Samedi Matin, Quito. Longue journée de bus en perspective pour atteindre Lago Agrio, où notre guide viendra nous chercher demain matin. Le trajet de huit heures est plutôt agréable, grâce au confort du bus, à la bonne compagnie, mais aussi au paysage magnifique qui défile sous nos yeux. Dès la sortie de Quito, nous amorçons la descente vers le très vert “oriente”. Je retrouve les grandes vallées feuillues admirées entre Baños et Tena.
Lago Agrio est une ville moyenne posée au milieu de la jungle, qui semble comme anesthésiée à cette heure du jour. La chaleur nous surprend au sortir du bus climatisé, et nous sommes tout suants à notre arrivée au Platinum Class, un petit hôtel “fonctionnel” (lisez sans charme mais confortable) où nous sommes bien accueillis. Nous nous régalons de viande dans un restaurant de la ville, avant de reprendre le chemin de l’hôtel, sous les airs de reggaeton qui marquent souvent les samedis soirs équatoriens.
Dimanche matin, Platinum class hôtel. La nuit a été courte. Pas de coq insomniaque dans les parages, mais des voisins colombiens noctambules. Le premier chico de la bande, rentré passablement éméché, s’est endormi comme une masse avec sur lui l’unique jeu de clé de la chambre. Lorsque ses compagnons, non moins éméchés, sont rentrés à leur tour, ils ont trouvé porte close. Et ont donc tambouriné comme des sauvageons pour réveiller leur camarade parti très loin dans des limbes alcoolisées. Avec un succès mitigé quand à l’objectif principal, mais réussissant brillamment à nous tenir éveillés une bonne partie de la nuit.
Nous débriefons des événements nocturnes avec la sympathique patronne et sa fille, autour d’un petit déjeuner, puis marchons vers le centre ville vers notre point de rendez-vous. Jacob nous accueille avec le sourire, et en français ! Tout en l’homme est affable : petit yeux très noirs, rieurs, rapprochés autour d’un nez fort et épaté, pommettes hautes sur un visage rond mais bien dessiné, et un sourire éclatant de bienveillance. Nous voyons tout de suite que nous sommes entre de bonnes mains. Jacob est Quechua, il est né et a grandi dans un village d’Amazonie, au bord de la rivière. Comme on le verra plus tard, c’est un guide passionné, et passionnant. Un véritable amoureux de la nature, de son Amazonie, doté d’un enthousiasme juvénile et communicatif.

Nous grimpons dans un minibus, et admirons le paysage pendant que Jacob nous explique l’économie de la région, et la vie des communautés qui vivent au plus profond de la jungle. Deux heures plus tard, le véhicule nous dépose au bord de la rivière, près d’un pont où volent oropendolas, caciques, et de superbes papillons.


Nous embarquons alors dans un long et étroit canot, piloté par Sergio. Teint mat, regard fier, et force herculéenne, Sergio est membre de la communauté Siona, qui a donné son nom à notre lodge et dont le village se situe plus bas sur la rivière. Il est accompagné de sa femme, dont la beauté sauvage nous subjugue tous les trois.

Nous partons, sous le soleil, pour un prodigieux voyage de deux heures sur les méandres de la rivière Cuyabeno. Nous voguons sur une eau marron, couleur café au lait, teintée par les nombreux sédiments charriés par la rivière. Il faut à Sergio toute son experience pour slalomer entre les troncs d’arbres morts qui flottent ici et là. Autour du canot, une végétation luxuriante déborde sur les rives : fougères géantes, grands arbres d’un vert puissant, longues lianes tombantes ou entremêlées dans les branches…Nous sommes au cœur de la jungle.


Nous ne tardons pas à apercevoir la vie animale dans la sombre densité de la forêt. Première rencontre avec des singes écureuils, qui marchent sur la cime avec une fluidité déconcertante. Avec leur tête blanche maquillée de noir, ils ressemblent à des clowns tristes reconvertis en acrobates.


Trois virages plus en aval, nous avons la chance d’admirer les rois du ciel : trois aras bleus prennent le soleil au sommet d’un palmier à 25 mètres du sol. Ventre jaune, ailes bleues turquoises, longue queue qui leur donne cette silhouette si caractéristique en vol, ces créatures sont merveilleusement belles.


