Lundi matin, Antigua. La matinée est paresseuse. Installés sur la terrasse, nous bavardons avec les habitants de la maison, un couple d’Australiens vivant au Mexique, et un couple d’anglais en voyage au long cours. La britannique semble sortie d’un film de Ken Loach, avec son incompréhensible accent de Liverpool. Nos colocataires nous quittent en fin de matinée, nous profitons du calme pour discuter du programme des prochains jours. Puis nous saluons Irving et laissons nous aussi la Maison Bougainvillea.
Nous nous installerons pour deux jours à la Yellow House, chaudement recommandée par Julie et Aurélien, mais pleine jusqu’à aujourd’hui. Néanmoins nous trouvons porte close. Il est 13h30 et il est vrai que beaucoup d’hostels ne proposent le check-in qu’à partir de 15h. Nous poussons donc une rue plus loin vers les ruines d’un immense couvent. Nous laissons nos sacs à l’entrée et nous lançons à l’assaut de cet étrange arène. Le bâtiment, magnifique, dévasté depuis une série de tremblements de terre au XVIIIème siècle, a été laissé en l’état. Entre scène de guerre et théâtre antique, la ballade au milieu des colonnes effondrées transporte dans une autre dimension. Et puis, quel formidable terrain d’escalade ! Je m’efforce de suivre Arlette qui gambade sur les arrêtes en surplomb des patios. La vue d’en haut est superbe !






Après avoir exploré les moindres recoins du couvent, qui ferait un remarquable stade de paintball, nous rejoignons la Yellow House. Mais l’endroit est toujours aussi silencieux…Une enquête de voisinage nous indique que l’auberge est fermée depuis plusieurs mois. Il aurait été sans doute judicieux de fermer également les réservations sur booking. Quels blagueurs ces guatémaltèques ! Nous buvons un mauvais jus de fruit dans un café avec wifi, réservons un nouvel établissement, et nous rendons ainsi à la Casa Rustica, tout proche du Zocalo. La chambre est minuscule mais sympathique, et nous y passons un moment, à trier les photos de notre excursion volcanique. Nous dînons d’une pizza honorable dans un restaurant aux nappes à carreaux rouges et blancs. Les photos du Vésuve nous renvoient au sommet de l’Acatenango, alors que demain nous attend l’ascension d’un autre volcan. À nous le Pacaya et ses coulées de lave !
Mardi matin, Casa Rustica. Défi du jour : siroter une bière artisanale devant Italie – Espagne après avoir gravi le sommet du Pacaya. J’ai fait mes calculs : le rendez-vous est fixé à 6h, il y a une heure de route vers le point de départ de la randonnée, une heure et demi de marche jusqu’au sommet. En comptant une heure sur place, un autre pour la descente, et une dernière pour gagner Antigua, nous devrions être à l’heure pour la demi-finale de l’Euro, à 13h. Le bus est ponctuel. Et nos compagnons d’échappée se résument à trois israéliens qui semblent tenir une forme décente. Jusqu’ici tout va bien. Les ennuis commencent à la sortie de la ville. Des embouteillages monstres menacent sérieusement nos chances de succès.

Et nous arrivons à…9h30 au pied du volcan, je m’assois donc sur mes velléités footballistiques, et entame l’ascension. Le temps est plutôt dégagé, et du premier mirador on voit l’immense coulée de lave résultant de la dernière éruption massive il y a à peine deux mois.

Les nuages recouvrent ensuite peu à peu la vallée, puis la montagne toute entière. À l’approche du sommet, nous cheminons donc dans le brouillard à travers les pentes de sable noir, où de jeunes pousses telles le phénix renaissent de leur cendres. Nous tombons sur l’amont de la coulée de lave aperçue en contrebas, droit sortie de la bouche du volcan. Le sommet conique du Pacaya apparaît d’ailleurs alors que le voile nuageux s’estompe. On distingue la fissure par laquelle la lave s’est écoulée lors de la dernière éruption. Au delà de la coulée, la forêt de pins semble avoir survécu comme si de rien n’était, et le vert des arbres tranche élégamment avec le noir des roches volcaniques poreuses.


