Équateur – Étape 11: Isabela, Galápagos

Jeudi matin, port de Puerto Ayora. Je suis en avance. Il est 6h30 et mon bateau ne part qu’à 8h. Le type un peu louche qui m’a vendu les billets, et annoncé un départ à 7h, est là aussi. Ce marin d’eau douce des Galápagos aux faux airs de Gérard Depardieu me confirme que le bateau part bien aujourd’hui, c’est déjà ça. Il en profite pour me faire part d’une taxe de 2€ sur la traversée. J’hésite avant de lui tendre les pièces, conscient qu’elles ne serviront pas à la préservation du parc (mais plutôt à un verre de mauvais rhum). Mais les temps sont durs pour les acteurs du tourisme local donc je m’exécute. J’ai le temps de saluer Camille et Vincent dont le bateau part à 7h, comme annoncé. J’embarque finalement à 8h, pour un trajet d’environ deux heures dans la mer intérieure de l’archipel. La mer est plutôt calme, mais ça remue tout de même, d’autant que je suis rudement mal installé. J’arrive donc un peu vaseux à Puerto Villamil, capitale (et seule ville…) de l’ile. La côte est magnifique ! Et la ville consiste en fait en une rue principale sablonneuse, le long d’une jolie plage, et quelques artères périphériques. Il règne une atmosphère de village du far west abandonné, mais sans la tension palpable et la musique dramatique d’Enio Moricone. L’endroit est paisible, très calme. Je traverse le malecõn et arrive à mon hôtel, La Jungla, à l’écart du village, presque directement sur la mer. Abel, mon hôte cubain, me reçoit sympathiquement et je prends possession de ma chambre avec vue sur mer. Je vais être bien ici.

Hostal La Jungla

Mes bagages posés, je ressens le besoin de me dégourdir les jambes après la traversée agitée. Cela tombe bien, le sentier du “Muro de Las lacrimas (le mur des larmes), commence pratiquement sous mes fenêtres. Un peu d’histoire : au milieu du siècle dernier, Isabela a hébergé un pénitencier, essentiellement pour prisonniers politiques. Et ces derniers ont subis toutes sortes de sévices, la prison étant gérée par des tortionnaires sanguinaires et vicieux. Le mur des larmes, gigantesque et vain empilement de pierres volcaniques est le dernier vestige de la geôle. Il s’érige aujourd’hui autant en monument à la mémoire des hommes ayant souffert et péri ici qu’en rappel salutaire des outrages générés par la cruauté humaine. La route chemine sur sept kilomètres, entre plages et lagons. De très nombreux pinsons de Darwin virevoltent dans cette végétation grise et vert pâle typique des Galápagos. Très vifs, ils sont durs à capturer en photo.

Birdman
Et Robin

Alors que je m’évertue à les repérer dans les branches, la respiration étouffée de Dark Vador me fait bondir de surprise et d’effroi ! Ce n’était qu’une tortue géante qui se carapatait dans sa coquille, tout aussi effrayée que moi.

Je suis ton père

De multiples petits chemins s’écartent de la route pour mener, là à une petite lagune où voguent des canards des Galápagos, là à une jolie plage où s’entassent les iguanes marins.

Tenue camouflage

Un autre chemin mène au cœur de la mangrove, à un paysage époustouflant de beauté. Ces racines qui s’entremêlent avant de plonger dans une eau claire. Ces feuilles jaunes et rouges qui flottent à la surface. Le bruit lointain du ressac. Un charme fantastique opère ici.

Malgré tant de superbes détours, j’arrive à destination. Je me recueille un instant devant le triste ouvrage, puis grimpe jusqu’au point de vue, qui offre un très vaste panorama, sur la plage de Puerto Villamil à l’est et les volcans au nord. Le temps couvert estompe les couleurs, mais le paysage n’en demeure pas moins grandiose.

Sur le chemin du retour, outre quelques tortues géantes et ces diables de pinsons qui me narguent, je croise une sympathique famille équatorienne très amicale. Une séance de selfies avec tous les membres de la famille, et me voilà reparti. A l’approche de la fin du sentier, et donc de mon hôtel, le soleil prend le dessus sur les nuages et redonnent à la plage ses couleurs blanche, turquoise, et bleu profond. Je me jette dans les vagues, et joue dans les rouleaux sous les yeux des fous qui volent en rase-mottes à la surface de l’eau. Je sèche au soleil, savourant d’avoir une nouvelle fois cet immense espace pour moi seul.

