Dimanche matin, Llactapacta. Quel réveil ! Arlette pousse les rideaux, laissant apparaître le Machu Picchu, toujours en équilibre stable sur son arrête. Les nuages se dissipent alors que nous petit-déjeunons, découvrant ainsi une multitude de montagnes qui découpent l’horizon en autant de vertes tranches. Le spectacle est si beau que nous ne parvenons qu’à grand peine à nous mettre en route. Arlette en particulier rechigne à quitter cet Éden, fascinée par l’écrin splendide qui entoure le Machu Picchu. Mais nous avons de longues heures de marches devant nous, et il nous faut partir.


La descente vers la rivière est aisée et ludique, cherchant des yeux à chaque virage le Salkantay, qui finit par se dérober complètement à l’approche du rio. Arlette, gênée par des douleurs aux pieds et aux hanches, suit néanmoins sans la moindre plainte, vaillante comme à son habitude.


Nous longeons la rivière jusqu’à l’étrange hameau de Hydroelectrica. Au pied d’une centrale hydroélectrique donc, le patelin est traversé par la lucrative voie de chemin de fer qui relie Cusco au Machu Picchu, unique moyen « motorisé » de rejoindre Aguas Calientes, étape obligée pour qui veut visiter la cité inca.


La route s’achève également ici, obligeant les courageux ayant fait les six heures de trajet depuis Cusco à parcourir les derniers 12 km en train (fort coûteux), où à pied, le long de la voie ferrée. Nous prenons pour notre part le sentier qui longe cette dernière, non sans admirer au passage les magnifiques tanagers à col bleu et autres colibris qui virevoltent dans les arbres attenants à la gare. Le début du parcours est ainsi ponctué de nombreuses pauses, à la recherche des oiseaux innombrables qui jalonnent le trajet. Notamment les fameux parakeets, survoltés, qui survolent la vallée par dizaines, sans jamais se laisser admirer…

Nous progressons ainsi très lentement, et la route semble interminable, d’autant que les douleurs d’Arlette lui valent une légère baisse de régime. Mais nous parvenons tout de même à Aguas Calientes en début d’après-midi. Le village, construit comme un dortoir à touristes, est moins oppressant que dans mon souvenir. La fréquentation modérée y est sans doute pour beaucoup. Nous nous remettons de nos efforts en déjeunant d’un sandwich trop gras, puis trouvons en hâte un hôtel pour la nuit. Après une courte sieste, nous nous rendons dans un bar à bière pour le dîner. Celle-ci n’est pas formidable, mais la nourriture est honorable et le personnel adorable. Toute trace de lassitude a disparu, et nous revenons avec enthousiasme sur les fantastiques quatre jours qui nous ont mené jusqu’ici ! Demain, l’ultime étape de notre trek nous verra grimper jusqu’au Machu Picchu, la mystérieuse et si belle cité prisée de Pachacuti, l’un des tous derniers incas…

Lundi matin, Aguas Calientes. Une vie semble nous séparer du jour où nous avons pris nos billets pour le Machu Picchu, au bord de la piscine de l’Oasis Ecolodge, au cœur du Canyon de Colca. Après le Chachani, le lac Titicaca et la (re)découverte de Cusco, nous voici pourtant au pied de la « vieille montagne » sacrée. Il est 6h, et un génial motmot dans sa version andine nous salut sur le chemin des ruines.

Nous entamons l’ascension, sur un sentier en escalier qui grimpe entre les arbres, coupé à intervalles irréguliers par la route qui achemine les touristes vers le site. Andean guans et slate-throated redstarts enchantent notre progression vers les portes du Machu Picchu.



Nos billets sont valables à partir de 8h, nous attendons ainsi sagement notre tour, dans un calme qui contraste massivement avec la cohue des centaines de visiteurs faisant la queue lors de ma première venue. Nous ne partagerons ainsi le site qu’avec un petit groupe de privilégiés, quelle aubaine ! De quoi compenser largement la déception de ne pouvoir gravir le Huayna Picchu, fermé pour cause de pandémie.

La cité inca est toujours aussi spectaculaire ! Encore d’avantage peut-être, sans la foule qui noircissaient jadis ses petites ruelles de pierre. Trésor d’architecture et d’ingéniosité, la ville est organisée en quartiers, agricole, industriel, politique et religieux. Tout semble avoir été pensé avec une minutie extrême, dans un double soucis utilitaire et esthétique.



Je suis à nouveau frappé par la beauté de la verte enveloppe qui entoure la ville. À l’ouest, on voit poindre au loin les monts enneigés du Saksarayuq, Chukitakarpu, et Chawpimayu, alors qu’au premier plan on devine les toits du Llactapacta Lodge d’où nous admirions la cité hier matin.



À notre rythme, lent et contemplatif, nous flânons dans les allées étroites de la ville oubliée, d’un temple à l’autre, imaginant des notables richement parés inspectant les cultures en terrasse avant de présider une cérémonie au temple du soleil. Quelle chance nous avons de profiter du site dans une telle quiétude !



Rassasiés des beautés du Machu Picchu après plus de 2h30 de ballade, nous redescendons tranquillement vers Aguas Calientes. Sur le chemin de l’hôtel, nous croisons Vlyn et Domi, qui nous tombent presque dans les bras. Nous faisons un ultime brin de causette avec ses si sympathiques jeunes gens, avant qu’ils ne grimpent dans le bus qui les mènera à leur tour vers la merveilleuse cité.

Nous récupérons nos bardas et nous octroyons un déjeuner léger dans un café français avant de reprendre le chemin d’Hydroelectrica. Nous sommes en forme aujourd’hui, et y parvenons en deux petites heures. Nous prenons cependant le soin de jeter quelques coups d’œil prolongés sur le Machu Picchu, vu du fond de la vallée cette fois-ci.



Le trajet jusqu’à Cusco s’annonce laborieux : deux ou trois collectivos successifs pour atteindre la ville. Mais, chanceux, nous trouvons deux places libres dans un combi affrété par un tour opérateur, et le chauffeur accepte de nous prendre à bord pour une somme raisonnable. Après six heures d’une route tortueuse, nous sommes de retour dans notre petit appartement. Il est déjà tard, nous improvisions un dîner léger, prenant le temps de revenir sur notre magnifique périple, savourant chaque souvenir avant de songer à nos prochaines aventures…
Je vous embrasse !
Julien