Dimanche matin, Tziscao. Il ne pleut pas. Sur la surface du lac se reflètent les nuages d’un ciel gris mais troué de taches bleues. De bonne augure donc pour la journée à venir. Nous petit-déjeunons en regardant le temps s’éclaircir au-dessus des collines de pins verts. En fin de matinée, il fait presque beau, et nous quittons donc les Cabañas Junkopal pour rejoindre, à pieds, le lac Pojol.

Là, nous empruntons le magnifique sentier qui s’élève sur la colline escarpée qui sépare le Pojol des Cinco Lagos, et offre de si belles perspectives sur les deux sublimes lacs. Nous arrivons sans mal au premier point de vue, d’où l’on peut admirer le Pojol, et la minuscule île paradisiaque qui flotte en son milieu. Le ciel s’est assombri, mais les couleurs, tenaces, résistent à la grisaille. De surprenants lézards à la queue turquoise nous tiennent compagnie pour ce joli moment contemplatif.







Nous poursuivons notre chemin, tentant de repérer les oiseaux qui chantent dans la forêt. Mais bien vite le tonnerre gronde, et quelques gouttes de pluie commencent à tomber. Avec un peu de chance, l’orage nous épargnera. Optimistes, nous continuons notre ascension vers les miradors des Cinco Lagos. Mais la pluie redouble d’intensité, et les éclairs sont désormais tout proches. Soudain l’orage est sur nous. Des trombes d’eau s’abattent à travers la canopée, et en un clin d’œil nous voilà trempés, de la tête aux pieds. Nous parvenons tant bien que mal au sommet de la colline, qui offre une vue superbe, et apocalyptique sur le lac en étoile. Les éclairs déchirent le ciel et la pluie forme un rideau lourd ondulant au gré du vent. La tempête donne une texture épaisse aux eaux désormais noires du lac. Sensationnel !
Mais nous sommes à découvert et surexposés à la foudre. En outre, aucun abri ne nous attend sur la suite du sentier. Nous prenons donc la sage décision de rebrousser chemin. La route est longue jusqu’à la cabane du garde qui marque le début de la randonnée. Le sympathique jeune homme nous regarde arriver avec un regard à la fois désolé et amusé. Et bien sûr, la pluie cesse à l’instant où nous parvenons à nous mettre à l’abri sous son porche…Il nous appelle une moto taxi, à l’arrière de laquelle nous nous blottissons, les muscles tendus par le froid. Une vingtaine de minutes suffisent à nous ramener chez nous, et une douche chaude fait le nécessaire pour effacer les marques laissées par l’orage. Une petite sieste achève de nous remettre sur pied, et nous voilà de nouveau trottinant sur la route de terre qui longe le lac Tziscao, prenant soin d’éviter les colossales flaques d’eau. Nous cheminons jusqu’au fameux « Lago Internacional » qui marque la frontière avec le Guatemala. Nous la franchissons le temps d’une photo, et, affamés par les émotions de la journée, nous nous asseyons dans le seul restaurant ouvert des environs.

Vide, l’endroit laisse à désirer : sous un toit de tôle, quelques tables en plastique disposées aléatoirement arborent des toiles cirées du siècle dernier. Dans la cuisine, une demi-douzaine de jeunes gens sont affairés à ne rien faire. L’un d’eux nous confirme tout de même que le restaurant est ouvert, sans pour autant prendre la peine de nous installer. Nous prenons place à l’une des tables, et attendons cinq bonnes minutes qu’une autre jeune femme nous apporte les menus. Une troisième larronne vient prendre la commande, alors que dehors la pluie recommence à tomber sur la tôle, dans un bruit assourdissant. Vingt minutes plus tard, nos boissons ne sont toujours pas arrivées. Arlette, quelque peu échaudée par le service déplorable, se lève et prend nos Coronas directement dans le frigo. Nous les sirotons en attendant nos plats, en silence puisque le vacarme de l’orage interdit toute conversation. Une éternité plus tard, une quatrième jeune femme apporte nos assiettes, sans un mot d’excuse, ou d’explication. La pluie se calme, et nous demandons l’addition séance tenante, afin de profiter de cette fenêtre pour rejoindre notre cabane. Mais une énième jeune fille au regard aussi vide que ses collègues disparaît dans l’arrière boutique sans jamais réapparaître. Il nous faut nous lever et chasser notre note pour enfin l’obtenir, d’une autre imbécile heureuse. Surréaliste ! Nous rions tout de même, sous la pluie, de ce dîner « camera cachée ». Nous n’étions pas loin de perdre notre sang froid…

Il n’est que 19h lorsque nous atteignons notre chambre, un peu tôt pour se coucher. Alors, pour la première fois depuis des mois, nous regardons un film, devant lequel nous nous endormons vite, rincés par cette diluvienne journée.
Lundi matin, Cabañas Junkopal. La météo n’est pas réjouissante pour les jours à venir. Nous décidons ainsi de couper court à notre séjour aux Lagos de Montebello et de rejoindre Comitan dans la journée. Je suis un peu triste qu’Arlette n’ai pas pu découvrir ces joyaux du Chiapas sous une lumière plus clémente, mais quelques images marquantes (notamment les Cinco Lagos sous le déluge) ont tout de même éclairé son court séjour ici.

