons avec enthousiasme sur notre journée du lendemain : une sortie en plongée à l’île de Seymour ! Découvrir la plongée aux Galápagos, quelle merveilleuse opportunité ! En ville, les instructeurs nous attendent au club pour signer les décharges administratives et essayer nos équipements pour le lendemain. Vincent est là, il sera aussi des nôtres, mais, plongeur averti (près de 300 à son actif), il aura le droit d’évoluer en eaux plus profondes. Afin de souder le groupe nous prenons une rapide bière à la Santa Cruz Brewery, puis rentrons nous coucher tôt pour être d’attaque dès 7h le lendemain. De nouvelles aventures exaltantes nous attendent !
Mardi matin, archipel des Galápagos. Mon enthousiasme exacerbé a eu raison de mon sommeil, mais je me lève sans encombre, tant l’envie est grande de vivre cette journée. Les instructeurs nous accueillent au club avec le café. Nous chargeons le matériel dans les pickups et traversons Santa Cruz vers le débarcadère de Baltra, où nous attend le bateau. Cap au nord, vers l’îlot Daphné, un gros cailloux colonisé par les fous aux pieds bleus, dont les fientes blanchissent la roche. Là, Vincent et Augustin, un équatorien venu grossir nos rangs, effectuent leur première plongée. En tant qu’experts, ils ont droit à deux sorties aujourd’hui. Pendant ce temps, Richard, notre instructeur, nous briefe pour notre “discovery session” à venir. À la fois caustique et professionnel, il réussit sans mal à mettre tout le monde en confiance. Alors que la leçon touche à sa fin, un groupe de dauphins fait son apparition non loin du bateau. Juan Carlos, le capitaine, lance alors son navire à vive allure, et les cétacés s’empressent de venir jouer autour de nous. La matinée débute à peine et je suis déjà comblé.



Nous revenons vers l’îlot, où nous avons tout de même laissé Vincent et sa bande à 20 mètres de profondeur. Et, en attendant qu’ils remontent, nous enfilons combinaisons, palmes, masques et tubas pour une courte session de snorkelling. L’eau est froide ! Mais ce que nous voyons nous le fait vite oublier : des dizaines de poissons magnifiques affleurent les rochers ! Richard descend même réveiller gentiment un requin à pointe noire qui dort quelques mètres sous nos palmes. De gigantesques étoiles de mer rouges, jaunes, et bleues colorent ce merveilleux paysage sous-marin.

C’est tellement beau que j’en oublie presque l’objectif principal du jour, la plongée. Il est temps de remonter à bord, nos collègues expérimentés refont surface. Direction l’île de Seymour, au nord de Baltra, pour, enfin, ma premier immersion dans le monde du silence. Julie et Aurélien sont sereins, ils ont déjà fait quelques baptêmes. Je le suis également, même si je trépigne d’impatience…C’est le moment. Équipés, nous nous laissons tomber en arrière, comme dans les documentaires de Cousteau que je regardais enfant. Richard nous aide à descendre, tranquillement. Nous nous tenons tous pendant quelques instant, jusque à atteindre le fond. Je me laisse guider, réalisant doucement que je respire sous l’eau. Richard me lâche et, seulement à ce moment, je prends la mesure de ma liberté. Une douce et paisible euphorie me gagne. Je n’ai jamais ressenti ça avant. Je nage au milieu des poissons, je fais partie intégrante de leur environnement. D’ailleurs, je les frôle tant ils ne font pas attention à moi. Ayant pleinement intégré ces émotions, je me concentre sur ce que je vois. Une multitude de poissons multicolores. Un requin qui approche les deux mètres et passe en zigzaguant tout près de nous. Un escadron de raies léopard qui vole gracieusement au dessus du sable. Une raie manta au loin, que je mets à suivre malgré moi, alors que Richard me rappelle à l’ordre au son de sa clochette. Le courant forcit et un déportement dangereux est vite arrivé…

Nous sommes ensuite encerclés par un immense banc de gros poissons tropicaux jaunes et gris, eux-mêmes ballotés par le courant.

Richard nous montre alors une minuscule nudibranche noire et bleue, rappel que la magie de la mer réside également dans les petites choses.

Un contrôle de nos jauges d’oxygène nous indique qu’il va falloir remonter. Déjà ! Nous sommes sous l’eau depuis 40 minutes, mais j’ai perdu toute notion du temps dans ces limbes aquatiques. Toute notion des distances aussi, puisque j’apprends que nous sommes descendus à 13m de profondeur, alors que la surface me paraissait si proche…De retour dans le bateau, je reste béat pendant quelques minutes, nostalgique de cette envoûtante expérience. Puis nous échangeons nos impressions avec entrain avec Julie, Aurélien, Vincent et Augustin. Le verdict est unanime, nous venons de vivre une plongée somptueuse ! Pour le déjeuner, nous nous régalons de ceviche à bord, devant un band de sable blanc où paressent de nombreux lions de mer.

