Mexique – Étape 15: Isla Holbox

Mardi matin, Isla Holbox. Dernier couché, premier levé. L’auberge est encore plongée dans le sommeil lorsque je m’engage dans les rues détrempées du village pour une balade matinale, sous un ciel magnifique. Je résiste à l’envie d’aller voir la mer, me réservant ce plaisir pour plus tard, et choisi plutôt un petit café pour y prendre mon petit déjeuner. Je passe un long moment, caressé par le vent, à lire mon journal en regardant les voiturettes de golf se frayer tant bien que mal un chemin sur ces routes en patte à modeler.

Pendant ce temps-là, à Veracruz…

À mon retour à l’hostel, Sandra et Valentin sont réveillés, et nous bavardons tranquillement sur la terrasse. Puis vient l’heure du départ pour le couple breton, direction Cancun et Cozumel. C’est ensuite au tour de Tanguy et Maxime de larguer les amarres pour Tulum. Je salue mes camarades un à un, promettant de donner des nouvelles, puis me rends au minuscule marché de fruits et légumes à deux pas de l’hostel. Lorsque je reviens, j’ai la surprise de trouver Boutayna dans l’un des hamacs de la cour. Nous nous étions rencontrés à Oaxaca il y a déjà plus d’un mois ! Contents de ce hasard, nous retraçons nos chemins mutuels depuis cette ère lointaine. Edward se joint à nous, et s’enquiert de notre programme de l’après-midi. J’ai prévu de marcher jusqu’à la Punta Mosquito, à la pointe Nord-ouest de l’île, et lui propose de m’accompagner. Les nombreux kilomètres à parcourir le fond hésiter, mais lorsque Boutayna, sur l’île depuis quelques jours déjà, lui dit que c’est LA chose à faire à Holbox, le New-Yorkais se décide et nous nous mettons en marche.

Rêves

Je découvre alors l’incroyable plage d’Holbox, et la magie de ses couleurs. Le soleil fait briller le sable blanc, dont le relief inégal fait immerger ici et là de longs et étroite bancs en forme de croissants de lune. Sur ces morceaux de terre à demi immergés, on croirait marcher sur l’eau. Quelques amateurs de sensations fortes se régalent à gonfler leur voile, les pieds bien ancrés sur leur planche de kite surf.

Les cerfs-volants d’Holbox
Colombe mexicaine

Autour d’eux, l’océan revêt une teinte vert clair, opaque, presque blanche. Des rangées d’algues pourpres relèvent les contrastes, tout comme la mangrove d’un vert lumineux qui borde la plage. Les mouettes, pélicans, aigrettes, sternes et autres cormorans se regroupent en masses presque solides sur les bancs avant de s’éparpiller dans les airs et de reformer leur essaim un peu plus loin.

Paradise lost
Pelicans
The Tree of Life
Va-nu-pieds

Je suis si ébahi par la beauté d’un tel spectacle que je n’écoute que d’une oreille l’intarissable Edward. Il me raconte le succès de son entreprise de cornichons premiums, sujet qui éveille sur les premiers kilomètres ma curiosité. Il embraye ensuite sur ses succès en général, du sport aux femmes en passant par la peinture, et je perds peu à peu le fil de son monologue, trop occupé à savourer les merveilles du paysage. Le volubile homme d’affaire finit par se laisser lui aussi imprégner de l’exceptionnelle beauté des lieux, et nous parvenons à la punta dans un silence contemplatif. L’endroit est désert, puisque la plupart des touristes ne dépassent pas la partie « civilisée » de la plage où se concentrent les hôtels. Nous croisons tout de même un couple de mexicains, et nous échangeons nos services pour une séance photo.

Aouh tcha tcha tcha
Boys will be boys
Les rois du monde

Je propose ensuite de rentrer au petit trot, mais après dix minutes Edward capitule. Le retour n’en est que plus long mais la discussion est plus agréable, plus drôle aussi, le showman abandonnant sa verve égotiste pour un ton plus comique. Comique toujours, nous croisons par un heureux hasard Nicolas et Dounia, qui se rendent eux aussi à la Punta Mosquito. Conscient de la marée qui monte, je leur recommande un peu de prudence pour ne pas rester bloqués par les flots. Je les embrasses, et nous convenons de nous recroiser à nouveau par hasard le lendemain.

