Mardi matin, Ciudad de México. Entre les lumières blanches et puissantes du couloir, et le boucan provenant de la cour, la nuit a été difficile. Nous quittons bien vite cette sombre auberge et filons vers le sud. Stefano nous accueille dans sa jolie maison, et nous installe dans une petite chambre au fond du jardin. Nous sommes drôlement mieux ici !

Contents d’avoir trouvé un chouette point de chute, nous repartons vers le centre historique. Nous déjeunons de quesadillas végétariennes, assis sur le trottoir, devant le spectacle de cette ville enfin bourdonnante. Un retraité américain s’approche de nous et nous glisse un espiègle « you two look like tourists » avant de disparaître derrière le flot de passants. Il est vrai que nous détonnons quelque peu au milieu des autochtones dégustant avec maitrise tacos et gorditas.


Repus, nous entamons une longue déambulation dans les rues du centre. Le Palacio Nacional, contrairement aux informations récoltées, tient portes closes. Nous nous aventurons alors dans un drôle de quartier commerçant, où les locaux se bousculent pour acheter, dans le désordre, jeans à 100 pesos, masque chirurgicale spiderman, faux ongles vert fluo, ou poupée à l’effigie de Chucky. Entre deux galeries aux allures de souk marocain, nous visitons les pittoresques églises du quartier. Certaines, tricentenaires, menacent de s’effondrer…



Pas la superbe Cathédrale Métropolitaine située sur le Zocalo, malgré d’impressionnants écarts de niveau…Nous sommes subjugués par la beauté grandiose de l’édifice ! Les gigantesques colonnes de pierres, les allées richement marbrées, et les deux sublimes et démesurés orgues imposent le respect.


Impressionnés que nous sommes, il faut l’intervention des agents de sécurité pour nous faire quitter les lieux, à la fermeture. Nous traversons ensuite un chinatown sans le moindre chinois, et franchissons la porte de la Cantina El Tio Pepe. Centenaire, l’établissement ressemble à une vieille brasserie parisienne. Les cocktails sont bien trop sucrés, mais une mexicaine bavarde et complètement saoul et son mari gêné ajoutent la touche de sel nécessaire pour passer un savoureux moment.

La pluie commence à tomber à l’instant même où nous sortons du bar, ça en deviendrait presque une habitude…Nous parvenons tout de même à rejoindre notre nouvelle maison, et bavardons un moment avec Stefano et son énorme chien Otto. Fatigués, nous optons pour un restaurant espagnol tout près de chez nous. Le restaurant espagnol ne l’est pas tant que ça, mais il fait l’affaire. Nous passons un moment à discuter dans le jardin, avant de s’écrouler, contents de cette journée en immersion dans l’une des plus grandes villes du monde.
Mercredi matin, Navarte Norte. La nuit a été bonne et le réveil est tardif. Il fait bon vivre chez Stefano. Néanmoins, étourdis par la fatigue, nous n’avons pas pensé à prolonger notre séjour et les lieux sont réservés pour les prochains jours…Mais le sympathique jeune homme se propose de nous trouver une nouvelle demeure pendant que nous allons déjeuner. Le Café Vegetal, végétarien mais pas trop, propose une carte intéressante, avec notamment du tofu au chorizo. Les restaurants classiques proposent bien des alternatives végétariennes, alors pourquoi pas ? Ce débat anime le petit déjeuner, et nous incrementons avec Arlette la longue liste d’idées business brillantes initiée dans les montagnes du Canyon du Cuivre. Le café végétarien « carnivores-friendly » tient bonne place entre le pantalon gonflable et les stands de curry wurst.

Le temps de quelques coups de fil au pays et Stefano nous a trouvé un nouveau logement, à quinze minutes à pied dans le quartier branché de Roma Norte. Nous y laissons nos affaires et partons vers le Musée Frida Kahlo, dans le superbe Coyoacan qui m’avait enchanté lors de mon premier séjour dans la capitale.


Cette fois-ci, le musée est ouvert. La maison est à l’image de l’artiste, à la fois délicate et massive. Je déplore d’abord le faible nombre d’œuvres de Frida, avant de m’imprégner de l’atmosphère ambiguë, lourde, et ambivalente des lieux. Marxiste, mais bourgeoise, indépendante mais soumise à l’emprise d’un Diego Rivera à la sincérité douteuse, pleine d’une rage de vivre et si attirée par la mort, le personnage de Frida intrigue, forcément. Formidable marketeuse de sa propre image, l’iconique peintre n’avait pas son pareil pour entretenir le mystère.



La fermeture, à nouveau, nous entraîne vers la sortie, et nous nous promenons dans les rues colorées de Coyoacan en échangeant nos impressions. Devant une antique église jaune, les chiens du quartier se sont donné rendez-vous pour un speed-dating canin chaotique, donnant le tournis à des maîtres dépassés.



