Mardi matin, Pisté. J’avale en vitesse le café si gentiment servi par l’adorable patronne de la Casa de las Lunes, et file vers le site de Chichen Itza, à deux kilomètres de là. C’est que je veux être le premier à fouler ce lieu mythique, devenu il y a peu l’une des « nouvelles » sept merveilles du monde. Loupé. À mon arrivée au guichet, à 7h45, quatre personnes attendent déjà l’ouverture, prévue à 8h. C’est néanmoins sur un site désert, et sous un ciel superbe, que je découvre la majestueuse pyramide qui trône au milieu de la Plaza. Sa symétrie parfaite, l’harmonie de ses lignes, avec ses angles arrondis, en font probablement la plus belle que j’ai vu.


Le spectacle est aussi dans les allées de terre qui encerclent la place : des dizaines de bonshommes poussent des chariots brinquebalants en courant dans tous les sens. C’est le ballet des marchands ambulants installant leurs stands de souvenirs pour les hordes de touristes qui ne manqueront pas d’arriver.

Pour l’heure, je me délecte de la tranquillité des lieux, en admirant le fantastique palais des guerriers et ses dizaines de colonnes. Sur chacune d’entre elles, un dignitaire de guerre est gravé dans la pierre. Certaines gravures sont invraisemblablement bien conservées, à tel point que les vieilles pierres semblent vivantes.




Mais la vie n’est pas que dans les ruines, elle est aussi dans les arbres. Comme ce toucan keel-billed qui se pose sur un arbre nu en surplomb de l’ancien marché. Sa présence donne d’ailleurs lieu à une scène triste, ou cocasse, au choix. Alors que je prends en photo l’oiseau, un couple de français arrive au pas de course pour Instagrammer l’endroit avant de repartir prendre d’autres mauvais clichés. Sans prendre la peine de regarder la direction de mon objectif, il se contente de me toiser, en se demandant quelle espèce d’hurluberlu photographie le ciel à côté des temples mayas. Je repense à ce dicton fameux : « quand tu montres la lune à un imbecile, l’imbecile regarde le doigt ».



Les pauvres diables sont déjà loin lorsque je découvre avec surprise et allégresse un oiseau inconnu. De la taille d’un gros merle, ses ailes vert olive le rendent difficilement perceptible dans le feuillage dense de l’arbre fruitier sur lequel il danse. Mais le jaune vif de son ventre trahit sa présence, et je finis par l’apercevoir tout à fait. Sa tête noire, prolongée du bec imposant propre aux corvidés, est tachée de bleu profond. Superbe oiseau! C’est un geai vert, bien plus beau que son brun cousin, omniprésent dans cette partie du pays.



Après cette parenthèse ornithologique, je retourne sur la plaza pour observer le jeu de balle de Chichen Itza, le plus imposant du monde Maya. Le terrain de jeu est impressionnant, au moins quatre fois plus vaste qu’à Uxmal. Les touristes sont arrivés, et comme souvent certains groupent très bruyants profanent cet endroit sacré. Notamment par des incessantes sessions de « clapping ». Ils tapent dans leurs mains comme des demeurés, à s’en faire sauter les tympans (et les nôtres), pour tester l’écho de l’endroit. Mais je ne peux pas me plaindre, nous nous sommes partagés, avec quelques privilégiés, la cité mythique pendant près d’une heure et demi avant l’arrivée de la foule ! Je regagne donc la sortie avec le sourire, heureux de ma visite.



Je m’offre un petit déjeuner copieux avant de grimper dans le collectivo pour Valladolid. J’arrive à l’hostel Las Guacamayas en début d’après-midi, facile à identifier avec ses deux aras peints sur la façade.

Les dortoirs sont un peu vieillots, mais le petit jardin ombragé est fort agréable, et le personnel aux petits soins. Je laisse mes affaires à l’auberge et sors humer l’air de la petite cité coloniale. Si elle n’a pas la beauté de Oaxaca, ou San Cristobal, son atmosphère à la fois tranquille et vivante lui confèrent un charme réel. Une belle cathédrale au style andalou domine un Zocalo bien entretenu. En errant au hasard, je découvre quelques jolies placettes colorées où des locaux paressent en regardant les pigeons.



Après mes leçons d’espagnol sur l’une de ces places, je me rends au marché pour faire des emplettes. Et, comme à mon habitude, je passe un long moment à converser avec les sympathiques maraîchers, avant de rentrer à l’hostel.


Petite, l’auberge a cette dimension intimiste qui incite chacun à discuter avec l’ensemble de ses habitants. Je fais donc la connaissance d’Emilie et Rémi, ainsi que de Sandra et Valentin, les deux couples de sympathiques aventuriers français partageant mon dortoir. Puis, autour de la table, je découvre les autres convives : Jérôme, hollandais à l’humour acéré, Angelica, globe-trotteuse allemande, Ingrid, tchèque avec un improbable accent dublinois, et Fransisca, jolie voyageuse intérimaire chilienne. Plus tard, le groupe est rejoint par Tanguy, Français lui aussi, avec qui nous bavardons, entre autre, des avantages et inconvénients des écoles de commerce françaises. Je passe ainsi une chouette soirée en bonne compagnie, avant de m’assoupir lourdement, ayant pris soin d’ôter le désuet couvre lit marron de mon petit lit.
Mercredi matin, Valladolid. La convivialité de la veille se retrouve autour du petit déjeuner servi par le tandem de tenancières. Chacun échange son programme de la journée, et nous nous donnons rendez-vous à l’auberge en fin d’après-midi. J’emprunte un vélo à l’hostel et roule quelques kilomètres vers le sud, jusqu’au Cenote d’Oxman. Monumental, le gouffre forme un cercle parfait. Très découvert, de ses bords on peut admirer l’eau azur et les racines noueuses des arbres qui plongent dans le cenote. C’est magnifique !


Je profite du calme du bassin pour rêvasser en regardant passer les nuages, me laissant dériver sur le dos par les faibles courants. Je sèche sous les quelques rayons de soleil qui se frayent un chemin à travers la ronde lucarne. Je regarde les apnéistes se mettre à l’eau, et disparaître sous la surface pour explorer le fond du cenote, quarante mètres plus bas.


Je remonte à la surface, m’installe confortablement dans un hamac, et alterne lecture et sieste dans un délicieux moment de détente. Je reprends le chemin de la ville en début d’après-midi, heureux de ces paisibles instants de repos. Sur le chemin, je découvre un joli couvent, et décide de faire une pause linguistique dans le petit parc qui borde l’église.

Mes compagnons sont là lorsque je regagne l’auberge, et les conversations se poursuivent, entre rires et sourires. Tout le monde est content de sa journée, et en forme, ce qui promet une nouvelle belle soirée. Après un dîner pris ensemble autour de la grande table, le propriétaire des lieux nous invitent à le rejoindre dans un bar où des amis donnent un concert. La troupe, joyeusement désorganisée, se met en marche. Jérôme nous perd dans les rues de la cité, mais nous finissons par trouver l’endroit. Le patron nous accueille avec chaleur, ainsi que les musiciens. L’ambiance est excellente.

À tel point que lorsque le bar ferme, nous décidons de ramener le « live band » avec nous. Le patron prend le soin de nous remettre quelques bouteilles de tequila pour continuer la soirée. Celle-ci bat son plein à l’hostel, où des autochtones se sont joint à la fête. La police finit par s’inviter également, avant de repartir après quelque magie du propriétaire de l’hostel…La soirée s’achève en musique, dans la minuscule piscine de l’auberge, dans une joyeuse confusion.

Je vous embrasse !
Julien