Mercredi matin, Muyil. J’avais presque oublié les coqs. Ces gallinacés arrogants au chant disgracieux qui braillent quand ça leur chante, justement. Mais ceux des parages semblent mieux éduqués que les autres, et ont attendu le petit jour avant de s’époumoner. Nous sommes tout de même levés tôt, et commençons la journée par un bain d’eau fraîche dans le cenote. Un vrai bonheur, d’autant que les moustiques nous épargnent plus ou moins.

La tente pliée, nous nous attelons à une tâche à la fois simple et ardue : allumer un feu pour le café du matin. Les premières tentatives se soldent par des échecs, mais, combatifs, nous persévérons. Les mains expertes d’Arlette défient l’adversité et les flammes jaillissent enfin. Nous savourons notre café (nous avons laissé l’infâme à la maison Bayou) en regardant les oiseaux. Soudain, je repère un spécimen atterrir de façon étrange en haut d’un grand tronc, avant de se hisser par de petits sauts latéraux jusqu’à la cime. Les jumelles me confirment mon intuition : c’est un toucan ! Un aracari pour être précis, ces petits toucans à la poitrine bariolée et aux yeux cerclés de rouge. Superbe ! Deux autres individus rejoignent le premier, et nous les observons un moment, avant que le dernier ne disparaisse de son vol maladroit. Ces oiseaux à la fois grotesques et sublimes m’avaient manqué !

Nous quittons notre propriété, et marchons jusqu’au site Maya de Muyil, d’où un chemin part jusqu’à la Laguna du même nom, à travers la réserve. Le site, bien plus modeste que ceux de la région, vaut le détour. Les bâtiments sont superbement conservés, bordés de magnifiques arbres aux fleurs oranges, et immergés dans une épatante forêt.




Dans ces bois, nous faisons une nouvelle rencontre enchanteresse : Arlette repère une famille de motmot, ces oiseaux aux sourcils turquoises, avec ces plumes incroyables à l’extrémité de la queue. Je les chasse à travers les fourrés, à la recherche d’un cliché correct. Puis, derrière une jolie petite pyramide, nous empruntons le sentier qui s’engouffre dans la réserve.




La zone est marécageuse, nous entendons les grenouilles sans les voir, de gracieuses libellules bleues dansent à basse altitude, et de nombreux lézards s’agitent sous le tapis de feuilles. Une tour d’observation nous offre une fenêtre sur la lagune, et l’immensité verte de la réserve.




Au bout du chemin, nous sommes accueillis par une volée de papillons verts et noirs, ainsi que par quelques guides locaux vantant les mérites d’un tour de lancha sur la lagune. Jaime est sympathique, et convaincant. Nous négocions tout de même le prix, obtenant un insignifiant rabais, et sautons dans son embarcation. Le bateau chemine à travers la mangrove, et débouche dans une grande lagune aux couleurs changeantes. Arrivés dans un étroit canal, Jaime range sa barque le long d’un minuscule ponton, et nous invite à sauter à l’eau. Le courant se chargera de nous porter à notre destination, un autre ponton à un kilomètre en aval. Nos gilets positionnés en « couche maya », nous nous laissons délicieusement porter par les flots, jouant avec les branches que la mangrove met à notre disposition. Nous profitons pleinement de ce “roller coaster” en “slow motion”, alternant rires et contemplation.








Jaime nous attend au bout du canal, et nous parcourons à pied le chemin qui nous ramène à notre point de départ. La lancha rentre à bon port, et nous reprenons le sentier du marais, croisant au passage un étonnant serpent corail. Nous récupérons nos sacs laissés à l’entrée du site et nous postons sur le bord de la route, direction Tulum. Cinq minutes de stop suffisent à trouver un moyen de transport pour retourner à la ville. À l’arrière d’un pick-up, nous prenons le vent en regardant défiler la route.



Notre aimable chauffeur nous dépose devant la station de collectivos, et, sur un coup de tête, nous courrons pour attraper celui pour Punta Allen. Mais il est 16h37 et le van vient tout juste de quitter le dépôt…Et nous revoilà sur la grand rue, à chercher un café où définir la suite de nos aventures. C’est un restaurant végétarien qui fera l’affaire, cette fois-ci. La nourriture est bonne, et l’inspiration aussi. Nous décidons de retenter notre chance pour Punta Allen le lendemain. Et trouvons un hôtel tout près où se reposer, entre deux escapades en pleine nature. L’hôtel Luna Maya est très confortable, et bien situé. Après un repos salutaire, nous sortons dîner dans un restaurant de burgers prisé du centre ville. Satisfaits, nous ne résistons néanmoins pas au stand de crêpes qui nous fait de l’œil devant l’hôtel, et les dégustons de la terrasse, en regardant l’animation de la rue s’estomper doucement, avant de nous estomper nous-mêmes pour une bonne nuit de sommeil.

Jeudi matin, Tulum. Le collectivo pour Punta Allen ne part (supposément) qu’à 16h30, ce qui nous laisse une bonne partie de la journée pour vaquer à nos “obligations”. Mais une bonne journée commence par un petit déjeuner à rallonge, en l’occurrence fait de délicieux chilaquiles dans un joli café en face de l’hôtel. Je passe ensuite de longue heures sur le blog, pendant qu’Arlette se promène dans les rues de la ville. Vers 15h, nous sortons faire quelques courses en prévision du dîner du soir, et rejoignons la gare des collectivos. Partira ? Partira pas ? Nous attendons fébrilement, dans un suspense insoutenable. Et au terme de minutes haletantes, le van tout cabossé et son moustachu de chauffeur font leur apparition ! Nous partons pour Punta Allen ! La troisième tentative aura été la bonne. Notre pilote est une attraction à lui tout seul. Après nous avoir gratifié de la version latino de “My way” de sa voix de crooner, il bascule la bande sonore vers son téléphone. La playlist contient deux chansons, et le bouton “repeat” est activé. À la 17ème occurrence du “Yellow submarine”, Arlette et moi nous noyons dans nos larmes de rire tandis qu’aucun autre passager ne semble réaliser l’absurdité de la situation. Finalement, notre DJ se décide à se sevrer de ses chansons préférées, et des Beatles nous passons à Cat Stevens. Mais un album complet cette fois.

La route est épouvantable, pleine de trous, de bosses, et de mares. Mais, ballotés comme à l’avant d’un bateau en pleine tempête, nous parvenons tout de même à admirer le paysage, qui dévoile tantôt la Mer des Caraïbes, tantôt la lagune.


Quatre heures sont nécessaires pour effectuer les cinquante kilomètres de Tulum à Punta Allen. Il fait ainsi déjà nuit lorsque notre sémillant conducteur déverrouille, en manuel, les portes du collectivo. Il nous emmène dans un café situé sur la plage, et dans l’obscurité parvient à trouver le patron, occupé à regarder la finale du championnat de football mexicain. Celui-ci nous autorise à planter notre tente sur le sable devant son établissement, en échange d’une contribution modique. Contents de ne pas avoir à chercher de point de chute dans le noir, nous nous installons à l’abri de petits palmiers. Nous préparons un savoureux guacamole, que nous étalons sur du pain de campagne dégoté dans une boulangerie française de Tulum. Un bonheur ! La lune, pleine, inonde la mer de sa lumière blanche, et nous passons un long moment à l’admirer. Nous prenons place dans notre maison portative, et, bercés par le vent et les vagues, succombons bien vite au sommeil.

Je vous embrasse !
Julien