Côté mer
Côté lagon

Je rentre à l’hôtel, me douche, et écris. Les journées bien remplies à Santa Cruz m’ont fait prendre un retard certain sur mon carnet de voyage…Je pars ensuite “en ville” afin d’acheter des vivres. Après un mois de restaurants, je vais profiter de la cuisine pour me préparer de bons petits plats. Faire ses courses à Puerto Villamil en période de pandémie est une expérience à ravir les nostalgiques de la Russie communiste. De très nombreuses échoppes dévoilent des étales à moitié vides, et sans aucune complémentarité puisqu’on trouve à peu près les mêmes choses partout. Après avoir arpenté quatre magasins différents, j’ai tout de même trouvé de quoi me nourrir convenablement. A l’hôtel, je discute avec un couple de suisses-allemands, qui en bons germanophones occupent la cuisine dès 17h45. Mon tour venu, je bricole un dîner frugal, puis m’allonge avec un livre. Je m’assoupis peu après, fatigué des kilomètres sur mer et sur terre avalés dans la journée. Hâte de découvrir plus avant l’île tranquille qu’est Isabela !

Vendredi matin, Puerto Villamil. Aujourd’hui, je décide d’explorer les alentours sous marins de l’île. Pour cela, direction la Concha Perla, un spot reconnu de snorkelling à l’Est du village. La Perla est un écrin d’eau transparente et lisse, bordé sur ses côtés de mangrove, et protégé du large par une bande rocheuse qui émerge assez largement, à marée basse. Un léger courant la traverse, puisqu’à son extrémité nord-Ouest, un chenal naturel rejoint une petite plage. L’accès à l’eau se fait par un ponton de bois, colonisé par une famille de lions de mer. D’ailleurs certains grognent à mon passage, réticents à voir un bipède troubler leur langueur. Je parviens tout de même à l’escalier qui mène à la mer, et me jette à l’eau pour une observation scrupuleuse des fonds.

Ma piscine

Ma première baignade, de près d’une heure, me fait faire le tour du bassin, en m’attardant dans les récifs et eaux peu profondes qui grouillent de magnifiques poissons. J’ai un coup de cœur pour ces poissons noirs d’environ vingt centimètres, aux yeux turquoise et lèvres jaune vif. Ils sont comme maquillés ! Curieux mais timides, à mon passage, ils se rangent le long des rochers et me regardent de leurs yeux trop fardés. Les poissons perroquets sont là aussi. Et bien d’autres dont je ne connais pas le nom. Le froid me fait quitter momentanément cet univers, dont je suis l’unique invité ce matin. Le soleil, poussif à mon arrivé, me réchauffe de ses rayons dès ma sortie de l’eau.

Ma deuxième baignade est magique. Absolument merveilleuse. J’accumule les superlatifs dans le seul but de me rappeler longtemps les sensations submergeantes ressenties pendant cet incroyable moment. Déjà, à peine dans l’eau, deux petits lions de mer improvisent une dance autour de moi. Ils virevoltent de tous côtés, me frôlent avant de repartir puis reviennent en ce croisant.

Ppdm – et ce n’est pas moi non plus sur la photo (en arrière plan j’entends)
L’un de mes deux compagnons de jeu

Ils me laissent aux portes du chenal, véritable carrefour sous marin où se mêlent de multiples espèces de poissons. Là, mâchouillant les rochers, une grosse tortue de mer nage contre le courant, la bouche pleine. Résistant moi aussi au courant qui me pousse vers le port, je reviens au milieu du bassin. Je suis bien inspiré car je vais y faire de fabuleuses rencontres. Une tortue de mer sort sa petite tête de l’eau, puis plonge. Je la suis longuement, hypnotisé par la volupté de ses mouvement. Un coup d’œil à droite et j’aperçois un escadron d’une douzaine de raies léopards quelques mètres plus bas. Je quitte ma tortue et nage au dessus de ces graciles poissons ailés, dont les points blancs scintillent au soleil. Le groupe se sépare, je reste en filature sur la plus grande. Elle me mène vers le fond, où une raie épineuse se cache dans le sable. Non loin, un poisson porc-épique me regarde de ses gros yeux excentrés, alors que réapparaît ma tortue. La boucle ainsi bouclée, je retourne sur le ponton, émerveillé.

