Vendredi matin, Punta Allen. Le vent a mis à l’épreuve cette brave tente Big Agnès. Et elle a prouvé son étanchéité. Nous laissant ainsi mariner dans la chaleur moite de la nuit. Celle-ci a donc été perturbée, mais quelle joie de se réveiller sur la plage, face à la mer ! Arlette part faire un peu d’exercice, alors que je me rendors, afin de combler un léger manque de sommeil. Nous déjeunons assis face à la Mer des Caraïbes, que le soleil montant pare d’un magnifique dégradé de bleu.

Alors que nous terminons nos jus d’ananas frais, un drôle de petit bonhomme, casquette bleue et pommettes saillantes, nous propose un tour en lancha, entre mer et lagune. Un couple de jeunes mexicains est déjà partant et recherche des volontaires afin d’adoucir le coût. Nous n’hésitons pas, et rejoignons les deux tourtereaux sur le chemin qui mène à l’embarcadère, au milieu de la mangrove. Le capitaine Antonio nous briefe sur le programme des prochaines heures : observation des dauphins, chasse (visuelle) à la tortue, snorkeling le long de la petite barrière de corail, et baignade dans une “piscine naturelle”. Alléchant…Nous slalomons dans la mangrove, avant de déboucher dans une grande lagune, séparée de la mer pas une frontière invisible. Comme s’ils avaient été prévenus de notre arrivée, cinq dauphins nous attendent, puis dansent joyeusement autour de l’embarcation. Nous sommes les seuls bipèdes à des kilomètres à la ronde, et profitons ainsi du spectacle en toute sérénité, pendant une trentaine de minutes.





Nous laissons nos amis cétacés, et nous rapprochons de la barrière de corail pour y guetter les tortues. Celles-ci se font d’avantage désirer, mais nous finissons par en croiser un imposant spécimen, qui glisse longtemps entre deux eaux avant de hisser sa petite tête hors des flots. Le temps d’un coup d’œil, et d’un cliché, et la bête sonde à nouveau. J’aime ces dames des océans, dont l’élégante langueur a des vertus presque thérapeutiques…



Il est temps de se jeter à l’eau. Ici, dans une mer peu profonde, le corail forme de petites grappes posées sur un lit de sable blanc. Nous “sautons” de l’une à l’autre, observons quelques jolis poissons tropicaux malgré la visibilité limitée. Antonio nous appelle, mais, flottant confortablement dans ces eaux chaudes, nous ignorons son appel afin de profiter du moment quelques minutes encore. D’autres lanchas font leur apparition, contents d’avoir une nouvelle fois profité des lieux quasiment seuls, nous rejoignons la barque et voguons vers l’ultime étape de l’excursion.

La “piscine naturelle” n’est autre qu’une baie protégée des courants, aux allures paradisiaques. Sable blanc, eau turquoise, immergés jusqu’à la taille, nous barbotons une belle demi-heure au cœur de cette carte postale, les yeux rivés sur cette mer étonnante dont les nuages font varier les couleurs.


Il est temps de rentrer au bercail. Antonio nous offre tout de même un détour pour observer un prodigieux nid de hérons tigres. La scène est époustouflante ! Maman héron, un énorme poisson dans son bec, nourrit deux gros poussins à l’improbable toison bigarrée. Émouvant !



Des images sublimes plein la tête, nous regagnons le village, puis partons à la découverte des environs. Une jolie marche, sur un chemin de terre entouré de végétation luxuriante longeant la mer, nous porte jusqu’au phare, à la pointe septentrionale de la presque-île. La chaleur, l’humidité, et les paquets d’algues brunes qui s’agglutinent sur le sable donnent à la forêt une odeur aigre, presque entêtante. Et les moustiques sont légion, et attaquent le moindre centimètre carré de peau non badigeonné de repellent. Mais les merles mélodieux, moucheroles ou autres iguanes, ainsi que la flore tropicale, rendent la balade fort agréable.



Alors que nous sondons la plage à la recherche d’un éventuel emplacement pour notre tente, nous croisons Chaouk. L’homme, la cinquantaine, machette à la main, entretient le domaine d’une riche famille de Cozumel. Constitution robuste, front maya, et regard rempli de bonté, Chaouk nous indique un bel endroit à la frange de la propriété, qui ferait un admirable coin de paradis pour notre maison ambulante. Curieux, et affable, Chaouk, de sa machette cueille deux belles noix de coco, et nous les prépare habilement. L’eau du fruit rafraîchit et réhydrate nos corps suants, et la saveur si particulière de la coco enchante nos papilles. Une nuée de taons met fin à ce joli moment. Et aussi à nos idées de déménagement. Nous sommes très bien dans notre quartier actuel. Nous remercions notre si gentil hôte, et regagnons justement notre palace, après quelques emplettes à la Tienda Azul. Nous dînons de guacamole, bien sûr, mais aussi d’une très gourmet salade de saison, accompagnées d’un vin fin bu dans des boites de maïs. Et face à la mer. Un vrai régal ! Nous contemplons le ciel étoilé, retrouvant dans les quelques nuages les figures animales observées ce jour. Loin de tout, en pleine nature, seuls sur notre plage privée, nous trouvons sans mal le sommeil.

