Jeudi matin, Todos Santos. Pains au chocolats et pain de campagne aux céréales pour le petit déjeuner, la journée commence bien ! Nous saluons María, la jeune volontaire polyglotte de l’hostel, ainsi que Sven, et laissons derrière nous le charmant Hostel Todos Santos. Nous avons passé de superbes moments dans ce havre de paix !

Une petite heure de route nous sépare de notre prochaine ville étape : Cabo San Luca, à la pointe méridionale de la péninsule. Que d’urbanisation ! Après San Carlos et Todos Santos, la ville nous paraît tentaculaire…Située entre l’Océan Pacifique et la Mer de Cortés, la cité balnéaire est une destination prisée des américains, et une alternative de poids à Cancun pour les « springbreakers » et leurs débauches festives. À priori pas de quoi séduire des voyageurs avides de calme et de nature…Néanmoins, la Finistera, le cap séparant les deux mers, avec ses somptueuses formations rocheuses, vaut le détour. Et puis des baleines à bosses viennent mettre bas dans ces eaux…Nous posons ainsi nos valises à l’hôtel Santa Fe, et grâce à un personnel efficace et sympathique, nous organisons en un tournemain une excursion sur mesure pour le lendemain, à la découverte de la Finistera et des cétacés magiques.

La réceptionniste nous conseille également une plage pour cet après-midi. Nous reprenons donc la voiture jusque Cherito Bay, une belle petite playa plutôt épargnée par la bétonisation ostensible de la côte. Là, dans une eau claire mais froide, nous nous offrons une belle session de snorkeling, au dessus du petit récif à la pointe ouest de la plage. Poissons anges, trompettes, et perroquets sont au rendez-vous, et je croise même une massive et élégante murène noire. Le froid limite la durée d’une expédition sous-marine courte mais satisfaisante.

Avant de retourner à l’hôtel, nous escaladons le Cerro de la Z, haute colline qui domine la ville, et offre une vue imprenable sur les deux mers qui l’entourent. Nombreux sont les locaux qui comme nous ont bravé les pentes raides de la butte pour assister au coucher du soleil.


Une fois celui-ci descendu sous l’horizon, nous rentrons nous réchauffer à l’hôtel. Et, après de nombreux repas cuisinés par nos soins, nous sommes heureux de sortir pour dîner, dans une taqueria de la marina. L’occasion de découvrir Cabo by night…Pas de Mickey grandeur nature ici, maigre preuve que nous sommes pas à Disneyland. Au milieu d’une cacophonie sonore et visuelle, des touristes américains abondent aux terrasses de restaurants aux devantures tapageuses. De débonnaires mexicains nous abordent tous les cinq mètres, à grand renforts de « guys » ou « bro » et avec un accent texan nasillard, pour nous vendre tours, repas, stripteases, mescal, shit, cocaïne, domestos, tranquillisant pour chevaux. Des « condos » sans âme bordent la marina, où flottent des rangées de yachts à louer en « all inclusive ». Dans ce zoo humain, aux enclos tapis de décors artificiels, nous choisissons un restaurant réputé par la qualité de ses « fish tacos ». Et, immergés dans ce curieux univers qui ne nous ressemble pas, nous passons une merveilleuse soirée ! Sans doute aidés par les délicieux cocktails de l’établissement, nous rions de bon cœur, heureux d’être ensemble dans cette étonnante Basse Californie. Nous résistons aux ultimes offres de stupéfiants et à l’appel des boites de nuits du centre, et rentrons dormir dans le calme de l’hôtel Santa Fe. Demain, de nouveaux spectacles, plus naturels, nous attendent.

Vendredi matin, Cabo San Lucas. Traverser la marina est une attraction en soi. Entre les crieurs qui invitent les badauds à la pêche au gros, et ceux qui proposent aux pêcheurs amateurs de cuisiner leurs prises, le piège est bien ficelé. Ne manquent que ceux qui prêteraient leur service pour manger la pêche des touristes pour un prix attractif. Outre les mâles « gringos » bedonnants en quête de sensations fortes, on trouve sur la promenade quelques survivants des clubs de la veille, venus soigner leur gueule de bois dans les « Fat Food » du port.

Notre capitaine, Greg, un tout jeune homme frêle et pré-pubère, nous attend dans sa petite lancha. Kathy, une sexagénaire américaine enthousiaste, complète l’équipage. Kathy vient de…Boise, dans l’Idaho. Un endroit perdu et peu connu qui se trouve être le théâtre de mes étés adolescents. Quelle coïncidence !
Une famille de lions de mer salue notre sortie du port, et nous voilà partis à la chasse aux baleines à bosses. Nous guettons l’horizon à la recherche de jets, et la surface de l’eau pour repérer les « flaques » rondes caractéristiques du passage des cétacés. Nous ne tardons pas à rejoindre trois autres embarcations, qui suivent un trio de superbes spécimens : maman baleine avec son baleineau, et un jeune mâle servant d’escorte, assumant les taches ménagères dans l’espoir d’obtenir les faveurs de madame. C’est si magique de les voir émerger tout les trois, dans un mouvement souple, fluide, et coordonné !