Ppdm

J’ai le plaisir d’y retrouver la sympathique famille croisée la veille sur la route du mur des larmes. Le petit Matteo, sept ans, se jette sur moi, tres affectueux. Jefferson, l’aîné, m’impose une session selfies pour garnir son Instagram. Et la maman, joviale, me noie dans un flot de paroles dont je ne comprend qu’une infime partie. Je fais par ailleurs la connaissance de Gene, un plongeur australien amateur. Il ne tarît pas d’éloges sur le lieu, et, en connaisseur, me fait part de l’existence de deux épatants habitants, intermittents, du bassin : une tortue de mer géante, et un petit pingouin des Galápagos. Mon troisième bain est tout entier dédié à leur recherche. Mais je me laisse à nouveau distraire par les tortues, lions de mer, et autres raies, et reviens bredouille. Je bronze un instant en observant le dialogue étrange entre deux lions de mer bougons et un gros iguane marin qui éternue bruyamment. Un dernier bain, un ultime câlin avec Matteo qui me fait un shampoing scout, et je quitte ce paradis aquatique. Je regagne mon hôtel, heureux. Lecture, écriture, quelques emplettes en ville, puis je me prépare un steak d’espadon avec les moyens du bord. La journée a été tellement belle que s’en est étourdissant. Ce soir, je rêverai à nouveau en bleu.

Samedi matin, hôtel La Jungla. La journée commence tôt, car j’ai promis à Jenny, responsable d’une agence touristique en ville, de venir lui régler l’excursion du lendemain avant 8h. En effet, j’ai œuvré les deux derniers jours pour organiser la visite des deux pépites de l’île, le site de snorkelling de Los Tuneles, au Sud, et l’ascension du Volcan Sierra Negra, au cœur des hautes terres. Ce qui n’a pas été si simple en ces temps de pandémie où la plupart des agences sont fermées. Je suis donc ce matin en train de payer mon dû pour le voyage à Los Tuneles prévu demain Dimanche. Le volcan est lui au programme du Lundi. A 10h, je retrouve Julie et Aurélien, qui sont arrivés la veille dans des circonstances rocambolesques, sur la place centrale du village. Ils seront de la partie pour Los Tuneles, et peut être aussi pour le volcan Lundi. Je leur donne quelques conseils sur les choses à voir dans les parages, partageant particulièrement mon enthousiasme pour la concha perla. D’ailleurs, ils s’y rendent tandis que je me dirige vers un centre d’élevage de tortues géantes au nord du Village. Le sentier pour s’y rendre passe au travers de jolis lagons, où se nourrissent de superbes flamands roses. Quels majestueux oiseaux !

Micro-codile
Bonneteau
Copy cat

J’arrive devant le centre, vide mais ouvert, et commence ainsi ma visite. Dans ces enclos ternes, le charme de ces animaux préhistoriques opère moins qu’au ranch d’El chato sur Santa Cruz. Mais je découvre tout de même une espèce étrange, dont la carapace est écrasée sur le dessus.

Tortuga wrap

Je fais demi tour, salue au passage les flamands, réunis en cercle dans une sorte de conciliabule, enjambe quelques iguanes dormant sur les passerelles, et atteins mon hôtel.

Fin de réunion

Je fais une belle sieste, puis sors profiter de la plage, de la mer et des vagues.

Un après-midi tranquille, achevé sur le perron devant ma chambre, un livre entre les mains. La dolce vita. Je me prépare un plat de pâtes aux légumes, en discutant avec Juan, un colombien de passage à l’hôtel, fan absolu de plongée. Je le laisse à la cuisson de son poulpe et cède au sommeil tôt, malgré le rythme très doux de la journée.

Dimanche matin, Puerto Villamil. Los Tuneles au programme aujourd’hui ! Mais le rendez-vous n’est qu’à onze heure. Ce qui me laisse pleinement le temps pour un bain matinal. Je nage longuement le long de la plage, balloté par les vagues. Soudain, entre deux longueurs de crawl, j’aperçois un homme vers le large, comme assis sur l’eau. C’est Aurélien sur une planche de surf, qui attend sa vague ! C’est drôle de se croiser comme cela…Je reste un moment à observer sa technique, tout en essayant d’attraper moi aussi les rouleaux. Le temps d’une dernière série accompagnée d’un petit lion de mer joueur, et Aurélien me rejoint sur la plage. Le rendez-vous pour Los Tuneles approche, nous cheminons ensemble vers le village. A l’embarcadère, nous faisons la connaissance de notre équipage du jour : Carlos, le guide, Carolina et Olivier, jeune couple franco-colombien, et un canadien de Vancouver avec sa fille de sept ans. Ce dernier va s’avérer une attraction parallèle au tour. Le bateau se met en route vers le sud de l’île et le merveilleux site de Los Tuneles. En chemin, nous apercevons quelques gigantesques raies manta (dont un spécimen de 4 mètres d’envergure) qui sautent de part et d’autre de l’embarcation. Nous faisons une courte halte aux abord de l”union rock”, un cailloux posé dans l’océan où se reposent d’élégants fous nascas.