Las de nourritures grasses, nous décidons de cuisiner un repas « healthy », nous passerons donc par le supermarché avant de rentrer dans nos quartiers. Problème, celui-ci se situe à une distance certaine de l’appartement. Nous marchons donc un long moment le long d’une des artères autoroutières qui traversent la ville. A peine nos emplettes terminées, comme à l’accoutumé, des trombes d’eau se déversent sur nos têtes. Dégoulinants, nous arrivons à destination à l’issue d’une drôle et humide balade. Arlette est une habile cuisinière, et fait un miracle du saumon et des légumes choisis plus tôt. Le dîner se prolonge agréablement, malgré le réveil qui nous attend tôt demain matin, pour la visite de Teotihuacan !

Jeudi matin, Mexico City. Il est tôt. Nous voulons arpenter les allées de l’antique cité dans la quiétude matinale, avant que n’arrive l’inévitable foule de touristes. Deux métros et un bus nous mènent aux portes de Teotihuacan, où seuls quelques autres courageux ont bravé le sommeil et la grisaille pour être les premiers sur le site. Celui-ci est gigantesque. Située sur un grand plateau entourée de petits volcans, la ville s’organise autour de l’Allée des Morts, sorte de Champs Élysées méso-américains, coupée en son milieu par le lit désormais asséché d’une rivière. À l’extrémité Nord le Temple de la Lune et ses lignes harmonieuses ferme la perspective. Peu avant la rivière, sur le bord ouest de l’avenue, le monumental Temple du Soleil trône sur la ville, imposant malgré ses arrêtes émaciées par les ans. Nous en faisons le tour, suivies par une jolie chienne des rues, elle même suivie par quatre larrons canins aux idées lubriques.






Quelques touches de rouge illuminent un paysage plutôt sombre, entre pierres, forêt sèche, et ciel nuageux : une paire de moucheroles vermillons chasse élégamment, portés par les courants. L’accès au sommet de la pyramide est fermé, ainsi que les petits musées qui entourent le site, victime d’un covid tristement sélectif. Les panneaux d’information se contentent de déverser des chiffres sans profondeur, ou de répéter sans cesse les mêmes anecdotes sans saveur. Heureusement, nos lectures ainsi que notre imagination nous permettent une visite vivante des lieux, projetés au IXème siècle, entre chants guerriers et sacrifices humains.




Nous déjeunons assis sur l’Avenue des Morts, face à la pyramide de la Lune, sous quelques gouttes de pluie, à deviner l’origine des visiteurs qui traversent l’artère. Parmi eux une jeune princesse allemande qui vante à deux jeunes prétendants ses mérites de « gold digger », leur laissant entendre que leurs finances sont sans doute insuffisantes pour obtenir ses faveurs. Stratégie à double tranchant puisque les deux compères s’en désintéressent bien vite…Nous clôturons notre belle exploration, et le bus nous ramène à Mexico.







Là, nous retrouvons Maggie et Isabel sur l’Almeida Central. Les deux jeunes femmes tiennent un salon de thé à San Carlos, cité balnéaire de la côte sur la Mer de Cortés. Il y a quelques semaines de cela, Arlette pénétrait dans leur échoppe pour commander un café et demander quelques conseils sur les hébergements du coin. Elle est restée chez elles près de deux semaines ! Et les jeunes femmes se sont liées d’amitié. Drôles, pétillantes, et le cœur sur la main, c’est un vrai plaisir de faire leur connaissance ! Nous passons un chouette moment en évoquant notre périple, ou les nombreuses idées de ce couple si créatif. Enfin, en début de soirée, las de notre expédition à Teotihuacan, nous saluons Maggie et Isabel, non sans avoir pris rendez-vous pour le lendemain matin.

Sur le chemin du retour, un bar à bière à l’allure parisienne nous fait de l’œil. Nous n’avons ainsi pas d’autre choix que de goutter l’IPA brassée par leur soin. Superbe ! Nous retrouvons l’appartement deux rues plus loin, et nous écroulons d’un sommeil lourd après cette intense journée.
Vendredi matin, Roma Norte. Après un petit déjeuner somptueux (œufs brouillés aux légumes à la thaï), nous retrouvons Maggie et Isabel devant le château Chapultepec, situé dans le parc du même nom, qui abrite le Musée National d’Histoire. Le palais, occupé en leurs temps par l’empereur éphémère Maximilien, ou l’ambivalent président Porfirio Diaz, est magnifique, avec ses fenêtres versaillaises et ses jardins à la française. Surtout, le musée est exceptionnel ! Il retrace avec simplicité et concision tous les épisodes majeurs du pays depuis l’arrivée des Espagnols en 1517. Totalement absorbé, j’en oublie presque mes amies, mais les retrouve finalement dans le jardin où elles m’attendent en papotant.





Nous laissons Maggie et Isabel et partons pour une longue balade dans le très hipster quartier de Condesa. Là, de nombreuses échoppes rivalisent de style et de créativité, pour offrir aux résidents articles et mets de choix. Nous nous arrêtons chez « Ficelle », pâtisserie française aux étales alléchants…Nous achetons quelques douceurs pour notre dîner du soir : Marie, l’une des filles des meilleurs amis de mes parents, et son mari Marcos, nous ont convié chez eux ! Nous ne résistons pas à un Paris-Brest sur le pouce, puis repartons vers Roma Norte.