Au milieu de cette plaine désolée, un drôle de type sous un parasol fait chauffer des pizzas au-dessus d’un trou au milieu des pierres. Lunaire…Nous nous aventurons nous aussi au cœur de la coulée, pour constater que sous nos pieds, le sol est tiède. Notre guide cherche une source de chaleur, la trouve, écarte des mains quelques gros cailloux, puis sort de son sac à dos bâtons de bois et marshmallows. Nous laissons les israéliens en cuisine, et Arlette part en exploration tandis que j’essaye de capturer ce paysage d’une beauté presque absurde sur quelques clichés.


Nous nous retrouvons autour du “feu” pour déguster les guimauves caramélisées, et profiter en silence de cet étonnant paysage. Puis notre guide donne le signal du départ, et je regarde l’heure, sans arrière pensée. 11h15. C’est jouable ! Alors que le match m’était totalement sorti de la tête, il entre à nouveau dans le champs des possibles et s’infiltre dans mon cerveau comme un obsession. Je guide la troupe vers le parking, imprimant une cadence rythmée mais modérée, pour éviter tout risque de décrochage. 12h, nous grimpons dans le bus. Nous sommes toujours en course pour assister au coup d’envoi ! Mais le trafic n’est pas fluide, de gros camions bouchent la voie unique, et, malgré les dépassements irresponsables du chauffeur, notre allure moyenne ne nous permettra pas de voir les hymnes. L’enjeu s’adapte aux circonstances : il s’agit désormais de voir la seconde mi-temps. Le van nous dépose dans le centre d’Antigua à 13h33. Nous atteignons le bar à 13h38, et, à la 35eme minute de jeu, pas le moindre but n’a été marqué. En riant de cette course folle, Arlette et moi commandons deux IPA, et deux gros hamburgers, affamés que nous sommes (nous n’avons rien avalé de la journée !). L’Italie, pourtant joueuse depuis le début du tournoi, abandonne le ballon aux Espagnols, avant de revenir aux fondamentaux culturels du catenaccio, tenant bon jusqu’à l’issue de la prolongation. Les tirs aux buts désignent les transalpins vainqueurs, pour mon plus grand plaisir !

Satisfaits, nous rentrons à la Casa Rustica afin de plancher sur l’organisation des prochains jours. Fatigués, et sans grand appétit, nous hésitons à faire l’impasse sur le dîner, mais décidons finalement de sortir souper dans un restaurant végétarien tout proche. Erreur magistrale. La nourriture a un goût de germes fermentés et se marrie mal avec les burgers dans nos tubes digestifs. Ballonnés, nous regagnons l’hôtel, heureux de nous allonger après cette drôle et pleine journée !
Mercredi matin, Antigua. Nuit difficile. Pour la première fois de mon voyage, mon estomac fait des siennes. Faible, et indisposé, je me convaincs néanmoins que ça va passer, et nous partons petit-déjeuner dans un joli café du centre. La méthode Coué semble fonctionner, et nous passons un agréable moment dans le joli jardin de l’établissement. Je laisse ensuite Arlette s’adonner à ces longues promenades au hasard des rues de la ville qu’elle affectionne particulièrement, et je me rends à la banque pour changer mes pesos mexicains en quetzals guatémaltèques. Une expérience intéressante. Il me faut 40 minutes, deux questionnaires et trois guichets différents pour obtenir les convoitées devises. Je sors de la Banca Azteca juste à temps pour la seconde demi-finale de l’Euro 2020 qui oppose l’Angleterre aux surprenants Danois. Arlette me rejoint, et regarde avec moi une équipe anglaise solide mais peu inspirée battre un Danemark combatif sur un penalty litigieux dans les dernières minutes de la prolongation. Italie – Angleterre, voilà qui fait une belle affiche pour la finale !

À l’issue du match, nous reprenons chacun de son côté nos pérégrinations. Mais la ballade tourne court. La pluie commence à tomber, et mon estomac fait des loopings. Je rentre donc à l’hôtel et m’installe dans le lobby, où je passe un long moment à écrire, avant d’aller m’allonger, patraque. Arlette me trouve ainsi peu vaillant, et se meut en garde malade. Elle prépare thé et riz blanc, que nous savourons en rigolant dans la cuisine aux allures de cantine scolaire de l’hôtel. Nous bavardons un moment avec Elsa, jeune maman française qui voyage avec sa fille de cinq ans, puis rendons les armes à 21h, nous abandonnant à un sommeil que j’espère réparateur…
Je vous embrasse !
Julien