Puis retour au débarcadère de Baltra. Je ne vois pas le trajet du retour, m’étant effondré à peine assis sur la banquette arrière. L’équipe nous laisse au club vers 15h, fatigués mais heureux. Je rentre à l’hôtel écrire un peu et retrouve les frenchies pour l’apéro. Julie et Aurélien rentrent se préparer un énorme rouget dans leurs quartiers, tandis que Camille, Vincent et moi nous offrons poisson et langoustes sur le grill dans un petit restaurant. Un délice! La soirée est très agréable et nous ne voyons pas le temps filer…Je rejoins le Sueños Silvestres à minuit passé, et sombre instantanément dans un sommeil aussi profond que les bancs de sable de Seymour.
Mercredi matin, Puerto Ayora. Difficile de faire aussi intense qu’hier en terme de sensations…Mais je m’y attelle. Aujourd’hui, on ne change pas une équipe qui gagne, nous, les frenchies au complet, partons pour une excursion snorkelling à l’île de Pinzon, à l’ouest de Santa Cruz. Nous embarquons avec cinq autres personnes, un couple de Quito, deux amies (sœurs ?) de Baños, et un business man colombien. Plus le guide Leo et le capitaine bien sûr. Après une petite heure de navigation, durant laquelle Julie et Aurélien, à l’étage, aperçoivent quelques ailerons de requins des Galápagos (pouvant atteindre 4 mètres…), nous faisons un premier arrêt à l’Eden Beach, au nord-ouest de Santa Cruz. L’endroit est magnifique. Petite péninsule de sable et de rocher, parsemée de mangrove.


L’eau est en revanche sablonneuse et trouble, mais en plongeant à 1m50 de profondeur, je mets à jour une raie épineuse cachée dans le sable. La bête fait pas moins d’un mètre d’envergure, et dans ces eaux troubles et peu profondes, cette rencontre est un peu effrayante. D’autant que sa longue queue est dotée d’un aiguillon venimeux…Je la laisse donc s’éloigner et rejoins le groupe sur la plage.

De l’autre côté de la péninsule, Aurélien a repéré une tortue qui nage non loin du rivage. Il se jette à l’eau dans l’espoir de la rejoindre. Mais l’eau est opaque et le vaillant nordiste perd l’animal dans le brouillard aquatique. Ce n’est que partie remise…Nous remontons à bord et déjeunons dans ce petit paradis d’eden beach, secoués par les vagues qui viennent mourir sur la plage. Puis cap sur Pinzon. Sur le trajet, je parle industrie pharmaceutique avec Mauricio, le colombien, qui est responsable des ventes Pour l’Amérique du sud chez Ferring. Nous atteignons notre destination en un tournemain, et c’est l’heure de retourner à la mer, en “open water” cette fois. L’eau est limpide. Et froide ! Il y a plus de fond aussi. On devine des fonds abyssaux à quelques dizaines de mètres de l’île à peine. Nous restons donc sagement à distance raisonnable, et progressons au dessus de gros rochers et bancs de sable blanc. La profusion de poissons est inimaginable ! Impossible de les recenser tous ici, je vous en nomme cependant quelques-uns : napoléon arc en ciel, poisson ange roi, tang jaune.



Sur le fond, cachée sous un rocher, je repère une large raie, que je montre fièrement à Julie et Aurelien. La chasse à la raie nous a fait sérieusement dévier vers la zone des requins des Galápagos. Nous rejoignons donc à la hâte le groupe, poussés par une légère montée d’adrénaline…Le guide nous emmène alors dans une petite anse, peu profonde, bordée de gros rochers noirs. Julie est la première a l’apercevoir. Une tortue broute nonchalamment les algues accrochées au rocher.
Non loin, un serpent de mer blanc taché de noir ondule sur le sable, face au courant.

Sur la berge, une bande de lions de mer nous observe, curieuse. Puis ils se jettent à l’eau et viennent nager autour de nous, joueurs. Quelle grâce ! Nous traversons l’anse en direction des zones très peu profondes qui embrassent la mangrove. Là, dans moins d’un mètre d’eau, nous flottons au dessus d’une bonne douzaine de requins à pointes blanches qui somnolent sur le sable. Ils font entre 1m et 1m50 de long et ont un air patibulaire. Inquiétant…Mais ils demeurent inoffensifs, et nous faisons chemin arrière pour retrouver le bateau.

Je n’ai pas envie de remonter à bord mais je suis frigorifié, donc pas mécontent. En route, un peu à l’écart du groupe, Julie, Aurélien et moi croisons la nage d’une petite tortue vert clair. Je plonge et me mets sur le dos pour accompagner ses hypnotisants mouvements. Le temps se suspend alors. Sans la nécessité biologique de remonter prendre de l’air à la surface, je l’aurai suivi toute une vie, cette petite tortue.

De retour à bord, j’ai les doigts des mains et des pieds blancs et bleus, et un large sourire sur mon grelotant visage. Quelques litres de thé rétablissent ma température corporelle à un niveau decent. Sur la route qui nous ramène à Puerto Ayero, je converse longuement avec Aurélien, en dominant les vagues puisque j’ai été “upgradé” sur le pont supérieur. Au port, nous saluons nos acolytes de la journée, puis chacun prend la direction de ses foyers afin de se reposer d’une autre journée magique et intense. Je retrouve tout de même Vincent et Camille pour un dîner rapide. Et nous nous saluons car nos chemins se séparent pour un temps : demain, je ferai cap vers l’Ile d’Isabella, à l’Ouest, quand eux iront à San Cristobal, à l’Est.
Bravo, c’est superbe ! Tu écris très bien, on se sent transporté par ton enthousiasme. J’ai beaucoup ri grâce aux légendes des photos ! Merci, j’ai adoré revivre ces souvenirs si bien contés
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Merciiii Aurelien ! Vraiment très cools ces commentaires ça fait plaisir! Et c’était magique de vivre ça avec vous!!
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Bravo, c’est superbe ! Tu écris très bien, tu jongles entre la spontanéité, le second degré et l’insouciance des découvertes. On se sent à tes côtés, les yeux grand ouverts et émus. J’ai adoré revivre ces moments, merci !
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Et j’adore les légendes des photos, vraiment 😁
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