Équateur – Épilogue

Vendredi matin, Quito. Je suis fatigué aujourd’hui. Et pas tant en raison de nos écarts de la veille. Pourtant, les conditions étaient réunies pour que je passe une belle nuit : après une gestion pour le moins légère de mon problème de serrure, l’hôtel a réagi dès le lendemain en m’up gradant dans une chambre immense à lit king size. Seulement voilà, on ne me surnomme pas “la chèvre” pour rien. Mon nouveau voisin est à la fois insomniaque, et sourd. Si bien qu’il lui prend l’envie d’allumer la télévision à 4h du matin, volume au maximum. Je suis donc allé lui souhaiter gentiment un joyeux Noël, en toquant à sa porte au milieu de la nuit, faute de cheminée.

Le sommeil ne revenant pas, j’ai profité du calme (relatif, le voisin n’ayant pas éteint le poste, mais baissé le son) pour avancer sur ma prochaine destination. Si bien qu’à 8h, je suis presque prêt à partir : billets pris, pour un départ au Costa Rica le lundi 28 Janvier, et la plupart des démarches liées à la pandémie effectuées ! Ravi d’avoir fait un pas en avant significatif, je retrouve mes acolytes pour notre dernier petit déjeuner ensemble. Nous passons la fin de matinée à échanger bons plans sur le Costa Rica (Aurélien y a séjourné il y à quelques année) contre une poignées de photos.

Fatalement, le moment du départ arrive, et nous nous saluons chaleureusement, nous promettant d’essayer de se retrouver plus tard, plus au sud. Je regarde le taxi s’éloigner avec un petit pincement au cœur, puis file m’installer au dernier étage de l’hôtel, dans un confortable canapé . J’ai du pain sur la planche ! Entre rédaction de nos aventures amazoniennes, et étude du lonely planet du Costa Rica, l’après-midi s’écoule, studieuse.

Multi-screening

Je sors tout de même marcher deux petites heures. La ville est grise et vide en ce lendemain de réveillon. Je me confectionne un dîner “healthy” pour me donner bonne conscience après le repas gargantuesque de la veille, et m’endors devant le premier volet d’Indiana Jones, sorte de Jacob à l’américaine.

Samedi matin, hôtel Selina. Une journée calquée sur celle de la veille dans son contenu : matinée studieuse, promenade dans l’après-midi dans un Quito toujours aussi désert, dîner sain, et La dernière croisade en version française. Ces journées de repos sont bienvenues, mais je commence à avoir des fourmis dans les jambes…Plus qu’une journée avant le grand départ !

Dimanche matin, Quito. Le jour le plus long. Mon vol part demain à 4h du matin, avec une présence requise à l’aéroport à 1h. Un couvre feu étant en vigueur pendant les fêtes (fixé à 22h), je vais devoir rejoindre le terminal à 21h. Comprenez : pas de dodo. Pas de quoi m’effrayer, je sais gérer le manque de sommeil. Néanmoins les ennuis commencent de bonne heure. Rien à reprocher à mon voisin, qui semble avoir retrouvé le sommeil, ou l’audition, depuis notre entretient nocturne. C’est d’abord l’assurance spéciale contractée pour le Costa Rica (je l’appelle l’assurance mafia) qui fait des siennes. Je vous épargne les détails mais la vétusté technique de leur système m’a coûté quelques heures, et quelques gouttes de sueur. Avec calme et méthode, je règle le problème avant la fin de matinée. Les ennuis continuent puisque je ne parviens pas à m’enregistrer sur mon vol. Un appel long et coûteux au call center de la compagnie aérienne n’y changera rien (j’ai arrêté les frais après 35 minutes). La charmante réceptionniste du Selina me rassure, me disant que c’est assez courant en ces temps de pandémie de voir des compagnies préférer le Check-in en direct à l’aéroport.