Samedi matin, Punta Allen. Le réveil est matinal. La nuit a été chaude, à nouveau. Mais la vue du soleil qui s’élève au-dessus de la mer suffit à compenser le manque de sommeil. Pleins d’énergie, Arlette et moi partons courir, chacun de son côté. Après avoir constaté que le nord de la plage n’a pas grand chose à offrir, je repars vers le sud, et gagne le phare, au petit trot. Je poursuis ma course à travers les “rues” de terre cabossées du pueblo, sautant entres les flaques d’eau formées par les pluies abondantes du début de semaine. Un large ponton offre l’endroit parfait pour une séance d’étirements, face à la mer. Heureux de ce premier footing depuis La Paz, je rejoins Arlette sur la terrasse de notre maison, et nous petit-déjeunons en échangeant sur nos découvertes de la matinée.


La jeune femme a trouvé un chemin perdu menant à un cabane abandonnée surplombant la lagune, en plein milieu de la mangrove. Curieux, je lui demande de m’y accompagner. Nous nous mettons en route, et en hâte. À tel point que nous oublions la lotion anti-moustiques. Grave erreur à cette heure de la journée…Les sales petites bestioles me dévorent bras et jambes, mais, vaillant, je suis Arlette à travers la garrigue, sur des pontons de fortune brinquebalants au-dessus des marais, jusqu’à une magnifique cabane de bois ouverte au vent. En haut d’un petit escalier ne disposant plus que d’une marche sur deux, une petite plateforme carrée abritée d’un toit de paille aux multiples trous. Mais le plancher semble résister au temps, et la vue sur la lagune est magnifique. Nul autre bruit que le clapotis de l’eau sur les branches entremêlées de la mangrove, et le chant des oiseaux, bien sûr. Nous décidons d’y passer l’après-midi, mais pas avant d’avoir fait le plein de vivres et de répulsif. Nous rebroussons donc chemin, affrontons les suceurs de sang, effrayons au passage un gros raton-laveur, et dévalisons les étales déjà clairsemées de la Tienda Azul.

Nous sommes bien vite de retour à notre « sea house » comme nous baptisons, afin de ne pas la confondre avec notre résidence principale, restée sur la plage. De notre terrasse ombragée, j’alterne sieste, écriture et lecture, et le temps s’écoule délicieusement. Le soir tombe sur la lagune, il est temps de rentrer à la ville. Le pueblo est aussi calme qu’à l’accoutumée, mais nous trouvons tout de même un restaurant ouvert tout prêt du ponton où j’ai terminé ma course ce matin. Le poisson est frais, nous savourons l’atmosphère de bout du monde de notre petit paradis. Notre tente nous attend sagement là où nous l’avions laissée, et nous prenons place sur notre « banc », un tronc d’arbre aplati par les ans, pour contempler les étoiles. Deux jours que nous sommes là et cet endroit magique nous est déjà familier. Malins, et confiants sur la météo (la pluie semble nous accorder un répit depuis quelques jours), nous ôtons la sur-tente afin de respirer un peu mieux. Il fait bon à Punta Allen et la nuit s’annonce douce.


Dimanche matin, Punta Allen. Rythme caribéen aujourd’hui. Je me lève longtemps après le lever du soleil, puis peine à trouver du wifi pour appeler maman, en ce jour de fête des mères. La connexion est bien faible, mais je parviens tout de même à échanger quelques mots avec elle. Nous petit-déjeunons de fruits frais, en contemplant le large. Nous passons à la Tienda Azul, où nous faisons désormais office d’habitués, et marchons vers notre résidence secondaire pour y passer un après-midi paresseux. L’endroit est aussi beau et calme que la veille. Entre deux bains dans la lagune, j’écris, dors, puis lis, dans une réplique fidèle de l’après-midi précédente. Nous quitterons cette pépite de Punta Allen demain matin, nous profitons donc de ce cadre exceptionnel sans culpabilité jusqu’à la venue du soir.


Avec un brin de nostalgie, nous laissons notre sea house aux aléas du temps, et regagnons la plage. La Tienda Azul nous livre ses derniers articles pour un ultime dîner sous le ciel de Punta Allen. La lune, clémente, attend notre coucher avant d’éclairer la nuit, nous laissant admirer encore une fois les étoiles, assis sur notre banc. Le vent souffle, augurant une belle nuit sous la tente. Demain, nous retrouverons le confort de la civilisation, après un délicieux séjour hors de tout, dans notre bulle caribéenne.

Je vous embrasse !
Julien