Quelques arbres plus loin, se sont les singes saké qui s’ébattent. Bien plus gros que leurs congénères vus plus tôt, ils n’en sont pas moins agiles, utilisant leur longue queue pour se suspendre à des hauteurs vertigineuses. Noirs et touffus, ils supportent néanmoins la chaude moiteur de la jungle grâce à un mode de vie plus sédentaire et une activité moindre que leurs petits cousins.


A l’embranchement de deux rivières, nous entendons de bruyantes expirations. Nous guettons la surface de l’eau en retenant notre respiration…Et une première masse rose et grise déforme l’onde ! Et puis une autre ! Et une troisième ! Ce sont les fameux dauphins roses de l’Amazonie, quelle chance de les observer ! Certes moins graciles que leurs parents des océans, avec leur front écrasé et leur long nez, ces étranges mammifères détonnent tellement avec l’environnement présent que nous sommes fort émus de les rencontrer.

Notre périple amazonien débute à peine, et nous voilà déjà inondés d’images sublimes. Et nous ne sommes pas au bout de nos émotions, puisque la Laguna Grande, notre domicile pour les prochains jours, est une autre sensationnelle découverte. La rivière débouche sur une grande étendue d’eau, circulaire, dont la surface chromée brille sous le soleil. Sur ses bords, nous découvrons l’étonnante “iguapo”, la forêt inondée : tels des icebergs végétaux, de superbes arbres émergent des flots, quand une grande partie de leur tronc, et de leur feuillage, reste camouflée dans les eaux brunes. Parfois, seules quelques feuilles dépassent.





Ces arbres magiques, isolés de la “forêt de terre ferme” parfois par une dizaine de mètres de liquide, sont une terre d’accueil pour de très nombreux oiseaux, ainsi plus à l’abri des prédateurs. Les premiers habitants que nous apercevons sont les Hoatzins, oiseaux emblématiques de l’Amazonie équatorienne. Ces drôles de faisans à la robe automnale arborent fièrement une couronne faites de longs épis en guise de crête.


(en référence à son ancêtre préhistorique, pas à un cousin d’obelix)

Plus loin, c’est une grande aigrette qui trône en haut d’un arbre avant de prendre son envol à notre approche.


Puis un petit cardinal à tête rouge nous salue de son joli chant.

Partout où nos yeux se portent, des oiseaux, accrochés à ces arbres si particuliers au milieu de ce paysage unique : pigeons d’Amazonie couleur lie-de-vin ou magnifiques perruches vert amande.


Clou de ce formidable spectacle naturaliste, de petits singe hiboux, réveillés par notre faute, sortent leurs drôles de têtes aux grands sourcils blancs de la branche creuse où ils avaient élu domicile pour leur repos diurne.


Émerveillés par toutes ces rencontres, Sergio nous mène au centre de la lagune pour un dernier moment magique avant de découvrir le lodge. Nous assistons à un splendide coucher de soleil ! La lumière est exceptionnelle. Pour ajouter encore à notre contentement, qui nous semblait déjà être à son paroxysme, nous plongeons dans l’eau douce et pure de la lagune sous les ultimes rayons du soleil.





Nous atteignons le lodge un instant plus tard, mais ne l’apercevant qu’au tout dernier moment, tant il est camouflé par la végétation. Situé sur une étroite presqu’île, il consiste en deux rangées de trois maisons de bois, ainsi que d’une grande maison ouverte faisant office de salle à manger. Au bout de celle-ci, un ponton de bois mène à une superbe petite terrasse ombragée. Avec sa vue imprenable sur la lagune, des deux côtés, sa simplicité et sa discrétion, le lodge est un écrin plein de charme immergé dans cette nature si foisonnante.


La journée a été riche en émotions ! Mais ce n’est pas terminé, puisque Jacob improvise une marche nocturne sur le sentier qui part du fond du lodge. De nuit, la forêt devient mystique, inquiétante. L’imagination remplace la vision, et, troublés par l’onirique musique de la jungle, nous voyons surgir de l’obscurité les monstres de nos cauchemars. Mais au-delà de nos sombres rêveries, la jungle ne tarde pas à révéler sa face cachée, bien réelle. D’abord, c’est une araignée scorpion brunâtre au bas d’un tronc qui exhibe sa vingtaine de centimètres de diamètre.