Brothers in arms

De retour au Tribu hostel, j’ai envie de silence et de calme. Je laisse ainsi mon bavard compère à l’auberge et m’aventure au sud de la plage, vers la Punta Coco. Le paysage est très différent ! La pointe fait face au continent, la plage est plus étroite et la mangrove plus dense, l’ensemble forme un paysage de lagune. Mais c’est tout aussi splendide !

Je tente une baignade mais ne parviens qu’à m’enfoncer dans la vase, l’eau ne me parvenant qu’à la taille. Je m’assois sur la plage, et passe plus d’une heure à regarder le soleil descendre. Sans appareil photo ni téléphone, je suis complètement absorbé par l’observation du « sunset ». Derrière moi et sur les côtés, le ciel se part peu à peu de mauve, alors que face à moi le soleil devient une boule parfaite, d’un orange sanguin, qui colore les quelques nuages de rose orangé. Pendant tout ce temps, une grande aigrette, dans l’axe du soleil, assiste à la scène dans la plus grande tranquillité. Sans doute est-ce la fatigue de ma courte nuit, où les émotions des derniers jours, mais je suis bouleversé par la splendeur de ce coucher de soleil. Il me faut un moment pour recouvrer mes esprits et reprendre le chemin de l’auberge.

Red is NOT dead

Après une douche revigorante, je me prépare à dîner, en discutant avec les autres habitants. Il y a notamment Red, californien barbu et tatoué à la bienveillance contagieuse, et Light, un tout jeune hippie plein d’enthousiasme juvénile qui me rappelle l’ami Robert. Une fois ce « Red Light » dinner terminé, je rejoins Boutayna au bar de l’hostel, bondé, pour la « Quizz night ». Les autres membres de l’équipe des « Quizzards » sont trois argentins, volontaires dans d’autres établissements du coin, et Ed, un jeune écossais totalement saoul. Grâce sans doute à l’hétérogénéité de cette équipe de choc, nous terminons premiers ex-éco du concours. Malheureusement, Javi ne parvient pas à remporter le « chair-challenge » choisi par les organisateurs pour départager les deux équipes de tête. Mais, grand prince, il offre tout de même une tournée à l’équipe, récompense promise à l’équipe vainqueur. Un moment drôle et convivial ! Après cette magnifique journée, comme ensorcelé par l’île, je m’endors, conscient d’être tombé sous le charme d’Holbox…

Birds of paradise

Mercredi matin, Tribu Hostel. Il fait encore un temps fabuleux. L’occasion idéal pour un footing sur la plage. Je retourne donc à Punta Mosquito, en trottinant sur le sable. J’ai l’impression d’avoir l’île pour moi seul à cette heure où les vacanciers dorment encore.

30 minutes d’attente à partir de ce point

En me rapprochant de la pointe, je suis surpris de trouver, à 200 mètres du panneaux indiquant les dangers liés aux crocodiles et aux raies manta, une basket blanche brillant au soleil. Je souris en m’apercevant que le modèle est identique à celui que Nicolas porte invariablement depuis dix ans. Et si…Non ce n’est pas possible que ce soit la sienne, comment l’aurai-t-il perdu ? Je continue mon chemin jusqu’à la pointe. La lumière et la marée sont différentes, et me livrent ainsi le lieu sous un jour nouveau, avec un fond bleu plus profond peut-être.

Auprès de mon arbre, je vivais heureux

Je rebrousse chemin et re-croise la basket esseulée. Le doute me prend alors, et je m’en saisis. La petite soquète blanche roulée en boule à l’intérieur décuple ma perplexité. Et si…après tout, mon distrait petit frère est bien capable d’avoir laissé ses chaussures dériver…En pleine hésitation, je dépose la chaussure près du panneau, et prends une photo pour l’envoyer à Nicolas une fois à l’hostel. Mais ma conviction grandit à chaque seconde que ce ne peut être que le soulier de vair de ce prince étourdi. Alors que je m’apprête à récupérer la basket pour la ramener avec moi, un jogger à la foulée de boxeur et au short mauve se rapproche. Hilare, Nicolas me saute dans les bras, tout heureux de retrouver son soulier fétiche mais surtout amusé de l’improbable ironie de la situation.

