Vendredi matin, Puerto Escondido. La nuit a été…inexistante. Je n’ai pas fermé l’œil du trajet, recroquevillé sur la moitié de mon siège non annexée par mon imposante voisine. Mais les onze heures de bus sont néanmoins passées étonnamment vite. Je dépose mon bardas au petit hotel du centre que j’ai choisi pour son calme et ses grandes chambres, après dix jours de dortoir. Puis j’improvise une promenade pour lutter contre le sommeil. Mes premières impressions sont mitigées, la ville ne disposant pas du charme authentique d’Oaxaca. Mais l’odeur de pins chauffés par le soleil, vite rejoint par celle, iodée, des vagues de la baie, me transporte de Bandol au Pouliguen, et je revois mon jugement, à la hausse.

L’immense plage Zicatela n’est pas dénuée de charme, avec son sable blanc, sa mer azur, et ses cabanes sur pilotis “à la” Siesta Key.



Je quitte le sable chaud un instant, afin de prendre un petit déjeuner pantagruélique au “cafecito”, une institution du coin. Je me régale de pancakes gros comme des Frisbees arrosés de sirop d’érable. Afin d’éviter de sombrer dans une sieste digestive, je pousse la balade jusqu’à la « punta », une pointe rocheuse à l’extrémité de la baie. À cette heure encore matinale, et dans cette station balnéaire prisée des occidentaux, je m’amuse des étranges créatures qui peuplent la plage. Quelques sirènes promènent leurs minuscules chiens dans des tenues minimalistes. Un septuagénaire aux dreadlocks blondes, en chemise hawaïenne, me salue d’un geste de surfer. Un autre retraité américain, écarlate, cuit littéralement, allongé en étoile sur le sable. Plus loin, un couple de naturistes tentent de colorer leurs fesses encore blanches. En me rapprochant de la pointe, l’affluence se densifie, entre les adeptes du Yoga et les apprentis surfeurs. Je m’assoie sur une grosse pierre plate, et travaille mon espagnol en regardant les courageux novices boire la tasse.

Lorsque le soleil menace de faire fondre mon téléphone, je prends le chemin du retour. Il est 13h lorsque je prends possession de ma chambre. Je prends une douche froide pour me débarbouiller de mon inconfortable nuit, et ne résiste pas à une courte sieste. Je sors dans l’après-midi, marchant à travers la ville en direction de la plage Manzanillo, une jolie crique animée prisée des locaux. Du haut des escaliers qui descendent sur le sable, je reperds à la pointe ouest quelques rochers d’où je pourrais peut-être me jeter à l’eau, loin de la foule. Je progresse à tâtons jusque la pointe. Beaucoup de possibilités de mise à l’eau, mais aucune solution pour remonter sereinement, la mer étant agitée et les oursins nombreux. J’abandonne l’idée d’une baignade solitaire, mais reste assis sur un rocher à contempler l’eau claire. Je suis bien inspiré puisque cinq minutes plus tard un couple de tortues fait son apparition, avant de disparaître sous l’écume. De retour sur la plage, je passe les badauds qui pataugent sur le bord et nage énergiquement jusqu’à la pointe, pour essayer d’apercevoir les doux reptiles marins. Mais le courant les a sans doute emporter, et l’eau très salée me pique les yeux. Je me sèche tout de même heureux d’avoir aperçu des tortues pour la première fois depuis la côte équatorienne.

Après un dessalage en règle, je retrouve Antoine à Zicatella pour le dîner. Les enchilladas du Cafecito ne sont pas aussi fameuses que ses petits déjeuners, mais la bière artisanale est bonne, et nous passons un agréable moment. La fatigue me rattrape sur le chemin du retour, et je me hâte de retrouver mon lit pour un sommeil réparateur.
Samedi matin, hôtel Surf Arena. La nuit a été longue et douce, et je suis en pleine forme pour une journée sportive. Je fais le plein d’énergie dans un petit café du coin, puis marche jusqu’à la Rinconada, quartier de Puerto Escondido surplombant la crique explorée hier. J’y loue un vélo et file vers la lagune de Manialtepec, à une quinzaine de kilomètres à l’ouest. Dès la sortie de la ville, je retrouve les collines aux couleurs fauves et sépias de l’état de Oaxaca. Pas de forêt tropicale ici, mais quelques champs destinés à l’élevage, et la forêt sèche, mauve et grise, qui recouvre le flanc des vallons. Pendant la saison des pluies, la forêt reprend vie et les arbres courts se parent d’un vert profond.
Pour l’heure, seuls les bords de la lagune Manialtepec, occupés par la mangrove, s’enorgueillissent d’une telle teinte. En l’absence de sentier pour en faire le tour, l’unique moyen d’explorer la grande étendue d’eau est d’engager les services d’un autochtone et de sa barque. Me voici donc dans la sommaire embarcation de Ricardo, appareil photo en main, guettant la faune aviaire du lac. Hérons et aigrettes sont nombreux, ainsi que les aigles pêcheurs, dont nous admirons un gros spécimen à l’œuvre, attrapant dans ses serres un poissons sans se mouiller les plumes.