Puis une araignée chasseuse velue qui passe près de nos pieds.

Le genre de rencontres qui vous transforment en girouette paranoïaque, à regarder partout autour de vous de manière brusque et saccadée…Mais ces deux dames ne sont que de pales frayeurs avant l’effroi. Jacob s’immobilise, nous indique d’un geste clair de nous arrêter, fais deux pas en avant, et revient vers nous, excité comme un enfant. Nous sommes chanceux, dit-il. Sur le tronc à deux mètres sur notre droite se trouve la seule araignée d’Amazonie équatorienne capable de tuer un homme en un éclair. La “banana spider” a une morsure mortelle. Gonflés d’adrénaline, nous nous approchons à tous petits pas du tronc afin de prendre, la main tremblante, un rapide cliché. Avant de détaller à vive allure. Et de redoubler de paranoïa giratoire…

La suite de cette marche des horreurs est plus réjouissante. Alors que nous rebroussons chemin vers le lodge, nous croisons une nouvelle preuve de l’invraisemblable ingéniosité de la nature : un grillon feuille ! Le dos de l’insecte est une copie parfaite de feuille, même forme, même couleur, même les rainures sont identiques, quel prodige !

Devant les premières huttes, et avant d’aller tacher de dormir malgré les monstres qui rôdent tout près, nous saluons un petit crapaud et une tarentule en pleine chasse. Quelle incroyable journée !


Lundi matin, Parc national Cuyabeno. Nuit agitée. Serpents et araignées en tout genre se sont succédés dans mes draps. Enfin plutôt dans ma tête, ses charmantes bêtes ayant sûrement mieux à faire que de hanter ma chambre. Je ne suis donc pas très frais à 6h, au moment de partir, pagaie en main, pour un tour d’observation matinale de la lagune en canoë. Mais je m’éveille sans mal devant la beauté de l’iguapo dans les lueurs de l’aube.



Les oiseaux sont légions au petit jour, ils semblent saluer la journée qui s’annonce de leurs mélodieux chants. Les différents sons s’accordent avec harmonie, suivant une partition millénaire.

Non loin du lodge se trouve le quartier des oropendolas. Leur territoire est facilement identifiable : des branches des arbres pendent de longues et étroites sacoches brunes. Les nids des oropendolas ressemblent en effet à d’imposants testicules. Ces beaux oiseaux bruns à la queue jaune et au vol énergique (ce qui les rend difficiles à photographier…) partagent leur habitat avec les superbes caciques. Robe d’un noir profond, taches jaunes électriques sur le dos et la queue, bec blanc et yeux bleus, les caciques ont fière allure !

Un cri strident retentit alors que nous admirons oropendolas et caciques qui se croisent élégamment dans les airs. C’est le jay violacé, surnommé l’alarme de la jungle, qui avertit ses camarades, toutes espèces confondues, de notre présence. Il sonne aussi, pour nous, l’heure du petit déjeuner.

Au lodge, nous retrouvons le facétieux Miguel, dont la bonne humeur est contagieuse. Il nous sert de copieux desayunos en raillant gentiment “Tortuga”, l’affectueux surnom donné à Jacob, en raison d’un cicatrice sur le mollet en forme de carapace.
La matinée se poursuit avec une randonnée dans la jungle, l’occasion d’apercevoir les curieux habitants de la forêt. La marche nous révèle l’étrangeté des petits pensionnaires du “bosque de terra fierma”. Incroyablement camouflé sur le tapis végétal, un crapaud feuille est repéré par l’œil expert de Jacob. Le mimétisme est à couper le souffle !

La grenouille feuille maitrise un peu moins bien l’art d’être invisible que son cousin baveux, mais compense par une élégance supérieure.

Plus loin, une araignée crabe exhibe son abdomen jaune vif.

Un joli scarabée vert pétrole se repaît tranquillement d’une feuille.