Cendrillon du ghetto
Hamburger Family

Nous cheminons ensemble vers le village, souriant en anticipant la réaction de Dounia lorsque Nicolas lui racontera le dénouement de ce conte insulaire. Une fois de plus, je laisse mon petit frère près de la place centrale, et nous nous promettons de nous croiser par hasard le lendemain.

Le petit blond avec une chaussure blanche
Bel effort

Je m’offre une baignade délicieuse avant de retourner au Tribu hostel pour le petit déjeuner. Je m’installe sur la terrasse pour mes leçons d’espagnol, mais réalise bien vite que l’endroit est mal choisi : les habitants de l’auberge sont bien trop sympathiques, et j’interromps sans cesse mon travail pour participer aux conversations. Corina, photographe suisse allergique à l’hiver et au reggaeton (comme votre serviteur), me raconte sa quête d’une nouvelle vie, faite de curiosité et d’expérimentations. Plus tard, nous échangeons avec Nellie sur les travers et les trésors de la société danoise, dont elle est ressortissante. Lisa, ex-marketeuse chez Tesla devenue professeur de yoga me raconte son parcours et m’invite à assister au cours de demain matin. Enfin Mau, jeune “fitness coach” mexicain à l’énergie contagieuse nous raconte les bienfaits des noix et des lentilles, entre autres conseils “bien-être” précieux. J’apprends beaucoup de ces échanges ! Mais, consciencieux, je termine néanmoins mon programme linguistique, avant de retrouver Boutayna pour une longue promenade sur la plage. L’occasion de prendre quelques clichés des incroyables couleurs de Holbox.

Pastel
Jackson 5
La fameuse épreuve des poteaux
Gaviotas

La conversation avec la bienveillante et éclectique jeune française est riche, variée, et très agréable. Nos pas nous mènent vers la Punta Coco, où nous assistons à nouveau à un superbe coucher de soleil.

Punta Coco
La lagune magique, de jour
Les Oiseaux
Pi-gouin (pigeon à tête de pingouin)
Wilbur
Boutayna
Velour
Atari Pong
Ah ces gens qui se lèvent en plein milieu de la séance…

À l’auberge, c’est l’heure de la préparation du dîner. Une joyeuse troupe converse dans la cuisine, entre les poêles et les planches à découper. Je parle football avec Jake, fier supporter de Reading et de Liverpool, et musique avec Red, fan de “Classic Rock”, qui pousse même la chansonnette en remuant son curry végétarien.

La cuisine du “Tribu”

Après le diner, nous allons faire un tour au bar, pour une soirée “art night”, qui consiste en fait en un atelier de tatouages à ciel ouvert. Peu enclins à regarder les candidats souffrir en silence, Boutayna et moi nous dirigeons plutôt vers le centre du village, pour goûter à une autre ambiance. Sur la place, un trépidant match de volley-ball bat son plein, les gradins remplis de locaux débonnaires et de touristes amusés. Nous tombons par hasard sur Edward, qui entre temps a changé d’hostel, accompagné de ses nouveaux amis, Sofia, Claudia, et Julien (bis). Nous discutons en suivant le match, où l’attraction principale est un corpulent mexicain qui joue…une cigarette à la bouche. Lorsque ce Barthez du dimanche rejoins le banc des remplaçants, nous prenons congé à notre tour et regagnons l’auberge. Après cette journée bien remplie, je me glisse doucement dans mon lit, en prenant soin de ne pas réveiller mes voisins, dont certains ronflent bruyamment…

Les fous volants

Jeudi matin, Isla Holbox. Je me lève avec l’un de ces dilemmes qui me font réaliser chaque jour la chance immense qui est la mienne : m’étant extirpé des draps plus tard que prévu, la faute aux ronflements incessants d’un de mes colocataires, je ne pourrais pas aller courir et être rentré à temps pour assister au cours de yoga. J’opte pour le footing, repoussant au lendemain ma première expérience de cette discipline à la mode.