La matrone est énorme, elle dépasse les quinze mètres, et dans son sillon, le « petit » géant tente de suivre la cadence. Lorsqu’elles sondent, les créatures marines nous laissent admirer leurs sublimes queues couleur bleu nuit, avant de disparaître dans les profondeurs.



Greg tente d’anticiper la trajectoire de la troupe pour être aux premières loges lors de la prochaine remontée. Après plusieurs tentatives infructueuses, les baleines surgissent, à notre grande surprise, à quelques mètres du bateau ! Monolithique, la mère dégage une grâce infinie. Le baleineau s’agite en tout sens, sans s’éloigner des nageoires maternelles. Le courtisant quant à lui respecte une prudente distanciation sociale avec la femelle tant convoitée. Elles sont si proches qu’on pourrait les toucher !







Les règles néanmoins sont très strictes, afin de ne pas trop gêner l’intimité des bêtes : pas plus de cinq embarcations par groupe, interdiction de les approcher de trop près, et pas plus de 45 minutes de poursuite. Ayant atteint notre quota, nous prenons congés de cet émouvant trio.


Cap vers la Finistera et ses magnifiques formations rocheuses. La pierre blanche et friable qui compose la pointe semble avoir été sculptée par un artiste titanesque. L’arche qui marque la séparation entre Océan Pacifique et Mer de Cortés rappelle les falaises d’Etretat. Un rocher haut et étroit au large du pont de pierre ressemble lui à un chien racé, les oreilles dressées vers le ciel.


Les plages de la pointe sont superbes, sauvages. Côté pacifique, le rivage de la plage du divorce est frappé par des vagues hautes et régulières. A l’est de la playa, le sable se fraye un étroit passage entre les roches pour rejoindre la Mer de Cortés, et former la plage de l’Amour, miroir antagoniste, plus doux et plus intimiste que la plage de l’autre côté de l’arche. C’est non loin d’ici, sur la plage des pélicans, que nous accostons pour la session snorkeling.


C’est dans cet endroit magnifique que j’apprends une grande nouvelle : mon ami Benoit et sa compagne Tifanie sont les heureux parents d’une petite Lison, magnifique avec sa tête ronde, ses joues généreuses et son minuscule nez retroussé. L’émotion m’envahie alors que me reviennent une foule de souvenirs avec ce frère que je connais depuis l’enfance.

L’intensité du moment donne une saveur extraordinaire à l’exploration marine qui suit. Corail noir à fleur de rocher, bancs foisonnants de poissons tropicaux, superbes spécimens noirs à taches bleues fluorescentes…Un pur concentré de beauté ! Le froid nous ramène sur la plage après l’une des plus belles sessions snorkeling de mes aventures. La densité des émotions de la matinée a raison de moi et je m’endors sur le sable chaud. Courte sieste, car Greg réapparaît peu après pour nous ramener à la marina.


Juste avant l’entrée du port, nous sommes témoins d’une scène ahurissante : un gigantesque lion de mer nage dans le sillon d’un bateau de pêche, alléché par l’odeur du poisson. Il finit par hisser son énorme corps sur la plate-forme arrière de l’embarcation, et dévorer la pêche à même la main des touristes ! Greg nous apprend que « Pepe » est la mascotte de Cabo San Luca, et que « El gordo » est coutumier de cet incroyable fait…


L’épisode nous a nous aussi donné envie de poisson frais. Nous contournons donc la marina et trouvons quelques marins vendant des thons fraîchement pêchés. Nous retraversons la marina avec nos filets sous le bras, non sans être interpellés par des nuées de crieurs nous proposant de cuisiner nos prises…

De retour à l’hôtel, courte pause pour nous remettre de cette matinée belle et bien remplie. Puis nous repartons vers la playa Costa Azul, spot de surf plus à l’est repéré par Aurélien. Avec son enthousiasme habituel, il se lance dans l’eau fraîche, à la conquête des vagues. Une légère fatigue, ainsi que le sol caillouteux ont raison de ma motivation, et je préfère rester sur la plage, à écrire et regarder la mer. La fin du jour emplit l’air marin de fraîcheur, et c’est dans le désormais traditionnel accoutrement « doudoune – maillot » que nous attendons la sortie des flots de notre ami surfer.


Sur la route du retour, nous complétons la liste des vivres nécessaires au repas de princes qui nous attend ce soir. Attablés devant la piscine de l’hôtel, à côté d’une famille mexicaine qui écume des Tecate Lights, nous nous délectons d’un thon mi-cuit mariné à la perfection par Julie. Accompagné d’un shiraz chilien, le poisson est à tomber par terre. Un fromage de chèvre fort et fruité achève ce merveilleux dîner. Nous passons un excellent moment à discuter et rire en nous régalant de ces mets savoureux, pour une soirée à la hauteur de cette riche journée !
Je vous embrasse !
Julien