Nasca boobies
U-boat

Nous repartons vers notre destination principale. Le canadien se comporte comme un enfant de huit ans, se plaignant de la marée, du temps de traversée, du programme du tour…Odieux personage…Nous guettons les requins afin de l’envoyer par dessus bord leur servir de casse-croûte. En vain. L’arrivée à Los Tuneles nous fait oublier cet énergumène. Le décor est inimaginable : des coulées de lave s’entremêlant au dessus d’une eau limpide tapissée de fonds superbes. La lave forme comme un réseau complexe de rues étroites, ponts et tunnels.

Les opticiens

Entre ces artères, c’est un ballet de tortues, de raies léopards, de poissons multicolores. Le capitaine mène avec une impressionnante dextérité sa barque dans ce labyrinthe de magma séché.

Hello
Good bye
Phantom of the opera

Sur le pont avant (à l’abri du canadien, retenu à l’arrière par notre courageux guide), nous sommes aux premières loges pour admirer ici un minuscule pingouin des Galápagos qui se sèche au soleil, là un nid dans la mangrove où deux jeunes hérons bleus attendent que leur parents rapportent le déjeuner.

Michel t’es filmé…
Ah pardon
Hé grande perche !
You talking to me ?
Essoooooo

Explorer la zone en cheminant à pieds sur la lave est une autre occasion d’assister à ce fabuleux spectacle.

Le vilain canadien
Iguane de poche (lézard de lave)
Mes acolytes depuis Chugchilan
Le grand plongeon
Carolina et Olivier, reporters
Fou brushingué

Nous remontons à bord pour se diriger vers le site de snorkelling, à deux pas. C’est le moment que choisi le vilain canadien pour fondre sur notre guide avec une agressivité peu croyable. Monsieur veut aller à l’eau et en a marre de ronger son frein. Le tout dit dans un language fleuri sous les yeux de sa petite fille de sept ans. Fort heureusement, l’eau fraîche calme le bougre et la balade sous marine peut commencer. L’eau est peu profonde, nous progressons entre bancs de sable et dédales de rochers. Au creux d’un d’entre eux nous découvrons une créature fantastique : un gros poisson jaune-orange vif à la face plane et au corps comme atrophié : c’est une variété rare de “puffer fish” (poisson porc-epic ou poissons globe). Puis c’est un festival de tortues : un groupe de six individus, petits et grands, sont réunis pour un festin d’algues autour d’un amas de rochers. Plus loin, cachés dans les grottes créées par la lave, des dizaines de requins à pointes blanches se reposent sur le sable. Aidé par Carlos, je me glisse dans la grotte et reste un instant suspendu au dessus d’un spécimen d’un bon mètre cinquante, sous le regard de ses congénères, entrelacés dans le fond de la cavité…Ces poissons tueurs aux yeux fuyants et aux petites dents acérées exercent sur moi un puissant magnétisme. Carlos me tire hors de la grotte et nous poursuivons notre chemin vers la mangrove, pour une dernière surprise. La queue accrochée à un morceau de bois tombé au fond de l’eau, un hippocampe ondule avec le courant. Quelle étrange bestiole !

Ppdm

La remontée à bord arrive à point : je suis gelé, comme en témoigne mes blanches extrémités. Encore une superbe session ! Même le canadien a l’air satisfait et semble tempérer ses ardeurs vis à vis de l’équipage. C’est ce qui le sauve d’un crime sauvage collectif (le Crime du Los Tuneles Express). En tout cas, il n’aura pas gâché cette superbe excursion. À Puerto Villamil, Aurélien dégote par miracle trois langoustes fraîchement pêchées, et Julie et lui m’invitent à les déguster chez eux pour le dîner. Nous nous régalons, et passons une merveilleuse soirée ensemble, sur le jolie toit terrasse de leur hôtel.