À la Galleria 37, où se bousculent stands d’artisanat local et boutique de créateurs, nous retrouvons Maggie et Isabel, en repérage pour trouver des marchandises à exposer dans leur salon de thé. Elles sont accompagnées d’un affectueux bouledogue français, qui bien vite me saute au visage. Cascade qui me projette au sol, et endommage à coup sûr les pâtisseries du soir…Mais Fulganco est si sympathique que je ne lui en tiens pas rigueur. Très bobo, l’endroit dispose (évidemment) d’un bar à bières artisanales, et nous goûtons ainsi à la « old fart », qui chiffre à 10,2 degrés et possède (contrairement à ce que son nom indique) un parfum riche et délicat. Excellent moment en belle compagnie, tant les filles dégagent une énergie solaire et bienveillante.

Nous atténuons les effets de la « old fart » par une promenade jusqu’au domicile de Marie et Marcos, à Condesa. Marie nous accueille avec chaleur dans son bel appartement. Sur l’écran de télévision défilent de superbes photos du Ghana, où le couple a vécu, ainsi que de leurs magnifiques jumelles. Marcos nous rejoint et je fais sa connaissance avec plaisir ! Nous nous donnons des nouvelles de nos familles respectives, puis le charmant couple nous raconte leur Mexique. Le repas est délicieux, les convives agréables, et je passe un merveilleux moment ! Il est déjà tard lorsque Marie et Marcos nous raccompagnent à la porte. Nous remercions nos hôtes et regagnons, à pied, nos foyers. En prenant bien soin de ne pas nous tromper, puisque nous avons dû changer à nouveau de crémerie…De retour chez Stefano, nous disposons cette fois d’une chambre à l’étage, moins agréable. Mais qu’importe, fatigués par les kilomètres engrangés, la « old fart » et l’excellent mescal de Marie, nous nous endormons bien vite, après une belle journée à Mexico City.

Samedi matin, Mexico. Aujourd’hui, c’est relâche. Le réveil est tardif, et la matinée est occupée à élaborer notre programme des prochains jours. Avant de mettre les voiles vers le Quintana Roo, après tant de journées passées à la ville, Arlette et moi avons des envies de nature. Nous décidons donc de partir le lendemain vers la ville voisine de Toluca, afin de faire l’ascension du volcan Nevado, et ses 4645 mètres d’altitude.
Ravi de cette trouvaille, nous prenons notre petit déjeuner dans un charmant café du coin. Arlette part ensuite pour une longue promenade en ville, quand je reste au café afin de travailler sur mon blog, qui accuse toujours un retard considérable. La connexion est bonne, le personnel adorable, et les clients souriants, je passe donc un agréable moment, revivant en prime les meilleurs heures de notre périple dans le Canyon du Cuivre. Il est déjà tard lorsque je rejoins Arlette chez Stefano.

Nous sortons nous balader dans le quartier, observant la faune cosmopolite des autochtones : hipsters, expatriés européens, riches locaux, marchants ambulants… L’offre de restaurant est nombreuse, nous optons pour une petite pizzeria dont les productions semblent de bonne facture. A peine installés, une mexicaine peroxydée d’une quarantaine d’année, au maquillage aguicheur, moulée à l’extrême dans sa minijupe fuchsia, et surtout passablement saoule, s’assoit près d’Arlette. Le peu de ses propos compréhensibles sont à la limite de la décence…D’abord sympathiques, nous tentons d’avoir une digne conversation. Mais la jeune femme, devenue fan d’Arlette, ne se décide pas à quitter la table. Mieux, elle veut absolument « jouer » avec nous. Lorsque nos pizzas arrivent, nous lui faisons comprendre qu’il est temps pour elle de nous quitter. Elle s’offusque, marmonne quelques paroles désobligeantes, récupère son sac, et son sac à puces, aboie sur la serveuse, manifestement habituée à son manège, et prend le volant de son imposant crossover. Un verre de vodka-redbull à la main…Abasourdis, nous la regardons s’éloigner, soulagés de son départ mais inquiets pour l’intégrité des automobilistes du quartier…

L’épisode passé, le dîner se déroule paisiblement. Sur le chemin du retour, au milieu d’une petite place, des « seniors » se sont réunis pour danser sur des rythmes rock des 60s. Les couples dégagent une formidable énergie, et font des envieux des nombreux jeunes qui les regardent avec admiration et respect. Une jeune twisteuse de 85 ans nous invite à rejoindre la piste, puis nous raconte avec orgueil que son partenaire a l’âge de son plus jeune fils. Nous nous couchons, heureux, avec les images de ce doux spectacle en tête, en attendant nos aventures du lendemain.

Je vous embrasse !
Julien
De beaux moments chaleureux semblent avec jalonné cette étape à Mexico, assurément une expérience différente à ta première visite ! 😘
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