Mardi matin, San Gerardo de Dota. Un jeune Tico du coin passe me prendre à Las Cabinas Los Quetzales. J’évalue mes progrès en espagnol en faisant la conversation, le long des sept kilomètres qui nous amènent à la route principale. Dernier virage, je jette un ultime regard sur cette merveilleuse vallée, peu connue des touristes, et véritable coup de cœur de mon voyage.
Je salue Ricardo et m’installe dans l’abri bus de fortune qui me protège de la fine pluie. Une belle heure et demi plus tard, le bus de San Jose arrive, et me dépose quelques cinquante kilomètres plus loin, à la périphérie de Cartago. Là, je demande aux autochtones la direction de l’arrêt de bus pour Turrialba, ma prochaine ville étape. Ils m’indiquent un banc de tôle sommaire, juste de l’autre côté de l’autoroute. Quelle aubaine ! Je me positionne, aux aguets pour repérer les bus rouge et jaune de la compagnie Transtusa. Je demande tout de même confirmation aux badauds, qui confirment les informations reçues sur la rive opposée. Une heure passe. Le doute commençant à me gagner, je questionne les chauffeurs des autres bus marquant l’arrêt ici, et ils sont tous formels: le bus pour Turrialba passe bien par ici. D’ailleurs, après une heure et demi d’attente, je vois enfin les couleurs amarillo i rosso de la Transtusa. Je fais un signe de la main au chauffeur, qui me salue poliment en retour. Sans néanmoins s’arrêter. Le doute m’assaille à nouveau. Je lance alors un nouveau sondage d’opinion, qui donne les mêmes résultats que le premier. Mais le temps passe et le bus n’arrive pas. L’impatience guette, insidieuse et menaçante, et je m’apprête à partir en quête d’un taxi pour rejoindre la ville. Mais un sympathique papi, me trouvant ainsi désœuvré, s’enquiert de ma destination. Et me dit dans un sourire masqué que je suis bien à la bonne adresse. La preuve: lui aussi se rend à Turrialba. Rassuré, je patiente en baragouinant avec lui un mauvais espagnol. Trente minutes plus tard, alléluia ! Le bus est en vue. Je fais signe de la main au chauffeur, qui me salut poliment en retour. Sans néanmoins s’arrêter. S’en est trop, j’avise mon ami piéton qu’il neigera avant qu’un bus pour Turrialba ne s’arrête ici. Et je propose de lui payer un taxi pour rejoindre avec moi la véritable « parada de autobus ». Il me remercie mais me signifie qu’il préfère attendre. On nage en plein David Lynch. Avant de devenir fou, je hèle un taxi et fait ce que j’aurai dû faire trois heures et demi auparavant : rejoindre le terminal adéquat de l’autre côté de la ville. Cinq minutes plus tard nous atteignons l’arrêt, et dix minutes après le bus rouge et jaune pour Turrialba démarre. En grimpant dans le car, j’ai pris bien soin de faire un signe de la main au chauffeur, qui m’a salué poliment en retour.

Assis confortablement à la place 44, un peu nerveusement certes, je ris de cet épisode incongru : les gens d’ici sont simplement trop aimables pour leur propre bien (et le mien également).
Lorsque j’arrive (enfin) à l’hostel Pascuare, je trouve un accueil chaleureux, une chambre sommaire, et une terrasse agréable où conversent deux couples de Français. Je prends une douche froide pour me remette de mes émotions, et rejoins mes compatriotes sur la terrasse pour faire leur connaissance. Delphine et Sébastien voyagent pour quelques semaines avec leurs deux magnifiques petites filles, à la découverte du Costa Rica. Marie et William sont des voyageurs au long cours, qui cherchent leur prochaine destination. L’Equateur est en bonne place sur la liste, et mon exposé apparement convainquant des merveilles que recèle ce petit pays scelle leur décision: ils s’envoleront ce week end pour les Galápagos ! J’en profite pour me soulager d’un poids en leur offrant mon lonely planet. Nous prenons l’apéro, puis dînons ensemble. Une journée étrange qui se termine sous les meilleures auspices, et en bonne compagnie !



