Vendredi matin, La Virgen. La nuit a été bonne. Pour mes voisins un peu moins. La pluie a eu raison du toit de leur chambre, et l’eau s’est infiltrée un peu partout. Je trouve donc au petit déjeuner une américaine fort fâchée contre le personnel de l’établissement. Je compatis sans en rajouter, car je n’ai rien eu à redire du service jusqu’ici. Néanmoins, lorsque je me rends à la réception pour effectuer le check-out, je ne trouve personne. Il est 7h45, et mon bus, le premier d’une longue série, part à 8h. À 8h02, la réceptionniste arrive, au pas de course, devinant mon impatience. D’une main fébrile, elle me tend le terminal de paiement. La carte ne passe pas. À la troisième tentative, la transaction est validée. Je cours jusqu’à l’arrêt de bus, sous les pluies d’excuses de la sympathique hôtesse. Et, miracle, le bus, avec un peu de retard, arrive juste à ce moment. Je grimpe, content d’avoir eu de la chance, et ne vois pas la réceptionniste qui court derrière le bus, mon permis de conduire à la main (je l’avais laissé en gage contre les jumelles). Mon voyage se poursuit donc paisiblement, et le quatrième bus de la journée me dépose dans la superbe vallée d’Orosi. Je m’aperçois de mon oubli en marchant vers l’hostel Montaña Linda, ce qui ne m’empêche pas d’admirer ces magnifiques arbres couronnés d’orange qui parsèment les collines alentours.

L’auberge est simple mais agréable. La chambre minuscule et le lit fatigué me rappellent à ma condition de voyageur au long cours : je suis revenu à des standards plus économiques…Je règle mon problème de permis en un tournemain, n’ayant aucune envie d’abandonner le tant convoité sésame à son triste sort. Puis je mets à profit les dernières heures du jour pour me promener dans les environs. La vallée est superbe ! Une belle rivière coule en son milieu, sur un lit qui s’évase, donnant beaucoup d’ouverture au paysage. Tout autour, de superbes collines verdoyantes, dont certaines accueillent sur leurs pans des plantations de café. Ça ne ressemble en rien à tout ce que j’ai vu jusque là lors de mon périple !

La nuit commence à poindre, je rentre doucement à l’auberge. Un peu plus tard, une joyeuse bande déboule dans le patio, redonnant vie à un hostel jusque là très calme. Francophonie oblige, le groupe est un panaché de Suisses Romans et Français: Irina, Mathilde, et Simon, sémillant trio helvétique, Louise, première parisienne que je croise dans ces contrées, et Victorien, étudiant annécien. Que du beau monde. Néanmoins, fatigué du voyage, je les abandonne précocement afin d’être frais et dispo demain pour l’exploration de la vallée.
Samedi matin, hostel Montaña Linda. Aujourd’hui, visite du Parc National Tapanti au programme. Je laisse la troupe rencontrée la veille à leur petit dejeuner, et me rends à la boulangerie Suisse, qui, évidemment, loue aussi des vélos. Francesca, montagnarde pure jus, m’accueille chaleureusement et me dit avec fierté, dans un espagnol aux accents germanophones prononcés, venir du pays de Heidi. Sa fille acquiesce, avant de me remettre un superbe VTT (je ne risque pas de dérailler avec ça). C’est parti pour une douzaine de kilomètres sur une jolie route vallonnée, sous le soleil. Des souvenirs adolescents de balades à vélo sur les collines de la vallée de l’Iton me reviennent en mémoire, et je glisse dans une douce nostalgie jusqu’à l’entrée du parc.



Trois sentiers sont répartis le long d’une route caillouteuse, au bout de laquelle on peut admirer, au loin, une belle cascade jaillissant des arbres.


Les deux premiers sentiers descendent en pente douce vers la rivière. Colibris et petits oiseaux des bois s’égaillent joyeusement dans les branches empesées de mousse. Le soleil voilé de gros nuages noirs donne aux berges calmes des atours mystiques.



Le dernier sentier, plus sportif, s’élève, boueux, au travers d’une jungle épaisse. La pluie commence à tomber, une famille de capucins se hâte pour se mettre à l’abri sous la canopée. Mais l’averse est de courte durée et c’est au sec que je remonte sur mon vélo pour retourner à Orosi.


De retour à l’auberge, je sonde la situation au Chili, tout en jetant un œil du côté du Mexique…La réflexion sur la direction à donner à mon voyage progresse ! En fin d’après-midi, l’équipe Franco-Suisse rentre de balade, juste à temps pour l’apéro. Bourbier et pêche à la truite sont au menu du debrief de la journée, tandis que Simon prépare la première tournée de “Cuba Libre”. La première d’une longue série…La soirée s’articule autour d’une partie endiablée de “Uno”, dont les règles faites maison (et les vapeurs de rhum) nous font perdre la tête. La bande son éclectique, ponctué de tectonique et de folklore berbère, participe au caractère improbable de cette fête improvisée. Cette joyeuse soirée prend fin vers 2h du matin, heure choisie par un charmant couple de quinquagénaires hollandais pour nous demander, poliment et en français, de baisser d’un ton. Mémorable kermesse, je me suis bien amusé, et en bonne compagnie !