Nous croisons ensuite deux minuscules grenouilles dont le brun se marrie parfaitement avec le tapis de feuilles mortes. La seconde a la taille d’un ongle !


La flore n’est pas en reste. Les nombreuses plantes se disputent la lumière du soleil, qui franchit difficilement cette dense barrière végétale. Jacob nous indique les lianes fontaines, gorgées d’eau douce et potable. Puis les arbres étrangleurs, qui s’enroulent autour de leurs congénères, y puisant leurs ressources, les tuant ainsi à petit feu. Impitoyable monde amazonien! “C’est comme ça, la vie dans la jungle” résume parfaitement Jacob.


C’est en remontant du regard ces immenses troncs que nous apercevons un magnifique toucan à gorge blanche qui se fraye un passage vers les cimes. Cette apparition magique marque la fin de la promenade, nous faisons route vers le lodge. Cheminant dans cet épais entremêlement de lianes, troncs, arbres, fougères, dont chaque parcelle ressemble à une autre, nous nous disons que mieux vaut rester sur les talons du guide. Il est si facile de se perdre dans ce labyrinthe hostile !
Après un déjeuner roboratif, les heures les plus chaudes sont dédiées à la sieste. La terrasse ombragée est l’endroit idéal pour se laisser endormir par la vue rassérénante de la lagune.

Vers 16h, nous reprenons place dans le canot pour partir à la chasse aux toucans.


Nous voguons paisiblement dans l’iguapo, sous les yeux des nombreux hoatzins qui prennent le soleil, avant d’être témoin d’un de ces moments d’éternité dont la nature a le secret. Alors que, dans un mouvement vif mais discret, Jacob nous montre un splendide héron cocoï, un toucan à gorge blanche surgit de nulle part et survole furtivement notre embarcation ! Nous en avons la chair de poule…Ces grands oiseaux au long bec et aux extraordinaires combinaisons de couleurs sont magnifiques, et émouvants, avec leurs inharmonieuses proportions. Jacob suit le volatile des yeux, et nous ramons ferme afin de l’apercevoir une nouvelle fois. Nous le trouvons dans un luxuriant bosquet, au loin dans la forêt de terre ferme. Et nous l’observons longuement, à la jumelle. Posté dans un arbre immense, le bec grand ouvert, sous les rayons de soleil de fin du jour, le spectacle est prodigieux. Objectif atteint !



Il est temps de gagner le centre de la lagune pour admirer un époustouflant coucher de soleil.


Sur le trajet, un escadron d’oropendolas vole haut dans le ciel.

Alors que le soleil disparaît derrière la forêt, teintant le paysage d’orange, et de rose, une légère brise fait onduler les eaux calmes. Magique.





Encore émus par ce spectacle, nous plongeons dans la lagune pour un bain délicieux, avant de retourner au lodge. Le dîner est joyeux, nous échangeons nos impressions et émotions de la journée. Nous nous mettons aussi d’accord : pas de promenade nocturne ce soir ! Certes, l’expérience de la veille était extraordinaire, mais tout à fait anxiogène…Et nous souhaitons que toucans et grenouilles remplacent serpents et arachnides dans nos rêves de la nuit.
Mardi matin, Siona lodge. Malgré le choix judicieux de la veille de ne pas arpenter la jungle dans le noir, j’ai tout de même passé une bonne partie de la nuit à sonder mon lit pour m’assurer que j’y étais seul…Mais la journée ne commençant qu’à 8h autour d’un petit déjeuner, j’ai pu prendre les forces nécessaires pour une nouvelle fantastique aventure amazonienne. Nous fixons les objectifs de la journée, qui sont naturellement ambitieux après les deux incroyables premiers jours : revoir les aras bleus dans la cime des arbres, et apercevoir le terrible et majestueux anaconda. Cette liste de souhaits n’a pour seul but que de pimenter un peu la balade, nous sommes simplement heureux d’être là et de continuer à profiter des merveilles de la lagune.
Nous reprenons place dans le petit canot et ramons gaiement dans l’iguapo. Concentré, et joueur, Jacob a à cœur de remplir sa mission : nous accostons sur une autre petite presqu’île, où les aras ont leurs habitudes, se nourrissants de grands arbres morts.