Marée basse

Sans surprise, je croise Nicolas et Dounia, traînant des Kayaks en pataugeant dans une eau peu profonde où nagent quelques petites raies épineuses. Le couple part en expedition dans la mangrove, avant de rejoindre Tulum dans l’après-midi. C’est donc fort probablement la dernière fois que je les croiserai par hasard au Mexique…Après un dernier câlin à mon petit frère, je les laisse s’éloigner en leur souhaitant une merveilleuse suite de voyage de noce, ému d’avoir fait parti de ce moment unique de leur vie.

Les amoureux d’Holbox

Je poursuis ma course tant bien que mal, la marée transformant peu à peu la plage en gruyère. Arrivé à la pointe, je rebrousse chemin, m’arrêtant de temps en temps pour capturer les couleurs en photos.

Purity
La Belle et la Mouette
Nuage

Je pique une rapide tête et rentre au Tribu hostel pour le petit déjeuner. Je travaille ensuite sur le blog, n’échappant pas à de nombreuses et bienvenues interruptions de mes compagnons de route. Je sors faire quelques courses au marché, et tombe par hasard sur Jed et Sofia, avec qui nous convenons de nous retrouver plus tard. En début d’après-midi, je décide d’explorer le sud de l’île, empruntant pour cela de petits chemins de terre où je ne croise que quelques voiturettes éparses. Le sentier débouche dans la petite lagune où nous avions observé la bioluminescence le premier soir. Sur l’autre rive, on voit la jetée de Punta Coco.

La Punta Coco
Ponton to heaven
Intensité

Je m’aventure plus avant et découvre, à la pointe Sud-Ouest de l’île, un superbe paysage, avec un îlot de verdure perdu dans des landes de sables traversées par des eaux presque marrons. Le sentier fini sur une rivière sombre qui s’enfonce dans la mangrove. J’y fais quelques pas, avant de me raviser, devant la fort probable présence de nombreux crocodiles. Je fais demi-tour, m’accorde une longue baignade à la pointe, et regagne l’auberge.

Les Evens
La Fontaine
Le banc d’arguin
L’allée des crocos

Jake m’attend, ainsi qu’Eden, Félix, et Mat, pour une partie de football sur la place du village, là où les volleyeurs sévissaient hier soir. Sur le terrain, Edward, que j’ai prévenu la veille, à réuni quelques courageux de son hostel. Nous complétons les équipes avec des volontaires sélectionnés dans les tribunes. C’est un tel bonheur de retoucher un ballon après tant de mois sans jouer ! L’opposition n’est pas très compétitive, mais Jake s’avère être un fin footballer et nous nous régalons à combiner quelques jolies actions, qui relève un tant soit peu la qualité d’un match plutôt très médiocre. Jed et Sofia assiste à ce triste mais sympathique spectacle des tribunes. Une énième défection d’un joueur signe la fin de cette drôle de partie, et je rejoins le couple pour bavarder un moment. Je leur propose de me retrouver au bar du Tribu plus tard dans la soirée, et retourne à l’auberge prendre une douche bien froide.

La cuisine est aussi animée que les jours précédent. J’aime ces moments de convivialité simple, où les échanges sont sincères et spontanés. Je découvre Greg, un drôle de tchèque vif et maigre au regard rieur, sorte de double positif de Golum. Il nous raconte dans un anglais saccadé les compétitions de “hitch-hiking” (auto-stop) qu’il a mené à travers l’Europe à un rythme effréné. Totalement insolite ! Le repas se termine, non sans un “commitment” ferme de ma part de participer au cours de yoga de Lisa le lendemain matin. Le ronfleur ayant quitté l’auberge, je suis confiant.

La table familiale du Tribu

Ce soir au bar du Tribu, c’est scène ouverte. Les artistes se succèdent, la qualité demeure. Dans une ambiance acoustique, quelques groupes jouent une musique douce et mélodieuse. Jake, décidément versatile, nous joue quelques-unes de ses compositions, qui me rappelle l’univers de Just Jack. Nous passons un long moment à discuter avec Corina et Carolina, volontaire à l’auberge, ex-comptable allemande reconvertie en globe-trotteuse. Puis, épuisé par cette journée très active après une courte nuit, je m’éclipse et m’endors bien vite sous la voute magique de Holbox.

Just Jake

Suite au prochain épisode…

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