A mesure que nous nous rapprochons de la mer, les cormorans et les frégates, nichant sur des arbres mourants, se multiplient. De grandes cigognes noires et blanches déploient leurs immenses ailes juste au dessus de nous !



Plus loin, dans un étroit canal parallèle à la mer, je retrouve ces verdoyantes plantes aquatiques, habitat préférentiel des superbes jacanas et leur élégante tâche jaune frontale. Agiles martins-pêcheurs et virevoltants martinets complètent le tableau ornithologique.






Nous accostons sur une bande de sable qui sépare l’océan de la lagune. L’endroit est magnifique ! Là, une cabane isolée vend de l’eau de coco. Un rafraîchissement bienvenu, dont nous nous délectons face à ce somptueux paysage.




Lors du retour, je suis gagné par une douce léthargie, et m’assoupis dans le canot. Ricardo me réveille doucement, et nous sommes accueillis par les chaleureux sourires d’une bande de gamins des alentours. Curieux, ils s’enquièrent du coût de ma rutilante bicyclette rouge feu. Je profite de la conversation, qui s’oriente vite vers le football, pour pratiquer mon espagnol.

Je fais route vers Puerto Escondido, sous le sévère soleil de midi, et retrouve peu après Antoine, à la playa Carizalillo, une crique située non loin de la playa Manzanillo explorée la veille.

L’eau est douce et claire, propice à la baignade. Après un bon bain, en bons aventuriers, nous décidons de pousser la découverte jusqu’aux plages situées à l’extrémité ouest de Puerto. Nous nous perdons dans les rues d’un nouveau quartier, flanqués de villas luxueuses, mais finissons par trouver la longue et sauvage playa Bacocho. Avec les vagues, conséquentes, l’autre attraction du lieu est la mise à l’eau de jeunes tortues élevées dans un centre non loin. La « touristication » de la manœuvre donne lieu à un étrange spectacle : les volontaires font la queue, récupèrent une minuscule tortue, marchent vers la zone de lancement, délimitée par une corde, relâchent le petit animal, et le regardent rejoindre l’océan en prenant soin de rester derrière les barrières. Sur la plage, un guitariste à la voie nasillarde tente de séduire de jeunes naïades, trop occupées à travailler leur poses instagrammables pour prêter attention aux vocalises de l’artiste en herbe.


Une fois passé dans le tambour des vagues, nous marchons sur le sable vers la playa coral, où se dresse un complexe hôtelier tout droit sorti d’un film de Wes Anderson. L’endroit est presque désert, les peintures bleue et blanches défraîchies, les mosaïques désuètes, et le mobilier art-deco. On nage dans un remake combiné du Grand Hôtel Budapest et de La vie Aquatique. Nous regagnons la rue en traversant l’onirique établissement, et rejoignons nos quartiers respectifs.

Nous dînons sur la plage centrale, puis nous hâtons vers mon hôtel, où nous attends Wilbert, pour nous guider vers une attraction nocturne. Nous retournons, en voiture cette fois, à la lagune Manialtepec, afin d’être les témoins d’un étonnant phénomène naturel : la bioluminescence. Lorsque mise en mouvement, une certaine espèce de plancton ramenée du large vers la lagune, se colore d’un bleu phosphorescent, illuminant ainsi les eaux du lac ! La nuit est plutôt sombre, nous devrions parvenir à observer ce prodige de nos propres yeux. Nous embarquons dans un bateau avec une dizaine de mexicains surexcités, et nous jetons à l’eau quelques minutes plus tard. Prodigieux ! Mes doigts, mes bras, mon corps entier se couvre de petits points bleus fluorescents ! Je fais quelques roulades, gardant les yeux ouverts…même sous la surface les points bleus sont visibles ! Quelle surprenante expérience ! L’eau du lagon est chaude, et nous restons ainsi immergés près d’une heure, à jouer avec le plancton. Par contre, fiers et orgueilleux, nous avons refusé les gilets de sauvetage, et dépensons beaucoup d’énergie pour rester à flots, quand nos collègues mexicains se laissent gentiment porter…Je me mets alors sur le dos, en position d’étoile, afin d’optimiser ma flottabilité. J’en profite pour admirer les étoiles, l’eau dans mes oreilles me coupant des bruits parasites, pour un nouveau moment d’éternité…

Il nous faut tout de même remonter à bord, ce qui offre un répit bienvenu à mes muscles endoloris. Wilbert nous ramène à bon port, et je m’effondre, épuisé, après une jolie et active journée ! Demain, direction le petit paradis de Chacahua, ses lagunes et son parc national…
Je vous embrasse !
Julien
On a lu tout l’article avec Ju copain , trop bien l’expérience de la bioluminescence ! Sur la côte pacifique je n’ai réussi qu’à mouiller mon short sans rien voir 😂
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