La marche est un peu ardue, il fait chaud sous la canopée et les moustiques sont nombreux et agressifs dans ces parages. Aurélien, barbouillé depuis deux jours, suit la troupe, au courage. Nous entendons à plusieurs reprises les grands perroquets bleus, mais sans parvenir à les voir. Nous rebroussons chemin, bredouilles, mais sur une petite clairière où la végétation mange peu à peu un lodge abandonné, une superbe consolation nous attend : une flopée de perruches à queue marron se protège de la pluie à l’abri des feuilles d’un petit arbre. Ventre vert, queue marron, tête grise, elles se perdent dans le feuillage. Mais le contour de leur yeux d’un blanc lumineux, ainsi que leur cou tacheté nous permettent de les repérer. Et même d’observer des comportements sociaux attendrissants, entre chants et câlins. Superbe moment, qui redonne de l’énergie à Aurélien pour reprendre les pagaies.



Jacob lui, tout aussi enthousiaste que nous (si ce n’est d’avantage), ne s’avoue pas vaincu. Il scrute le ciel, mais surtout les arbres : “si tu veux trouver l’oiseau, trouve l’arbre” énonce-t-il avec une humble sagesse. Et il trouve l’arbre. Nous nous postons à bonne distance, et regardons, médusés, les aras bleus, deux par deux, se poser sur les branches. Nous en comptons quatorze ! Nous les admirons longtemps, jumelles au poing, avant qu’ils ne s’envolent dans un seul et même élan, pour un défilé haut en couleurs.


Nous en avons presque oublié la traque de l’anaconda. Pas Jacob. Nous croisons une autre pirogue, et Jacob amorce une discussion énergique avec son pilote. Un anaconda a été aperçu non loin ! Nous ramons à perdre haleine sous les encouragements de notre guide, dans la direction indiquée par son comparse. Julie, avec ses yeux de lynx, est la première à distinguer la bête. Quelle image extraordinaire ! Un gigantesque serpent prend le soleil, étalé sur un branche quelques mètres au-dessus de l’eau. Il est plié en deux, le bout de la queue ramené au niveau de sa tête. Son dos d’un vert sombre est parsemé de subtile tâches noires, lui donnant une teinte marron foncé. Son ventre est plus coloré, jaune taché de noir au centre, et taches jaunes cerclées de noir sur les côtés. Deux bandes noires partent de l’extrémité de ses yeux, soulignant son regard tel un trait de crayon épais. Avec ses six mètres de long, trônant ainsi majestueusement sur son arbre, c’est assurément lui, le roi de la jungle. Gonflés d’adrénaline par cette royale rencontre, nous nous approchons, téméraires, à quelques mètres seulement du reptile. Avant de faire le tour de l’arbre pour l’admirer d’un autre angle. Avec une excitation enfantine, nous prenons quelques selfies, avant de laisser le monstre à son repos.






De retour au lodge, nous faisons part de notre découverte à Miguel et Sergio. Et même la taciturne Bianca, notre cuisinière, ouvre de très grands yeux devant les photos du serpent roi.
Elle nous annonce d’ailleurs qu’un autre spécimen, une femelle cette fois, a élu domicile au lodge voisin, de l’autre côté de la lagune. Deux anacondas dans la même journée ! Nous ne pouvons pas laisser passer cette chance. Après le déjeuner, Sergio embarque tout le monde, staff compris, pour aller vérifier l’information. Et elle est bien là, enroulée sur ces anneaux, tapie dans les fourrés à quelques mètres des cahutes. Vision exceptionnelle, qui rappelle étrangement la scène mythique dans laquelle Kaa hypnotise Mowgli dans le merveilleux Livre de La Jungle de Walt Disney.

Nous rentrons faire la sieste au Siona, laissant l’unique couple de touristes présents au “Cuyabeno lodge” avec leur charmante voisine. À 16h30, l’infatigable Jacob sonne le rassemblement pour une nouvelle expédition, à la recherche des paresseux. Comme si nous n’avions pas eu notre dose de découvertes pour la journée! Afin d’être concentrés sur le repérage de ces curieuses bêtes nonchalantes, nous prenons le canot à moteur de Sergio, qui nous guide à travers les rivières alimentant la lagune. En chemin, nous croisons un joli petit perroquet vert à gorge jaune, ainsi qu’un austère cormoran, qui plonge dans les eaux brunes à notre approche.