Mercredi matin, Turrialba. Aujourd’hui, je pars à la conquête des rapides du Rio Pascuare. Il est 7h et je grimpe dans un mini van en direction de la rivière. Pour partager avec moi cette aventure, nous avons Kristle, une Canadienne globe-trotteuse en vacances ici, Luis, notre expérimenté pilote, et Alejandro, qui assurera la sécurité et les photos de son petit kayak.
Nous rejoignons notre point de mise à l’eau, et Luis nous donne les consignes de sécurité. Et c’est parti pour trois heures de navigation sur une rivière célèbre dans toute l’Amérique centrale pour son sensationnel paysage. Après des débuts balbutiants, nous nous coordonnons avec Kristle jusqu’à trouver notre rythme, à la grande satisfaction de Luis. Dès les premières méandres, la vue est époustouflante. La forêt tropicale, sauvage, recouvre grandes et petites collines où l’on devine une intense vie animale. Quelques tribus indigènes habitent là, dans les profondeurs de la forêt, perpétuant des traditions ancestrales. Sur les berges où pousse la « caña brava », les cormorans font sécher leurs ailes pendant que les hérons tigrés sondent le sol en quête de nourriture. Un martin-pêcheur traverse en rase-mottes la rivière, tandis qu’un superbe oropendola fait le chemin inverse, bien plus haut dans le ciel.


Les rapides sont un régal, et les sensations fortes au rendez-vous. Comme happé par la rivière, notre cannot rebondit agilement entre les « lignes » de ces flots vifs, qui nous inondent de leurs eaux fraîches.

Entre deux passages sportifs, la rivière nous laisse tout le loisir de contempler les environs. Nous traversons ainsi un majestueux canyon, où une immense cascade se déverse avec grand fracas dans le cours d’eau. Parfois, avec l’autorisation de Luis, nous sautons par dessus bord et nous laissons porter par le courant, en toute décontraction.


Plus loin, nous faisons halte sur une petite plage, et remontons, à pieds, un ruisseau jusqu’à une belle cascade plongeant dans un bassin naturelle. Récréation improvisée, faite de sauts, puis de douches à haut débit.

De retour dans le cannot, nous pagayons gaiment vers notre déjeuner. Pour tout restaurant, une table de bois protégée des rayons du soleil par un toit en feuille de palmiers. Mais Luis et Alejandro ont dressé une superbe table : au menu, burritos et ananas frais. Nous dégustons ce festin en parlant voyages avec Kristle. Je découvre l’existence du Delta d’Okavango, au Botswana, que ma coéquipière décrit avec tellement de justesse et d’émotion qu’on s’y croirait presque.

La croisière s’achève par quelques rapides de classe IV, où tour à tour Kristle et moi manquons de tomber à l’eau. Mais nous arrivons sains et saufs à notre point de sortie, à 27 kilomètres de rivière de notre point de départ. Quelle aventure !

Alejandro nous montre les photos qu’il a prise de son kayak, puis nous rentrons à l’hostel. Je salue l’énergique Kristle, qui fait route vers la côte pacifique, et retrouve mes acolytes sur la terrasse. L’après-midi est bavarde, nous profitons de la quasi absence de connexion pour s’offrir un moment d’humanité, bien tangible. Vers 18h arrive une nouvelle invitée, qui bientôt se joint à nous. Lisa est allemande, et, entre deux jobs, s’offre un long séjour au Costa Rica. Après un apéro et un dîner joyeux, une fois les petites couchées, la terrasse se transforme en tripot. Les parties endiablées de « président » sont ponctués de rires. Grand moment de bonheur partagé, dans un lieu simple mais baigné d’une authentique chaleur. Nous savourons cet instant car demain, nos chemins se séparerons. Marie, William, et la famille de voyageurs se rendront à San Jose pour voler vers d’autre cieux. Lisa conduira vers le sud de la côte Caraïbes avec un passager heureux de saisir l’opportunité de ne pas prendre trois bus différents…L’étape à Turrialba aura eu son lot de belles découvertes, et de superbes rencontres !

Je vous embrasse !
Julien
Juju! Je suis une avide lectrice de ton blog. Je ne peux m’empêcher de commenter sur ton expérience avec le bus pour Turrialba qui m’a fait hurler de rire. Pas très charitable j’en ai peur, mais étant donné que ton extraordinaire voyage, à part quelques nuits blanches, se déroule avec perfection, tu me pardonneras! Ce que je me demande c’est si tu pourras un jour reprendre ta vie antérieure professionnelle et citadine.. Plein de bisous!
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Sylvie ! Ça me fait super plaisir de te lire !!! Et je suis ravi que tu suives mes aventures 🙂 j’ai bien rigolé tout seul dans le bus aussi ! Comment vas-tu ?? Grosses bises !
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Je vais très bien mais ma vie est bien morne à côté de la tienne! Heureusement que je voyage avec toi💕
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Gna gna gna je vois des oiseaux superbes ! Gna gna je fais du rafting dans la jungle ! Gna gna gna j’ai des nouveaux muscles de beau gosse ! C’est bon…nous aussi on peut frimer : gris, froid, couvre-feu, confinement, tu as tout cela, toi !? Eheh. Tu fais moins le malin ! 😀
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Mais ouiiiiiii, Sylvie a raison, trop bien de voyager avec toi, copain ! Il a l’air vraiment c** ce Ben Day…
Salut Nadal !
Biz de nous deux et 1/2
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