Lundi matin, “grand rue” de Puerto Villamil. Je discute, en français et en italien, avec Harry, le gérant polyglotte de l’agence qui gère nos excursions sur l’île. Il revient avec malice sur les différences entre touristes nord-américains et européens. “Français et américains sont comme huile et eau, mieux vaut ne pas essayer de les mélanger” glisse-t-il dans un sourire, après que je lui eusse fait part de l’épisode canadien de la veille. Julie et Aurélien arrivent, et nous partons en pick-up vers le volcan Sierra Negra, avec notre guide Alexis. Jeune autochtone né sur l’île, diplômé en eco-tourisme, Alexis est un veritable puit de science ! C’est un bonheur d’écouter, dans un espagnol limpide, ses explications sur la genèse volcanique d’Isabela. Alors que nous nous engageons, à pieds, sur le sentier qui doit nous mener à l’impressionnant cratère du volcan, il s’attarde sur les menaces des espaces végétaux importées par l’homme sur la flore endémique de l’île. Notamment les goyaviers qui ont complètement colonisé cette partie de l’île. Nous arrivons sur le bord du cratère. Mais il n’est plus là. En tout cas pas visible, dissimulé sous un épais brouillard. Qu’à cela ne tienne, nous le verrons sur le chemin du retour, Alexis nous promettant que le soleil fera d’ici peu son apparition.

À demi convaincus malgré son professionnalisme, nous poursuivons notre route vers le volcan Chico et la plaine volcanique. Et effectivement le ciel se dégage. Le paysage est époustouflant : en contrebas, nous voyons se dessiner les contours d’Isabella, formant un hippocampe géant, l’étroit isthme de l’île en guise de fine taille. De notre perchoir à l’isthme, la plaine volcanique, presque nue, étire son sol noir et ocre craquelé sur des kilomètres.

Alexis

Nous cheminons sur la lave, poreuse et friable, passant devant quelques cactus millénaires.

Selon l’ancienneté des coulées de lave, la couleur du sol varie du noir charbon au rouge-ocre caractéristique du fer oxydé. Nous sommes ainsi tantôt sur Mars, tantôt sur la Lune.

Mousse chocolat – caramel

Arrivés au sommet du Chico, nous restons un long moment, écoutant Alexis distiller ses connaissances sur les courants marins qui parcourent l’archipel et leurs conséquences sur la vie sous-marine. La vue est splendide, et encore une fois nous mesurons notre chance d’avoir à ne la partager qu’entre nous quatre.

Alexis, astronaute équatorien
Objectif Lune
L’école buissonnière

Nous faisons demi-tour, nourris par la science de notre guide plutôt que par les oranges pleines de pépins qui ont fait office de déjeuner. De retour sur le bord du cratère du Sierra Negra, pas de brouillard. Rien n’entrave la vue sur cet invraisemblable lieu. Le cratère, parfaitement circulaire, fait dix kilomètres de diamètre ! Il est entièrement recouvert de lave. Imaginez un immense lac noir dont les eaux auraient figé un soir de grand vent. Ou une gigantesque tarte au chocolat trop cuite, pour les plus gourmands. Alexis nous indique que le Sierra Negra est le plus grand cratère du monde, après le N’goro n’goro en Tanzanie, qui atteint lui quatorze kilomètres de diamètre. Ayant la chance d’y être passé dix ans auparavant, j’imagine le paysage s’étalant sous mes yeux avec des troupeaux de zèbres, des girafes, des buffles, des hyènes et quelques lions désemparés par l’austérité du sol noir.

Le lac noir
Tarte au chocolat
J’aime les pinsons
Pinson empereur

Retour à la voiture, dans un silence méditatif, puis Alexis nous dépose au village. Fourbus par quelques vingt kilomètres de marche, chacun regagne ses quartiers pour une soirée tranquille et nous disons à demain pour de nouvelles aventures. En marchant vers La Jungla, je me remémore les deux jours qui viennent de s’écouler, si différents. Si les Galápagos sont si exceptionnels, c’est aussi que le moindre recoin de l’archipel dévoile ses merveilles propres.

Mardi matin, hostel La Jungla. Ce matin, c’est relâche. L’attraction du jour ne commence qu’à 13h. Je me lève tard (7h30), et me prépare un copieux petit déjeuner, que je déguste en lisant les nouvelles sportives du jour. Le temps est maussade, et le vent est presque frais. Je décide donc d’écrire un peu en attendant une météo plus propice pour batifoler dans les vagues. Comme à son habitude, le soleil pointe son nez vers 11h, je sors donc me promener sur le sable chaud. Quelques bains de mer plus tard, il est temps de me rendre au village pour y retrouver Julie, Aurélien, et Andrès, notre guide pour l’après-midi. Il va nous mener, en kayak, à Las Tintoreras, dans la zone environnante de l’embarcadère, dont les étroites bandes rocheuses foisonnent de vie.