Puis Jacob fait signe a Sergio d’immobiliser le bateau. Il indique un point noir très haut dans l’un des grands arbres qui bordent la rivière. Les nids de termites et de fourmis étant très nombreux dans les environs, aucun de nous n’aurait distingué autre chose qu’une énième maison d’insecte. Mais Jacob, le Quechua d’Amazonie, est capable de voir dans cette boule brunâtre un paresseux à trois doigts. Très loin, et bien caché, une inspection à la jumelle nous permet toutefois d’entrevoir ses longs poils drus et désordonnés, et ses yeux tombants. Jacob répète le prodige quelques minutes plus tard, en trouvant cette fois un paresseux à deux doigts, l’autre espèce qui habite ces forêts. Plus gros, et plus clair que son cousin, il est aussi un peu moins feignant, ce qui nous donne le loisir de l’observer en mouvement. Quelle drôle d’hurluberlu !

Le retour vers le lodge s’avère fructueux en surprises. D’abord, c’est une tribu de capucins qui traverse la rivière sur un pont de singe, nous offrant un fabuleux spectacle d’acrobaties.

Puis, immobile sur un tronc, une famille de chauve-souris dort d’un œil, avant de s’envoler brusquement.

Enfin, à l’entrée de la lagune, nous croisons à nouveau les dauphins roses, respirant bruyamment à la surface.

Le temps est couvert, et nous n’aurons pas ce soir de somptueux coucher de soleil. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas batifoler dans les eaux pures du lac. Aurélien, décidément en bien meilleure forme, exécute même un salto arrière, s’élançant de la proue du canot, récoltant rires et applaudissements. Jacob n’est pas en reste, puisqu’il nous montre comment remonter sur le bateau jambes les premières. Nous nous amusons comme des enfants.
L’obscurité siffle la fin de la récréation, et nous nous hâtons vers le lodge, d’autant qu’une dernière activité nous attend. Nous nous changeons en un éclair et remontons à bord pour une visite de nuit aux créatures de la lagune. Éclairée par une brillante lune, ouverte sur le ciel, la lagune est nettement moins effrayante que la jungle, dans l’obscurité. Ses eaux n’en sont pas moins peuplées de dangereux prédateurs. À la lumière de nos lampes de poches, leurs yeux révèlent leur présence. Nous débusquons ainsi deux caimans aux yeux rouges chassant dans l’iguapo, près des rives. Agiles, ils disparaissent à l’approche du canot. Sur les arbres à demi noyés, des dizaines de points bleus lumineux nous apprennent que les araignées aussi nagent.
Les points jaunes quant à eux nous aident à dénicher les boas de jardin. Nous approchons deux magnifiques spécimens. Beaucoup plus petits et fins que l’anaconda, ils mesurent tout de même près de deux mètres. Avec leur robe brun clair aux motifs géométriques, leurs pupilles en ellipse, et leurs ondulations lentes, ils dégagent une hypnotisante grâce. Mais attention, cette élégance suave nous fait oublier la dangerosité de cet animal sauvage. C’est Jacob qui en fait les frais lors de notre seconde rencontre : alors qu’il déplace les feuilles derrière lesquelles le serpent cache sa tête, celui-ci se détend de tout son long et tente de mordre notre ami au doigt, avant de disparaître entre les branches. Plus de peur que de mal, puisque la tête du boa a simplement heurté l’ongle du pouce de Jacob. Mais une belle leçon tout de même. Cette péripétie marque la fin de notre navigation nocturne, et par la même d’un foisonnante journée dans la jungle.



Suite dans un prochain article !
FAN-TAS-TIQUE !!!
Je crois que ce mot, qui mérite son coté majuscule, se suffit à illustrer cet article !
Ah oui, je crois que je suis un peu jaloux là, quand même. Ahahah.
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Merci poulet! T’inquiète on ira à Touari ensemble à mon retour
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