Samedi matin, Utah. Quelle lumière ! Il fait un temps splendide, le soleil irradie peu à peu notre campement, le ciel bleu redonne au paysage ses contrastes habituels.


Après un petit déjeuner fait d’œufs « over-easy », nous laissons le camp et prenons la voiture vers l’entrée du Little White Horse Canyon. La randonnée du jour consiste à remonter le canyon jusqu’à la « crête » du swell, avant de redescendre par le Bell Canyon. Tout un programme ! Nous nous engageons dans le lit asséché d’une rivière. Quelques arbres éparses y ont vu passer un nombre infini de « flashfloods », ces torrents qui dévalent sans prévenir avec une violence inouïe lors d’importantes chutes de pluie. Autour, les hautes parois de pierre façonnées par les ans sont presque roses.

Le lit se rétrécit, puis les murs se rapprochent, jusqu’à se toiser l’un l’autre, à 1m50 de distance. Bienvenus dans les « narrows » ! Pendant près de deux heures, nous progressons dans ces étonnants tunnels à ciel ouvert, au milieu de roches creusées, striées, pliées, traumatisées par les fulgurances de la nature. Par endroit, de grosses flaques, vestiges des pluies des derniers jours, entravent notre avancée. Sylvie glisse dans l’un de ces puits miniatures, et peste gentiment, de l’eau jusqu’au genoux. Prévoyante, elle enfile une paire de chaussons secs, mais le peu d’adhérence des semelles rend la marche sportive…Le passage, ludique et fantastique, m’enchante !





Nous finissons par déboucher dans une chambre plus large, idéale pour une courte halte. Arnaud en profite pour nous raconter l’histoire de ces lieux si particuliers. Fascinant ! Et quelle chance pour moi de découvrir la région avec un guide hors pair et une épatante aventurière !








Arrivés aux débuts du canyon, nous nous arrêtons pour déjeuner à l’ombre d’un arbre chétif, assis sur une pierre lisse et friable. Sur la crête du swell, le panorama s’ouvre sur un paysage extraordinaire : mesas en pagaille, et formations majestueuses, cathédrales du désert.
















Le Bell Canyon offre son lot de merveilles, notamment la portion de « narrows », moins étroite mais aux parois richement sculptées.






Revenus au parking, il me faut un moment pour digérer cette incroyable trek. J’ai rêvé de cet endroit pendant des années, et voilà que la réalité dépasse mes fantasmes. Après tant de découvertes magiques pendant une exceptionnelle année à bourlinguer aux quatre coins de l’Amérique Latine, l’Utah s’avère un sensationnel bouquet final !


Nous faisons le plein d’eau et de bois au « visitors centre » de Gobelin Valley, et regagnons le camp, où nos tentes nous attendent gentiment. Je m’offre un court instant de repos, en attendant l’apéro. Nous dégustons nos manhattans devant un magistral couché de soleil. Le ciel s’emplit de lueurs mauves qui tapissent inégalement l’horizon. On en verserait presque une larme.




Nous revoilà devant le feu, à regarder les étoiles, en écoutant le folk naturaliste de John Denver. Les étoiles sont à nouveau de sortie. Sous leur maigre lumière, nous parlons de la vie, enivrés des grands espaces qui nous entourent. Conscients de vivre un moment d’une rare intensité, nous nous accrochons à la nuit. Lorsque, la tête basculée en arrière, les constellations s’impriment sur mes paupières, je rejoins ma tente, laissant Arnaud tenter d’accrocher les étoiles sur la rétine de son reflex.


Dimanche matin, San Rafael Swell. Sous un ciel aussi bleu que la veille, nous plions doucement le camp. En chargeant les derniers bardas, je prie pour que cet endroit soit le même dans un millier d’années. Nous quittons ce sanctuaire de la beauté du monde et rejoignons la route. Nous roulons parallèle au swell, jusqu’à ce que nous apercevions un trou au loin, comme une grotte surélevée qui perce la montagne. Arnaud trouve un chemin de terre qui s’en approche, puis nous laissons la voiture et poursuivons à pied. Nous voici gambadant sur la pierre blanche aux reflets rosés des flancs du swell, en direction de la White Horse Window.







Au bout de quelques chemins sablonneux, et d’une ultime série de bassins en escalier, nous découvrons un fabuleux cul de sac. Le trou observé de loin est en fait une double grotte, dont la plus grosse est percée d’un majestueux puit de lumière. L’endroit dégage une énergie surnaturelle. Il ferait un bon portail multi-dimensionnel dans un film de science-fiction. Comme pour illustrer mes songes, je trouve parmi les pictographes recouvrant la paroi nord de la grotte, au milieu des biches, rivières et chasseurs, un étrange robot au look futuriste…






L’accès à la seconde grotte est plus périlleux, et Sylvie éclate de rire lorsque je glisse et dévale la pente sur les fesses…

Sur le chemin du retour, je profite du terrain ouvert pour m’imprégner des paysages uniques de l’Utah. Je reviendrai ici, un jour.





Nous déjeunons un peu plus loin, à l’ombre des parois abruptes de Temple Mountain, au pied des pictographes superbes qu’elle abrite.

Il est maintenant temps de prendre la route pour retourner à Boulder. Mais le spectacle continue dans la voiture. Après les Book Cliffs, nous franchissons la frontière avec le Colorado, marquée par une rangée d’arbres. La fin du désert, le début de la forêt, sans transition. La traversée de Glennwood Canyon, bien qu’à moitié dévasté par un récent incendie, est prodigieuse.





En début de soirée, nous passons à proximité d’Aspen, et sommes surpris de la quantité de neige recouvrant le sommet des montagnes. Du désert aux monts enneigés en quelques heures, quel voyage extraordinaire !

Nous arrivons à Longmont vers 21h, fatigués de tant d’émotions. Une douche chaude permet de se débarrasser (en partie) de l’odeur de feux de camp (ou sauce bbq). Allongé dans mon lit, je me repasse en accéléré le film de notre inoubliable séjour en Utah. Quelle claque !
Je vous embrasse,
Julien