Quelques coups de rames suffisent pour admirer une très nombreuse colonie de fous aux pieds bleus, qui cohabite paisiblement avec deux petits pingouins. Plus loin, c’est toute une famille de ces énergiques oiseaux sous-marins qui trône sur son propre rocher. Jusqu’à ce qu’un rustre lion de mer vienne les y déloger. Ils sautent à l’eau l’un après l’autre, pas de taille à affronter la belliqueuse otarie.

Une otarie dans un jeu de quilles

Alors que nous prenons le large, deux jeunes lions font de nous leurs compagnons de jeu. Ils virevoltent sous nos kayaks, s’entraînent à l’évitement jusqu’à l’excès, un bon “training” pour leurs rencontres futures avec les requins. Ils nous suivent longuement, passant d’une embarcation à une autre.

Nos compagnons de jeux, demandant la permission à leur mère

Nous saluons des pêcheurs occupés à couper la tête de langoustes grosses comme le bras. Les pélicans, par l’odeur alléchés, déboulent de toutes parts, frôlant nos pagaies. Plus avant, nous tombons sur trois jeunes raies mantas, dont le mètre d’envergure quintuplera d’ici quelques années.

Petites raies manta (ppdm)

Nous accostons dans une baie improvisée, formée par une bande de rochers circulaires, et amarrons nos kayaks. Nous enfilons palmes et masques pour explorer les dessous de Las Tintoreras. Les tortues sont légions dans ces parages ! Ce doit être l’heure du dîner car toutes sont accrochées aux rochers, arrachant les algues brunes et ne s’en éloignant que pour brièvement respirer à la surface. Entre les rochers, nous apercevons une pieuvre, malgré ses étonnants efforts de camouflage, mais elle se tapit dans son trou lorsque nous nous approchons pour l’admirer de plus près. D’agiles serpents de mer, beiges à points noirs, se faufilent entre sable et cailloux. Andrès attire ensuite notre attention sur une scène surréaliste. Un iguane est accroché au rocher, par 1m50 de fond, et il broute lui aussi les algues attenantes. Un micro-dragon qui paisse comme une vache, et sous l’eau, les Galápagos n’ont pas fini de nous surprendre. Image invraisemblable ! L’iguane remonte alors élégamment à la surface, face vers le ciel, en ondulant sa longue queue dentelée. Exactement comme dans la scène qui ouvre le fabuleux film “Océans” de Jacques Perrin.

Océans de Jacques Perrin (ppdm)

Certains poissons aussi nous sont inédits, malgré de belles heures de snorkelling derrière nous. Comme cette énorme “puffer fish” gris cendré (poisson porc-epic), ou ce poisson-mèche tout droit sortie de l’aquarium du dentiste du Monde de Nemo (en fait un zancle cornu). Ou encore une magnifique “golden ray” dans sa robe dorée, très rare dans ces eaux !

Benedetto style
Poisson pancake (ppdm)

Enfin, puisque chaque sortie snorkelling doit avoir son lot de requins, nous plongeons à quelques mètres de profondeur pour dénicher des pointes blanches. Nous en trouvons deux gros spécimens venus chercher l’obscurité sous de gros rochers concaves. Nous revenons vers les kayaks après plus d’une heure de nage, transits de froid et de fatigue, mais la tête pleine de merveilles. Et puis, Andrès, dont nous saluons unanimement la passion tant son sondage des fonds est assidu, est décidément un hôte d’exception. Il sort de son kayak des sandwichs au thon et un délicieux breuvage onctueux, sucré, et surtout chaud…De quoi prendre les forces nécessaires pour le chemin du retour. Nous nous séparons à terre, et prenons rendez-vous avec lui pour 19h, afin de récupérer les vidéos qu’il a prises de l’excursion. Nous le retrouvons effectivement à l’heure dite à l’hôtel de Julie et Aurélien, où nous prenons l’apéro tous les quatres. Moment très sympa avec cet amoureux des Galápagos. Je dîne, à la bougie (l’électricité, comme la connexion internet, est aléatoire sur Isabela) dans une gargote de locaux, sous les yeux rieurs des filles du patron puis rentre dormir, épuisé mais émerveillé par cette ultime journée sur l’île tranquille.

Je vous embrasse,

Julien

2 commentaires sur « Équateur – Étape 11: Isabela, Galápagos »

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