Dimanche matin, Orosi. 7h, réveil difficile. Les nombreux Cuba Libre de la veille ont laissé des traces. Traces que ne manquent pas de remarquer ma famille, réunie autour d’un Google meet dominical. Mais la joie de converser avec les miens, et les sourires de ma petite nièce (la paupiette) effacent les cernes sur mon visage. Un à un, les joueurs de Uno émergent, décidés à profiter de cette belle journée malgré la fatigue. Vers midi, la troupe se met en route vers le « swimming hole », un secteur de la rivière en amont du village propice à la baignade. Une heure de marche, bruyante, nous y emmène, entre camions et geais bruns. L’endroit est bondé ! Des dizaines de familles locales profitent du dimanche ensoleillé. Les rires et les vapeurs de barbecue emplissent le paysage, bucolique. Je plonge dans l’eau froide, sensation merveilleuse après les excès de la veille. Alors que je sèche paisiblement sur une grosse pierre lisse, une corpulente demoiselle entame la discussion. Passablement saoule, elle bascule telle un culbuto, manquant à plusieurs reprise de se noyer dans 30 cm d’eau. Je parviens à saisir qu’elle vient du Nicaragua et qu’elle est fan de hard heavy metal. Lorsqu’elle me demande pour la treizième fois si j’aime Iron Maiden, j’estime que je peux prendre congé. Je la salue poliment alors qu’elle part à nouveau en arrière dans un grand rire. Instant improbable, mais rigolo.


Revigoré par le bain, j’ai envie de marcher. Le gros de la troupe retourne à l’auberge, mais Victorien m’accompagne pour une superbe balade dans les collines d’Orosi. Le chemin grimpe sec sur une petite route déserte, cachée dans la forêt. Sans même les chercher, deux splendides trogons à tête noire posés sur les fils électriques se laissent admirer.

Arrivés au sommet, la vue de dégage et nous offre un panorama somptueux sur la vallée.

Victorien vient tout juste de faire le GR20, c’est donc naturellement que nous échangeons nos souvenirs, frais pour lui, plus lointains pour moi, de cette époustouflante épopée.

La descente vers le village s’effectue sur un chemin meandreux qui serpente sur les pentes d’une plantation de café. En face, le soleil de fin du jour couvre la cime des arbres d’un magnifique orange sanguin. Ce paysage vallonné me rappelle étrangement les splendides collines d’Ella, au Sri Lanka, et de vibrants souvenirs m’assaillent. Prodigieuses sensations !



Nous arrivons avec la nuit à l’auberge, où règne une atmosphère calme et paisible, qui laisse augurer une soirée tranquille. Rattrapé par le manque de sommeil, mais heureux d’avoir découvert les charmes cachés d’Orosi, je m’endors sereinement.
Lundi matin, hostel Montaña Linda. Je salue mes compagnons éphémères, les remerciant pour les chouettes moments passés ensemble, et pars explorer le nord de la vallée. J’ai trouvé à l’auberge des indications pour une charmante randonnée nommé « pink church ». Je traverse la rivière, et oblique un peu plus loin sur une route de terre qui grimpe sur une colline drapée de plants de café. Les nombreux chiens des quelques maisons qui marquent le début du chemin aboient bruyamment à mon passage. Le sommet de la colline offre une vue superbe sur le village d’Orosi et ses environs.

Mais le chemin s’arrête là…Après avoir scruté le moindre filet de terre de la butte, j’accepte avec résignation de ne jamais voir la fameuse église rose. Alors que je m’apprête à rejoindre la route principale, je remarque que les chiens m’attendent, l’air mauvais, sous les yeux de leur souriants maîtres. Sans peur, je souris en retour aux sympathiques habitants et trace un chemin à travers les agressifs canidés. Un batârd grisâtre ne l’entend pas de cette oreille, et me mord énergiquement à la fesse droite. Je le dégage d’une tape sur le museau, sous le regard amusé des enfants du voisinage.

Le postérieur meurtri, je me remets en mouvement. Je décide de me rendre à Cachi, petit village au bord d’un joli lac. Le soleil se fait généreux, et la marche est agréable. Arrivé à hauteur du hameau, en quête d’une vue sur le lac, je pénètre à l’intérieur d’une plantation, aux grilles grandes ouvertes. Au bout de l’allée, je découvre un sublime paradis caché. Le lac est là, recouvert sur ses berges de plantes aquatiques, formant comme une prairie inondée. Des parcelles de cette prairie se détachent et flottent au milieu du lac tels des nénuphars géant. Hérons et aigrettes survolent l’étendue d’eau, pendant que les oropendolas s’affairent dans leur nid. Autour du lac, les éternelles collines d’Orosi tâchées d’orange. Subjugué par ce somptueux décor, je m’allonge dans l’herbe et reste un long moment à contempler cette nature impressionniste.




Un geai me réveille, sonnant l’heure du retour, après une sieste délicieuse.

Je trouve l’auberge tristement vide à mon retour, et m’installe dans le patio pour écrire. Le calme est bientôt rompu par l’arrivée de trois nouveaux voyageurs, évidement français, eux aussi. Gabi, Clara, et Victor se sont rencontrés à San José et sillonnent depuis ensemble le Costa Rica. En quête d’une petite balade pour apprivoiser les environs, je leur recommande le swimming hole, et me joins à eux. Le lieu est désert en ce lundi, contrastant avec la joyeuse cacophonie de la veille. C’est donc dans une atmosphère tout à fait « zen » que nous profitons des bassins d’eau fraîche. De retour à l’hostel, chacun vaque à ses occupations, puis nous nous retrouvons autour de quelques cacahuètes pour l’apéro. La soirée se poursuit dans une pizzeria du coin au personnel adorable. Mes trois acolytes se révèlent être d’une excellent compagnie, bienveillants, curieux, et authentiques. Encore une belle soirée, joyeuse et conviviale. Décidément, la vallée d’Orosi s’est montré incroyablement riche en surprises !
Je vous embrasse !
Julien
Ella Ellaaaaa oh oh oh…et son café Chill ! ❤️
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