Après ces déplaisants événements, j’ai besoin de m’aérer. Je prends le chemin du centre historique de Quito. Le début de la promenade est dans le ton de la journée : gris et désagréable. Il pleut, et je me perds dans un labyrinthe de ruelles sombres, où drogués et prostituées m’interpellent à tour de rôle. Je m’extirpe de ce dédale, retrouve la place centrale, et la balade prend un nouveau tournant. Pas que la ville soit devenue belle, tout à coup (je n’ai pas succombé au charme de Quito comme à celui de Cuenca). Mais mes pas me portent instinctivement sur les traces de ce jeune homme avide de découverte qui a arpenté ces rues deux mois et demi auparavant. Étrange magie de la mémoire, chaque coin de rue, chaque église, chaque passage piéton même me ramène ainsi à la mi octobre, à ces sensations intenses, la joie d’être enfin sur les routes, l’exaltation devant l’inconnu qui se présentait devant moi. Deux mois et demi : un éclair, une éternité. Que de chemin parcouru depuis ! Alors que mon errance nostalgique me porte malgré moi devant le Secret Garden, où tout a commencé, des images de mon voyage me reviennent, aléatoires, mais précises : le froid qui s’infiltre sous mes vêtements, assis sur cette pierre devant ma lagune dans le Cajas; l’odeur de la pluie dans le jardin tropical de l’hostal Pakai à Tena; l’enivrante euphorie de ma première plongée, aux Galápagos; le rire de Felip, le cuistot italophone de Cuenca; le goût amer de l’IPA de la Santa Cruz Brewery; le sourire de cette vieille femme à cheval, sur la route d’Isinlivi; le soulagement à la vue de Julie et Aurélien sur le chemin de Chugchilan après quelques jours de solitude; les fous-rires partagés avec eux au Rincon de George; les larmes qui me sont montées au yeux devant la beauté de la lagune de Quilotoa; la plénitude ressentie en nageant avec cette tortue, à la concha perla…Et tant d’autres merveilleux souvenirs. J’ai grandi, ici.

De retour vers le Selina, un peu remué par toutes ces pensées, je dégote l’un des rares restaurants ouverts dans cette grande ville fantôme. La journée va être encore longue et je dois prendre des forces. Le taxi m’attend à 20h30, et comme prévu je suis à l’aéroport peu après 21h. Écriture et lecture m’occupent pleinement jusqu’à 1h du matin et l’ouverture du comptoir d’enregistrement.

Après une petite heure d’attente, je me présente au guichet, serein. C’est à ce moment que les ennuis commencent. Pendant une heure, je vais avoir l’occasion de montrer que j’ai appris de mon expérience de voyageur. Les problèmes s’enchaînent : billets révoqués par la compagnie qui n’a pas pris le soin de me prévenir, billets de sortie du Costa Rica non émis, doutes quand à mon immunité contre la fièvre jaune…Bref, je ne peux pas voyager. Et tout cela à affronter dans un état de fatigue avancé, et avec une jeune employée inexpérimentée à la panique facile. Je dois avouer que j’ai failli perdre mon sang froid à plusieurs reprises…Mais animé par une conviction folle que je monterai dans cet avion, et en prenant les problèmes les uns après les autres (à grands renforts de carte bleue…), nous avons trouvé les solutions et j’ai pu embarquer in-extrémis. À la différence de mon vol vers l’équateur, autre expérience fort stressante, je n’ai pas subi les événements, ni compté sur ma chance pour m’en sortir. Bon ça ne vaut pas grand chose sur un CV, mais c’est avec une satisfaction réelle que j’écris ces lignes, installé dans mon hôtel d’Alajuela (près de l’aéroport de San José), pour clôturer cet invraisemblable chapitre équatorien.

J’aborde le suivant avec une envie débordante de continuer à découvrir, à m’émerveiller, à apprendre. Le Costa Rica va être un incroyable terrain de jeu ! Et je continuerai à vous porter avec moi dans ces nouvelles aventures.

Je vous embrasse très fort !

Julien

Un avis sur « Équateur – Épilogue »

  1. Quelle persévérance ! On sent une belle sagesse dans tes lignes. Un énorme merci pour tous ces moments, surtout à la fin à Quito tu as égayé la grisaille ! A très bientôt pour de nouvelles aventures ❤

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