Avant de mettre le cap sur la ville, nous faisons étape entre les lagunes Esmeralda et Encantada, à l’autre bout du parc des Lagos de Montebello. Nous laissons nos bardas à une charmante dame à l’abri du « comedor », grand préau où se succèdent les stands de street food, et descendons le petit sentier menant aux deux lacs. Dans les conifères s’ébattent des orioles d’un jaune flamboyant, touches de couleurs vives dans un paysage beau mais terne. Sans lumière, les lagunes restent comme éteintes.



Nous déjeunons sous le comedor, d’un plat de fromage fondu au chorizo, en conversant avec les adorables restauratrices, curieuses et en manque de clients. Le collectivo nous prend après le café, et nous dépose dans l’après-midi dans la charmante ville de Comitan, à une centaine de kilomètres au sud de San Cristobal. Nous déposons nos affaires à l’hôtel et improvisons une petite balade dans les rues de la cité coloniale. La place centrale est jolie, et les quelques églises des environs ont fière allure.


Nous passons un moment à préparer notre arrivée à San Cristobal le lendemain, puis nous mettons en quête d’un restaurant pour goûter à la fameuse gastronomie comiteca. Le Ta Bonitio est une institution dans la région, et il n’a clairement pas usurpé sa réputation ! Nous y passons une délicieuse soirée, et j’y fais sans doute l’un des tous meilleurs repas de mon voyage. La nourriture est exceptionnelle, la bière artisanale savoureuse, le service excellent et la salle superbe. Nous faisons durer notre plaisir en goûtant aux audacieux desserts maison. Un pur régal ! Heureux, nous regagnons notre petit hôtel, ravis d’avoir fait ici une chouette et gourmande escale.

Mardi matin, Comitan. Jour de match. La France fait son entrée en lice dans l’Euro 2020 (ou 2021 on ne sait plus trop) contre l’ogre germanique. Une rencontre à ne manquer sous aucun prétexte pour Arlette et moi ! La jeune femme n’est pas véritablement férue de ballon rond, mais accepte avec joie de supporter l’Allemagne quand je soutiendrai mes chers bleus à ses côtés. Le match est à 14h, ce qui nous laisse le temps de petit-déjeuner sur le Zocalo, de nous rendre à un musée fermé, et de chercher un lieu où voir le match. Contre toute attente, ceci s’avère une mission (presque) impossible. Nous parcourons les rues de la ville en tout sens, sans parvenir à trouver un bar disposant de la chaîne « Sky Sport 510 ». De retour à l’hôtel, je m’affaire pour trouver une solution « informatique » à mon éminent problème. Une joyeuse interruption met en stand-by mes recherches : un call familial avec en « guest star » ma tante Sylvie en visite en France (Sylvie habite dans le Colorado). J’en profite pour glaner de précieux conseils auprès de ma tante aventurière pour notre voyage imminent au Guatemala.

Reboosté par ce coup de fil au pays, je trouve enfin le moyen de capter le match sur mon iPad, juste à temps pour les hymnes nationaux. Arlette me rejoint en fin de Marseillaise et c’est parti pour une fabuleuse partie de football. Pogba est étincelant, et une équipe de France guerrière et inspirée l’emporte à l’issue d’un match à haute intensité. Arlette est bonne joueuse et aucun incident diplomatique n’est a déplorer a l’issue du match. Je suis content de ressentir à nouveau l’adrénaline des grandes compétitions !
Nous grimpons dans un collectivo plein comme un œuf, et arrivons deux heures plus tard à San Cristobal, où nous établirons notre base avant de rejoindre le Guatemala. En ce début de soirée, la rue Réal de Guadalupe, centre touristique de la cité, donne à la ville une image différente de mon souvenir. Pleine de monde, d’étrangers surtout, la rue a des faux airs de Tulum, loin de l’authenticité qui m’avait fait tomber sous son charme. Mais les jolies maisons coloniales et les petites échoppes vendant café et cacao sont toujours là, et la fraîcheur montagnarde aussi. L’accueil dans notre Airbnb est lui aussi plutôt frisquet, mais la maison et la chambre, sans être chaleureuses, sont confortables. Fatigués, nous trouvons une paire d’avocats dans l’un des rares stands encore ouvert du marché, et dînons frugalement d’un guacamole accompagné de pain de l’une des boulangeries françaises de la ville. La soirée s’achève bien vite, demain, il faudra être frais pour préparer notre départ prochain au pays des volcans…
Je vous embrasse !
Julien